« Ne sous-estimons ni le risque ni le danger : l’extrême droite pourrait bien être majoritaire à l’Assemblée nationale le 7 juillet prochain, dernière marche avant d’accéder à l’Élysée en 2027 » alerte Yannick Trigance. « Il y a urgence : nous devons tout faire pour ne pas précipiter nos enfants, nos enseignants et notre école dans les bras d’une extrême droite aux antipodes des valeurs et des principes qui fondent notre service public d’enseignement ». Il signe cette tribune.
Au lendemain des élections européennes qui voient le Rassemblement national à un niveau historique – avec plus de 30% des suffrages, réalisant le double du score de la liste de la majorité présidentielle, l’extrême droite n’est plus aux portes du pouvoir : elle a un pied dans cette porte, allant même jusqu’à imposer au Président de la République l’agenda politique d’une dissolution de tous les dangers.
L’un de ces dangers, c’est ce qui va se jouer pour l’École de la République lors des élections législatives le dimanche 30 juin prochain si l’extrême droite obtient la majorité, hypothèse tout à fait envisageable.
Car le projet « éducation » de l’extrême droite constitue bel et bien une machine à broyer tant les élèves que les enseignants, une machine à aggraver les inégalités et à trier de plus en plus tôt, une machine à discriminer et à réprimer, une machine à abandonner au bord du chemin les élèves issus des milieux les plus modestes et ceux qui sont le plus en difficulté.
C’est ainsi qu’avec l’extrême droite, l’éducation prioritaire serait supprimée au prétexte qu’elle distribue trop de moyens aux quartiers les plus en difficulté par rapport aux autres élèves et aux autres quartiers. Il s’agirait en revanche de privilégier le milieu rural qui pourtant, dans la réalité, n’est pas moins doté que les autres et où les résultats ne sont pas inférieurs à ceux des milieux urbains.
De la même manière, le Rassemblement national prévoit un allongement d’une heure de la journée de classe, soit 5 heures de plus par semaine, avec un renforcement des enseignements « fondamentaux » de français, mathématiques et histoire.
Comment oser rallonger la journée quotidienne de classe alors qu’elle est déjà la plus longue comparée aux autres systèmes éducatifs ? Comment proposer par ailleurs d’augmenter les enseignements « fondamentaux » alors même que la France est actuellement championne d’Europe des volumes horaires pour ces matières ?
Outre le fait qu’elle témoigne d’une parfaite méconnaissance de notre système éducatif, une telle mesure réduirait à la portion congrue les autres enseignements, mais également les projets pédagogiques interdisciplinaires.
Soyons clairs : cette école est pour partie en cours de réalisation depuis 2017 avec des ministres de l’éducation qui portent sans état d’âme une vision séparatiste, stigmatisante et coercitive de l’école de la République, une école du tri social qui aggrave les inégalités au lieu de les combattre.
La « restauration de l’autorité du maître » et de « l’efficacité du système éducatif », les « sanctions », le « mérite scolaire » font partie intégrante de l’arsenal lexical déployé à longueur d’interviews tant par le « premier ministre de l’éducation » Gabriel Attal que par les responsables d’extrême droite.
Et bien plus que les seuls discours, les réformes engagées concrètement par les gouvernements successifs depuis 2017 démontrent, s’il en était besoin, la convergence éducative entre les mesures effectivement appliquées et les propositions de l’extrême droite.
Mise en place de l’uniforme, « choc des savoirs » et ses groupes de niveaux qui actent la suppression du collège unique , retour du redoublement injuste socialement, impactant psychologiquement et inadapté pédagogiquement, brevet des collèges érigé en barrage pour l’accès aux lycées avec la création de « classe pré-lycée », labellisation des manuels scolaires par le ministère, injonctions pédagogiques qui mettent fin à l’autonomie pédagogique des enseignants, conseil de discipline dès le premier degré, internat pour les élèves présentant des difficultés de comportement, enseignement professionnel qui place les lycéens sous la tutelle patronale, refus de la mixité sociale et scolaire… autant de mesures mises en place par la Macronie et que l’on trouve dans le programme éducation du Rassemblement national.
Enfin, dans sa lutte effrénée contre les enseignants qualifiés de « pédagogistes », l’extrême droite prévoit la suppression des INSPE – Institut national supérieur des professionnels de l’éducation – pour les remplacer par une formation « sur le tas » des enseignants ramenés au rang de « fidèles exécutants de programmes politiques définis par le Parlement », le rétablissement d’une « exigence de neutralité absolue du corps enseignant en matière politique, idéologique et religieuse » et pour couronner le tout, « l’accroissement du pouvoir de contrôle des corps d’inspection et l’obligation de signalement des cas problématiques sous peine de sanctions à l’encontre des encadrants ».
Autant dire que si notre école publique est aujourd’hui terriblement maltraitée, l’extrême droite aux responsabilités finirait de l’achever avec à la mise en place d’une véritable police de la pensée destinée à placer les enseignants, les équipes éducatives et le contenu des enseignements sous un strict contrôle fondamentalement contraire à la liberté de conscience, à l’émancipation et à la fraternité.
Ne sous-estimons ni le risque ni le danger : l’extrême droite pourrait bien être majoritaire à l’Assemblée nationale le 7 juillet prochain, dernière marche avant d’accéder à l’Élysée en 2027.
Il y a urgence : nous devons tout faire pour ne pas précipiter nos enfants, nos enseignants et notre école dans les bras d’une extrême droite aux antipodes des valeurs et des principes qui fondent notre service public d’enseignement.
Le 7 juin prochain, pour l’École de la République, pour nos enseignants, pour nos élèves : votons !
Yannick TRIGANCE
Conseiller régional Île-de-France