Samedi 2 mars 2024, un rassemblement parisien a réuni place de la Sorbonne les syndicats enseignants, des personnels, des parents, la FCPE et de nombreux élus de la gauche et des écologistes pour défendre l’école publique. Toutes et tous expriment unanimement une vive inquiétude pour l’état et l’avenir de l’enseignement public à Paris, attaqué non seulement par une baisse de moyens, mais par le projet de tri social des élèves qu’induit la réforme de classes de niveau. Ces projets affaiblissent l’école publique dans un contexte et dans une académie où la part de l’enseignement privé sous contrat est non seulement importante avec un tiers des enfants, mais où il prospère. Les prévisions de Julien Grenet annonçant la moitié des effectifs scolarisés dans le privé d’ici une dizaine d’années, ne devraient-elles pas avoir pour effet de renforcer l’école publique pour freiner cette dynamique? L’année dernière, une saignée avait déjà eu lieu avec la suppression brutale de 178 classes dans les écoles publiques et la suppression de 183 postes dans le second degré. Or, pour la deuxième année consécutive, l’académie de Paris est sévèrement touchée par les suppressions et les fermetures de classes, particulièrement en éducation prioritaire.
«Non à la casse de l’école publique» : plus de 250 suppressions de postes
A Paris sont prévues, à la rentrée 2024, 125 suppressions de postes dans le 1er degré et jusque 150 fermetures de classes, auxquelles s’ajoutent les 128 suppressions de postes dans le second degré – dont 78 pour les collèges – et des baisses de Dotation Horaire Globale. Des collèges sont menacés de fermeture définitive à court moyen terme. Les personnels, parents, syndicats dénoncent cette perte de moyens et la casse de l’école publique.
L’adjoint aux affaires scolaires du dixième arrondissement, Eric Algrain, exprime sa colère face aux annonces du rectorat qui prévoit dix fermetures de classes dans le premier degré, dont quatre pour la deuxième année consécutive. Il évoque aussi le cas des petits collèges de son arrondissement, les collèges Palissy et Seligmann qui sont menacés de fermeture alors que « ce sont des collèges qui fonctionnent bien, avec des équipes stables » et que la petite taille permet un suivi et un accueil de qualité pour les élèves et que la Ville a investi dans le bâti scolaire à hauteur de 2 millions par exemple dans le cas de Seligmann.
Des parents de l’école de la Brèche aux Loups dans le douzième arrondissement dénoncent la suppression pour la deuxième année consécutive et la fermeture de deux classes qui, mécaniquement, auront des effets négatifs sur les conditions d’apprentissages des élèves avec des effectifs de classes plus importants. À la rentrée 2024, les classes CE1 ne pourront plus être dédoublées, «trois enseignants en moins, ça change et chamboule tout. Ça fait beaucoup trop là! », lâche un parent. La directrice précise « on est dans une école qui accueille beaucoup d’élèves en difficulté, rattachée à l’éducation prioritaire. Une classe a déjà été fermée et là on envisage de fermer deux classes faisant fi de toutes les difficultés reconnues par l’académie et la ville de Paris. On met à mal nos projets.»
Une mère d’une école du dix-neuvième arrondissement, présente au rassemblement n’est pas concernée directement par la fermeture d’une classe, mais elle soutient la mobilisation. L’année dernière, l’école de son fils a perdu une classe. Pour elle, « la qualité des classes se dégrade, on voit que ce n’est pas facile pour les enseignants. Dans la classe de mon fils, en CE1, 2 enfants sont partis dans le privé. Beaucoup de parents hésitent, comme moi, alors que c’est loin de mes idéaux, la preuve je suis ici aujourd’hui…»
Un front commun pour l’école publique
Des banderoles des syndicats enseignants, SNUIpp-FSU, SNES, celles de la FCPE, des établissements, des pancartes de parents, des personnels ont trôné sur la place pluvieuse de la Sorbonne pour dénoncer les suppressions de postes et exprimer leur profonde inquiétude pour l’école publique à Paris. Léa de Boisseuil, porte-parole du FSU-SNUIPP affirme qu’ « il faudrait 200 postes de remplacement supplémentaires et là, ils en créent dix… Donc on est inquiets pour le fonctionnement du service public et pour l’avenir ». Elle rappelle que Paris passe pour une académie privilégiée, mais elle reste pour ses effectifs d’élève par classe au-dessus de la moyenne européenne.
Parmi eux et avec eux, les élus de toute la gauche et des écologistes, la sénatrice Colombe Brossel (PS), le sénateur Ian Brossat (PCF), les députés Rodrigo Arenas, Danielle Simonnet (LFI), Julien Bayou (EELV), les maires d’arrondissement des 18e et 19e, Eric Lejoindre et François Dagnaud, les adjoints à l’éducation des 10e, 14e, 19e et 20e étaient rassemblés sur la place de la Sorbonne. Pour Danièle Simonnet, « ce gouvernement est bien décidé à casser l’école publique, la baisse démographique devrait être l’occasion de réduire les effectifs par classe et là, tout est fait pour favoriser le développement du privé ». Rodrigo Arenas exprime également son soutien: «nous ne faiblirons pas. Tous ensemble, parent, professeur, député, ville, syndicats».
L’adjoint à la Maire de Paris aux affaires scolaires, Patrick Bloche soutient également la mobilisation : « le rassemblement témoigne d’un degré de mobilisation qui va être croissant, un front uni de celles et ceux qui refusent la suppression des postes, après le choc de la rentrée 2023. Ce n’est absolument pas justifié par la baisse démographique de Paris. »
C’est un mois de mars e mobilisation qui s’annonce à Paris : un rassemblement devant le rectorat est prévu aujourd’hui, 5 mars, ainsi qu’une assemblée générale et une journée «école déserte» est annoncée mardi 12 mars. Des motions contre la mise en place des groupes de niveau et contre les DHG ont été envoyées au rectorat, des audiences sont également demandées au DASEN de Paris dans une académie toujours sans recteur, après la démission de Christophe Kerrero du 2 février.
Djéhanne Gani