Alors que le gouvernement annonce 100% des personnels des écoles, collèges et lycées formés à la laïcité, le constat du SE-Unsa est tout autre. Dans une étude recueillant près de 5 000 réponses, le syndicat fait le bilan. « Si notre enquête a été décidée en juillet dernier, cette année scolaire a démontré l’importance d’aborder le sujet de la formation à la laïcité », a précisé Élisabeth Allan-Moreno, secrétaire générale, en préambule de la conférence de présentation de l’étude. « Meurtre de notre collègue Dominique Bernard, attaques contre l’école publique et laïque tout au long de l’année, parfois même du fait de la ministre en poste – je pense, bien évidemment à Amelie Oudéa-Castéra… sont autant d’évènements qui démontrent l’importance de se saisir de la question de la laïcité, notamment au travers de la formation des personnels ».
C’est dans le cadre de la redéfinition de la formation initiale que le SE-Unsa a jugé important d’être précis sur ce qu’il fallait proposer en matière de formation à la laïcité. L’enquête, qui donne la parole à 5 000 personnels – enseignant-es titulaires, contractuel-les, PsyEN, AED, AESH – n’est pas basée sur « des récits des personnels, mais sur leurs besoins ». Si les résultats montrent davantage de personnels formés, ces derniers dénoncent une formation trop théorique. « En quoi la formation est déficitaire alors qu’elle existe et est installée ? » c’est la question à laquelle a tenté de répondre le syndicat qui couvre l’École de la maternelle à l’université.
Petit panorama des atteintes à la laïcité
Interrogés sur l’origine des atteintes à la laïcité, c’est pour 54% du fait d’ élèves et 31% de parents. 29% sont des atteintes liées au port de signes religieux, 25% de contestations d’enseignements et 24% sont des contestations du principe lui-même. 77% déclarent que ces atteintes sont ponctuelles. 91% que les difficultés sont résolues par le dialogue selon les répondants.
Des personnels contractuels pas ou peu formés
72% des personnels déclarent n’avoir jamais eu de formation à la laïcité. On est loin des 100% affichés par la rue de Grenelle. Comment expliquer cette différence de chiffres ? Une partie de la réponse se trouve dans le statut des professeurs. Les contractuel·les, qu’ils soient enseignant·es, AED ou AESH, sont peu ciblés par ces formations. L’histoire relativement récente aussi de cette formation. C’est en 2021, au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty par un terroriste que les formations ont été décrétées. Les jeunes diplômés ont donc été formés à la laïcité. 69% des T1, T2 et T3 déclarent avoir bénéficié de cette formation, 67% des stagiaires. Pour l’ensemble des répondants – incluant donc les personnel·les ayant plus d’ancienneté et contractuel·es – ce sont 72% qui déclarent ne pas avoir été formés.
Mais, même lorsqu’ils sont formés, les répondants jugent la formation trop théorique et pas assez basée sur leurs besoins. « Ce sont beaucoup des formations sur la définition du principe de laïcité, mais pas sur concrètement comment faire dans telle ou telle situation », explique Marie-Laure Tirelle, secrétaire générale du Cnal, en charge de l’étude. « La formation actuelle à la laïcité n’est pas suffisamment concrète pour les personnels. Même si elle amène des connaissances sur le principe, elle doit évoluer pour permettre aux professionnels de faire vivre le principe de laïcité dans leur pratique quotidienne ».
« Les résultats globaux indiquent que les personnels de l’Éducation nationale, quels qu’ils soient, ont des besoins de formation en matière de laïcité », a conclu Marie-Laure Tirelle. « D’un point de vue qualitatif ou quantitatif, les réponses convergent pour davantage d’analyses de pratiques, de temps de concertation pour mettre en place des projets collectifs par exemple ». Autre bilan de cette étude, la façon dont la laïcité doit être transmise aux élèves. « Je ne crois pas à la tenue de « moments » de laïcité épars qui ne font pas sens pour les élèves. C’est à l’intérieur de nos cours, au quotidien, par les liens que nous tissons avec les élèves que nous faisons vivre les principes de laïcité » a ainsi déclaré un des répondants.
« Cette enquête, c’est aussi l’occasion de mettre fin à des idées reçues et de contrecarrer certaines idées populistes », a ajouté la secrétaire générale du SE-Unsa. « On le saurait s’il suffisait de décréter un Big Bang pour répondre aux problématiques d’atteintes à la laïcité ».
Lilia Ben Hamouda