La loi de 2004 sur les signes religieux ostensibles à l’école fêtera ses 20 ans dans quelques jours. L’occasion pour le Café pédagogique de donner la parole au chercheur Ismaïl Ferhat, professeur en sciences de l’éducation à l’université Paris Nanterre, laboratoire CREF (Centre de recherches éducation et formation). Spécialiste des questions de laïcité, il a coordonné l’ouvrage collectif Les foulards de la discorde. Retours sur l’affaire de Creil, 1989 (Éditions de l’Aube, 2019). Il est aussi l’auteur de Des discriminations sous-estimées ? Les musulmans en France (l’Aube, 2020). Dans cet entretien, il établit justement un lien entre les discriminations au sein d’une institution scolaire se targuant d’être égalitaire et universaliste et les réticences persistantes à la loi de 2004 d’une partie des jeunes scolarisés.
À la veille de son vingtième anniversaire, la loi du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux ostensibles dans l’école publique, vous semble-t-elle définitivement entrée dans les mœurs scolaires ?
La réponse mérite d’être faite sur trois plans distincts. Le premier constat est que cette loi a jusqu’à présent été suivie de peu de conflits et de contentieux. C’est en soi à mettre à son crédit et à sa gestion raisonnée par le système éducatif. Dès 2005, l’inspectrice générale Hanifa Chérifi avait été missionnée pour étudier l’application de la loi et de sa circulaire d’application du 18 mai 2004, plus détaillée. Dans son rapport rendu en juillet 2005, elle a montré que durant l’année scolaire 2004-2005, les difficultés « remontées » du terrain restaient numériquement faibles. Elle mentionnait 639 signes religieux dits ostensibles, 96 alternatives au conseil de discipline – départ pour le privé ou télé-enseignement via le Centre national d’enseignement à distance (CNED) et 47 exclusions. Au regard des plus de 10 millions d’élèves scolarisés dans le secteur public, puisque les écoles privées ne sont pas concernées par cette loi, c’est peu. De facto, cet état des lieux a vite démenti les craintes qui existaient sur la bonne application de la loi, avant sa promulgation. Pour la période actuelle, les remontées régulières d’atteintes à la laïcité établies depuis l’année scolaire 2017-2018, montrent que les contestations liées à des signes ou vêtements religieux ne dépassent pas quelques centaines de cas. On est donc sur un phénomène qui reste réel tout en n’étant pas massif.
Le second niveau de réponse est la mutation de ce qu’on appelle les « signes religieux ostensibles », le foulard ou le voile étant de plus en plus remplacé par d’autres identifications vestimentaires. En 2007, le Conseil d’Etat a statué sur l’exclusion d’une élève qui avait substitué au foulard un bandana, qu’elle refusait de retirer. Le juge administratif a confirmé la décision de l’établissement scolaire sur le fondement de la loi du 15 mars 2004. En 2023, le ministère de l’Éducation nationale a étendu explicitement le champ de cette loi à l’abaya, sans que le Conseil d’Etat n’y voie d’obstacle. Potentiellement, donc, de nouveaux signes ou tenues pourraient susciter, à l’avenir, des conflits et entrer dans le champ d’application de la loi.
Le troisième et dernier élément de réponse est la persistance, depuis 2004, d’une fraction minoritaire de l’opinion qui est hostile à cette loi. Celle-ci est sur-représentée dans certains secteurs de la société française : une partie de l’extrême-gauche politique et syndicale, certains courants féministes, une minorité de la communauté musulmane. Elle est aussi sur-représentée dans une partie de la jeunesse, en particulier celles des quartiers populaires. Mais même au sein de ces groupes, la perception de la loi est plurielle et suscite, par exemple dans les différents courants du féminisme, de très vifs débats. Idem d’ailleurs pour les institutions ou représentations des grandes confessions monothéistes – catholicisme, protestantismes, judaïsme, islam… – qui étaient souvent a minima réservées sur la loi de 2004.
L’interdiction que porte cette loi est-elle une exception française ? Qu’en est-il dans les pays voisins et en Europe ?
