Quels sont les élèves qui s’orientent vers le CAP ? Quel est leur profil scolaire et sociologique ? La dernière note de la DEPP – Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance – a « pour objectif de mieux comprendre en quoi les facteurs familiaux, scolaires et sociaux interviennent dans la construction d’un projet d’orientation vers la voie professionnelle sous statut scolaire ou sous statut d’apprenti ». On y apprend, entre autres, que les élèves dont les parents projetaient des études longues en CP sont plus souvent en CAP sous statut d’élèves que ceux sous statut d’apprenti – souvent issus de classes moyennes avec des parents artisans, agricultures… Et sans surprise, les premiers, dont l’orientation en CP est plus que contrainte que désirée, sont souvent issus de familles défavorisées et immigrées et scolarisés en éducation prioritaire.
En 2020 et en 2021, un tiers des élèves entrés en CP en 2011 se sont dirigés vers le second cycle professionnel à l’issue de leur classe de troisième : 10 % vers un CAP et 21 % vers un baccalauréat professionnel. L’orientation en CAP par apprentissage correspond plus souvent au souhait réel des parents que l’orientation en CAP sous statut scolaire nous apprend le service statistique du ministère. 79 % des parents des apprentis en CAP souhaitaient en 2020, juste avant la procédure d’orientation de troisième, une orientation en CAP pour leur enfant contre 63 % des parents des élèves en CAP. « Pour les apprentis, l’orientation en CAP correspond davantage au souhait initial des familles quand elles sont très favorisées et favorisées que quand elles sont défavorisées – ouvriers, retraités ouvriers et employés ». Pour les apprentis, 95% de leurs parents envisageaient déjà pour leur enfant, avant son orientation en CAP, une formation en apprentissage. Pour les élèves en CAP – et donc sous statut scolaire –
le statut d’orientation finalement différent de celui initialement souhaité peut être expliqué « par leurs résultats scolaires, mais aussi par des contraintes géographiques ou financières ».
Les souhaits des familles découlent généralement de leurs aspirations initiales, notamment en termes de diplôme, explique la DEPP. « Au moment de la réalisation de l’enquête de 2012 auprès des familles, alors que les élèves étaient scolarisés en classe de CP, les parents des futurs jeunes en CAP sont trois fois moins nombreux que l’ensemble des élèves du panel à déclarer qu’un diplôme du supérieur est le diplôme le plus utile pour trouver un emploi. De même, parmi les parents des jeunes en CAP, ceux qui déclarent que le CAP ou le bac professionnel sont les diplômes les plus utiles sont surreprésentés ». Au sein même des familles des élèves et apprentis en CAP, les aspirations sont différentes. « Lorsque leur enfant était en CP, les parents des futurs apprentis en CAP étaient, en effet, plus nombreux à estimer que le baccalauréat professionnel est le diplôme le plus utile pour trouver un emploi ».
Pour les élèves de milieux populaires, une orientation plus souvent subie
Les jeunes d’origine sociale défavorisée choisissent plus fréquemment la voie professionnelle, en particulier le CAP, à l’issue de la classe de troisième. « Alors qu’ils représentent 37 % de l’ensemble des élèves entrés en CP en 2011, ils sont 66 % parmi les jeunes qui s’orientent vers un CAP sous statut scolaire et 56 % parmi ceux qui s’orientent vers un CAP en apprentissage », précise la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance. Les jeunes d’origine sociale moyenne orientés en CAP, deviennent plus souvent apprentis. « La fréquence plus élevée des jeunes de la classe moyenne parmi les apprentis s’explique en grande partie par la forte représentation des enfants d’artisans et de commerçants au sein de cette classe ».
Les enfants ayant des parents diplômés d’un baccalauréat ou du supérieur ont plus de chance d’être apprentis que ceux qui ont des parents peu ou pas diplômés. « Les enfants d’immigrés sont moins souvent en apprentissage après la troisième : ils représentent 7 % des apprentis en CAP, contre 16 % des élèves en CAP et 21 % de l’ensemble des sortants de troisième. Les difficultés de ces jeunes à trouver une entreprise d’accueil (manque de réseau, discrimination, etc.) ou des aspirations différentes de la part des familles immigrées vis-à-vis de la scolarité de leur enfant pourraient expliquer cet écart ».
Scolarisés dans le privé au collège, c’est le statut d’apprenti que les jeunes choisissent
Les jeunes qui s’orientent en CAP par apprentissage directement après la troisième ont de meilleurs acquis en sixième que ceux qui préparent ce diplôme sous statut scolaire. Et sur leur vécu au collège et leur rapport aux apprentissages, les apprentis en CAP ont davantage le sentiment d’apprendre beaucoup de choses au collège comparé aux élèves en CAP. « Le désamour de l’école peut être un des motifs d’orientation vers l’apprentissage. Ne pas être content d’aller au collège peut être le signe d’un rejet de la forme scolaire classique et l’apprentissage peut être vu comme une alternative à la voie scolaire » explique la DEPP.
Et si les jeunes ont été scolarisés dans un collège privé et qu’ils s’orientent vers un CAP, c’est très majoritairement le statut d’apprenti qu’ils choisissent, « près d’un apprenti en CAP sur quatre était scolarisé en troisième dans un collège privé, soit le double des élèves en CAP ». À l’inverse, l’orientation en CAP sous statut scolaire est nettement plus fréquente chez les élèves scolarisés dans un collège en réseau d’éducation prioritaire. « Un élève en CAP provenant d’un collège privé n’a pas significativement plus de chances de devenir apprenti qu’un élève issu du public hors EP. En revanche, à caractéristiques égales, les élèves en CAP provenant de collèges de l’éducation prioritaire ont moins de chances d’accéder à l’apprentissage que les élèves du public hors EP ou les élèves du privé ».
Et si le jeune réside en zone rurale, là encore, plus de chance qu’il s’oriente vers l’apprentissage. « Les jeunes résidant en zone rurale représentent un tiers de l’ensemble des sortants de troisième, mais représentent un apprenti en CAP sur deux. À l’opposé, l’apprentissage est presque trois fois moins fréquent parmi les jeunes résidant en zone urbaine très dense ».
Lilia Ben Hamouda