Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), géré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a pour la première fois inclus une évaluation de la pensée créative des élèves de 15 ans dans son cycle de 2022. Le rapport « Résultats du PISA 2022. La pensée créative », publié le 18 juin, explore comment les systèmes éducatifs du monde entier développent les compétences créatives des élèves et les impacts de ces compétences sur leur réussite globale. Si la France affiche des résultats dans la moyenne des pays de l’OCDE, on apprend que les méthodes pédagogiques utilisées par les enseignant·es n’encouragent pas les élèves à être créatifs. La France fait aussi figure de mauvaise élève (encore) lorsqu’il s’agit de lire les résultats en fonction des milieux socio-économiques des élèves.
C’était une nouveauté, évaluer la créativité des élèves. À cette fin, dans le cadre de la dernière édition de l’évaluation mondiale de l’OCDE, il a été demandé aux élèves de réfléchir à des solutions originales et variées face à des tâches simples d’expression ou à des problèmes courants, comme trouver une idée intéressante ou différentes façons de mener une campagne de sensibilisation à l’école. « Dans ce troisième volume du PISA, la créativité des élèves a été évaluée pour la toute première fois dans 64 pays et économies. Il sera essentiel de doter les jeunes générations des compétences nécessaires à la créativité, à l’innovation et à l’adoption des technologies numériques pour faire face aux répercussions des transformations en cours et en saisir les opportunités, qu’il s’agisse du vieillissement démographique, d’une productivité en perte de vitesse ou de l’émergence de l’intelligence artificielle », a indiqué Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE en préambule de la conférence de presse de présentation du dernier volume d’analyse des résultats du PISA 2022. « Cette évaluation, qui porte sur la capacité des élèves à formuler, évaluer et améliorer des idées dans quatre domaines différents – écriture créative, expression visuelle, résolution des problèmes scientifiques et résolution de problèmes sociaux -, fournit aux pouvoirs publics des données pour aider les élèves et les jeunes à réaliser pleinement leur potentiel face à l’évolution de l’économie et de la société. »
Singapour, la Corée, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Estonie et la Finlande arrivent en tête de cette toute première évaluation de la créativité réalisée dans le cadre du PISA. Ainsi, le rapport révèle que les élèves de Singapour se distinguent par leurs capacités créatives, obtenant une moyenne de 41 points sur 60, soit bien au-dessus des autres pays et économies participants. Les élèves de Corée, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Estonie, Finlande, Danemark, Lettonie, Belgique, Pologne et Portugal se placent également au-dessus de la moyenne de l’OCDE en matière de créativité, avec un score moyen de 33 points. La France, quant à elle, obtient un score moyen de 32,4 points, équivalent à la moyenne des pays de l’OCDE participants (32,7 points). Les élèves français se situent ainsi dans la même fourchette de performance que ceux de la Lituanie, l’Espagne, la République tchèque, l’Allemagne, les Pays-Bas et Israël.
Dans le détail, en France, 25,6 % des élèves se distinguent par des compétences créatives supérieures, contre une moyenne de 27 % dans l’OCDE. Ces élèves excellent dans la génération d’idées originales et diverses pour des tâches complexes. Les élèves les moins performants représentent eux 6,2 % de la population, un chiffre proche de la moyenne de l’OCDE (6,9 %).
Le rapport souligne que les systèmes éducatifs les plus performants en pensée créative sont souvent aussi ceux qui obtiennent de bons résultats dans les matières académiques traditionnelles telles que les mathématiques, la compréhension de l’écrit et les sciences. Pour autant, il existe des exceptions notables : les élèves de Hong Kong, Macao, Taipei chinois et Tchéquie, malgré leurs excellentes performances en matières académiques, se situent autour ou en dessous de la moyenne de l’OCDE en pensée créative.
Disparités entre sexes et milieux socio-économiques
Autre aspect important du rapport, l’analyse des écarts de performance en matière de créativité entre les genres et les milieux socio-économiques. Les filles se montrent généralement plus créatives que les garçons, particulièrement dans les exercices d’expression écrite et d’amélioration des idées des autres. En moyenne, les filles obtiennent de meilleurs résultats et ont des attitudes plus positives envers la créativité que les garçons. En France, l’écart moyen est de 2,5 points en faveur des filles, aligné avec l’écart moyen de l’OCDE de 2,7 points. Ces différences sont similaires à celles observées dans la compréhension de l’écrit. Les filles sont particulièrement surreprésentées dans les niveaux supérieurs de performance créative (29 % des filles contre 22,1 % des garçons) et sous-représentées dans les niveaux inférieurs (4,5 % des filles contre 8,1 % des garçons).
Les élèves issus de milieux défavorisés obtiennent des résultats inférieurs en pensée créative par rapport à leurs pairs plus aisés. Ces élèves, qui font face à des défis supplémentaires tels que l’insécurité alimentaire et le mal-logement, voient limiter leurs opportunités de développer leur créativité. L’indice de statut économique, social et culturel (SESC) montre un écart de 11,2 points entre les élèves favorisés et défavorisés en France, contre 9,5 points en moyenne dans l’OCDE. Là encore, la France se démarque par son incapacité à juguler les inégalités socio-économiques.
L’environnement scolaire
En moyenne, dans les pays de l’OCDE, entre 60 % et 70 % des élèves déclarent que leurs enseignants valorisent leur créativité et les encouragent à proposer des réponses originales. Cependant, cette pédagogie est plus répandue en Amérique latine et moins courante en Europe. 50,7% des élèves français déclarent que leurs professeurs les encouragent à proposer des réponses originales, contre une moyenne de 63,7%. Ils sont 82,9 au Salvador, 82,6% au Pérou… 50,8% déclarent que leurs professeurs valorisent leur créativité, la moyenne de l’OCDE est de 70,1%.
Sur la participation à des activités scolaires hebdomadaires propices à la créativité, là encore la France fait figure de mauvaise élève. 15,4% des élèves déclarent suivre un cours hebdomadaire d’Art (c’est 27,4 pour la moyenne de l’OCDE), 9,4 de musique (contre 21,7), 12,3 de programmation informatique (contre 17,2) et 8,9 d’écriture créative (contre 16,3). Des pourcentages à mettre en corrélation avec le fait que moins de 30 % des élèves français déclarent s’exprimer par l’art, contre 36,6 % en moyenne dans l’OCDE.
Ainsi, les élèves français de milieux populaires sont moins créatifs que beaucoup de leurs camarades des pays de l’OCDE et les méthodes pédagogiques utilisées par les enseignant-es ne sont pas propices à la créativité. Comment l’expliquer ? Un début de réponse se trouve sans nul doute dans le recentrage sur les fondamentaux depuis 2017, les effectifs trop élevés, le manque de formation des professeur·es, le manque de professeur·es tout court… À la veille d’une possible prise du pouvoir par un parti d’extrême droite, là encore, nul doute, la créativité des élèves français ne s’améliorera pas…
Lilia Ben Hamouda