Il faut distinguer sur qui pèse cette interdiction. La restriction des signes religieux pour les salariés du secteur privé est reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans des conditions très limitées. Elle est par contre bien plus aisée pour les agents du service public, dont la CEDH a reconnu à plusieurs reprises le statut spécifique, ce qui implique la neutralité religieuse. Sur l’interdiction dans l’espace public de tenues religieuses masquant entièrement le visage, plusieurs pays et autorités fédérées ont déjà formulé des lois en ce sens ou annoncé vouloir le faire. Le plus souvent, ces législations qui imposent des restrictions sont, comme en France, liées à la fois à de vifs débats sur le voile et au durcissement des pouvoirs publics quant à l’islam. Il faut donc relativiser sur ce point la spécificité française. En revanche, pour les élèves des écoles publiques, oui, la France est spécifique dans l’interdiction de certaines tenues. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les opposantes et opposants à la loi du 15 mars 2004 soulignent ce caractère à part, et mobilisent parfois des réseaux associatifs, médiatiques ou militants à l’échelle européenne pour la dénoncer. Même dans l’Europe latine et catholique, qui partage avec la France certains traits en matière d’histoire scolaire, en particulier l’affrontement souvent vif entre l’Eglise catholique et les pouvoirs publics, cette interdiction française reste une spécificité nationale.
Plusieurs sondages ces dernières années mais aussi de fréquents propos d’élèves montrent que cette loi souffre d’un défaut croissant d’adhésion auprès des jeunes scolarisés, enclins à penser que « chacun s’habille comme il veut » dans une société démocratique…
Il convient de souligner qu’en 2004, c’était déjà le constat des premiers travaux de journalistes, d’observateurs ou de sciences humaines et sociales. Les jeunes en âge d’être scolarisés, alors même qu’elles et ils sont majoritairement très peu religieux, figurent constamment parmi les publics les moins favorables à la loi. Ceci s’est maintenu alors même que depuis les années 2000, le niveau de connaissance du principe de laïcité s’est considérablement amélioré chez les élèves – ne serait-ce que parce que les programmes scolaires en parlent nettement plus. J’ai appelé « pédagogisation de la laïcité » cette évolution dans les contenus d’enseignement. Mais encore une fois, il y a différentes jeunesses et il faut garder à l’esprit que les clivages générationnels n’expliquent pas forcément tous les phénomènes sociaux. Les données existantes, qu’il s’agisse de sondages, d’enquêtes et de travaux de terrain en sciences humaines et sociales, convergent sur le fait que les jeunes appartenant à des minorités ethno-religieuses, habitant des quartiers populaires et scolarisés en voie professionnelle, ce qui se recoupe en bonne partie, sont bien plus hostiles à la loi du 15 mars 2004 que les autres. Derrière cette sociologie, il y a un autre problème, que l’école française a peut-être beaucoup de mal à traiter voire à admettre : les discriminations ethno-raciales dans le système éducatif. C’est, dans une institution scolaire qui se targue d’être égalitaire et universaliste, un puissant facteur de déception pour ces jeunesses populaires, qui finissent de ce fait, parfois, par se replier sur une identité religieuse fermée et par s’en prendre à la loi du 15 mars 2004. Cela contribue à nourrir les pratiques provocatrices et contestataires, par exemple les perturbations de minute de silence en 2015 ou en 2023, ce qui dépasse le seul cadre de la laïcité.
Mais ces jeunesses populaires sont aussi plurielles. Le rapport à la scolarité, le degré de ghettoïsation, notamment ethnoculturelle et religieuse, de l’établissement fréquenté et du lieu de vie, la réussite scolaire ou son absence déterminent en bonne partie cette appréhension de l’interdiction des signes religieux ostensibles. Gilles Kepel, dans son ouvrage Banlieue de la République (Gallimard, 2012), qui prolongeait son rapport pour l’Institut Montaigne, en a donné un exemple éloquent dans sa recherche sur les jeunes, pas forcément musulmans, des communes défavorisées de Clichy-sous-Bois ou Montfermeil où avaient commencé les émeutes de 2005. Interrogés sur la personne qu’ils détestent le plus, ils plaçaient les conseillers d’orientation psychologues (ancien nom des psychologues de l’Éducation nationale) en première place. En effet, alors même que ces derniers n’avaient pas de réel pouvoir en matière d’orientation, ils étaient identifiés comme ceux qui envoyaient en filière de relégation scolaire. Il convient d’ajouter que les jeunes des quartiers populaires, des années 1990 et 2000 – les décennies durant lesquelles le foulard ou voile a concentré les débats laïques à l’école – sont aujourd’hui pour une bonne partie, eux-mêmes parents. Le risque existe d’une reproduction familiale liant le parcours scolaire chaotique de certains parents avec l’échec des enfants, avec pour effet de rouvrir le sentiment d’humiliation et la méfiance vis-à-vis de la loi de 2004. C’est ce que montre la chercheuse Samia Langar, de l’Université Lumière Lyon 2, dans sa thèse publiée en 2021. Les parents d’élèves musulmans des quartiers populaires de l’agglomération lyonnaise qu’elle interroge ont, pour certains, un très vif ressentiment, lié à leur propre orientation contrainte, leur arrêt précipité d’études, qu’ils vivent mal quand leurs enfants semblent reproduire la même voie. Leur avis sur la loi de 2004 est globalement très négatif. Celle-ci symbolise donc, pour une fraction des classes populaires et des minorités ethniques, les injustices et discriminations ressenties, ce qui va bien au-delà de l’école et de la laïcité.
Des erreurs ont-elles été commises dans la pédagogie de la laïcité, telle qu’elle a été mise en place à partir de 2012 puis relancée par les ministères successifs ?
Le terme d’erreur n’est peut-être pas le plus indiqué. La question est de savoir ce que le ministère de l’Education nationale attendait de cette « pédagogie de la laïcité ». Du point de vue de la connaissance du principe laïque, c’est une réussite qu’il faut mettre au crédit de la communauté éducative. Rappelons que selon l’enquête du Cnesco publiée en janvier 2020, 90% des collégiens et 80% des lycéens interrogés déclaraient l’avoir étudié en cours, et les réponses montraient qu’ils en avaient compris le sens. En tant qu’élève, j’ai moi-même connu une scolarité où l’on pouvait faire tout son cursus avec des programmes qui n’abordaient que très marginalement, voire tout simplement pas, le sujet.
En revanche, en matière de climat scolaire et d’adhésion aux normes, l’institution a peut-être un peu trop attendu de cette pédagogisation de la laïcité. Celle-ci était supposée convaincre tous les élèves du bien-fondé des restrictions en matière de signes religieux. Ce lien est explicite dans de nombreux documents et déclarations du ministère. Or, la réalité est plus complexe. En tant qu’intervenant devant des lycéens et des étudiants, je me retrouve parfois confronté à des jeunes qui opposent la loi de 1905 à celle de 2004. Paradoxalement, l’éducation au principe laïque offre aussi aux jeunes hostiles à la loi de 2004 la possibilité de rationaliser et d’argumenter leur rejet de celle-ci. Ils perçoivent la laïcité avant tout comme la garantie de la liberté religieuse – oubliant les restrictions apportées à celle-ci dès sa reconnaissance en France en 1789. C’est d’ailleurs la stratégie argumentative et communicationnelle que les partisanes et partisans de l’abaya ont mobilisée à la rentrée 2023. La laïcité est réduite ici à la coexistence des convictions religieuses, ce qui est un discours parfois inspiré par des acteurs ou mouvements transnationaux. Mieux connaître le principe laïque par ce qu’on l’a appris à l’école n’implique donc pas forcément une adhésion de tous les jeunes à l’interdiction des signes religieux ostensibles. Cette interdiction peut se heurter à des perceptions de l’institution scolaire dépassant largement la loi du 15 mars 2004, en particulier pour des publics scolarisés qui considèrent que l’école ne les traite pas équitablement.
De quand date l’apparition, dans le débat français, de la notion d’« atteinte à la laïcité » dans l’école publique ?
L’expression émerge progressivement à partir de l’affaire des trois collégiennes de Creil en 1989, avec une première formalisation lors des commissions Debré et Stasi en 2003 puis, en 2004, du rapport dirigé par l’inspecteur général Jean-Pierre Obin sur « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires ». Elle est définitivement adoptée sous le ministère de Jean-Michel Blanquer, qui propose à la fois une définition et une recension systématique des « atteintes à la laïcité ». La grille de signalement proprement dite évolue, suite à sa création lors de l’année scolaire 2017-2018, avant d’être stabilisée sous le ministère de Pap Ndiaye, en 2022-2023. Elle comprend huit items (port de signes et tenues ; refus d’activité scolaire ; revendications communautaires ; contestation d’enseignement ; suspicion de prosélytisme ; refus des valeurs républicaines ; provocations verbales ; sans catégorie). La notion renvoie donc à toutes les manifestations qui perturberaient le cadre laïque et républicain de l’école publique. Initialement, elle concernait surtout les protestations et contestations religieuses : c’était d’ailleurs le contenu des remontées faites à partir des années 1980, et notamment après l’affaire des foulards de 1989.
Au début des années 2000, Les territoires perdus de la République (Mille et une nuits, 2002), ouvrage collectif d’enseignantes et d’enseignants, tend à lier atteintes à la laïcité, islamisme et antisémitisme. Ceci s’inscrit dans un élargissement continu, à partir de cette période, de ce qui est considéré comme atteinte à la laïcité scolaire. Dès le rapport Obin de 2004, s’y ajoutent de nouvelles catégories, comme le « communautarisme » et les propos sexistes, antisémites et racistes. Ceci a eu des conséquences institutionnelles, quand il a fallu définir des grilles et des modalités de classification des atteintes à partir de l’année scolaire 2017-2018. Au niveau national, le Conseil des sages de la laïcité du ministère de l’Éducation nationale a vu son nom rallongé pour y ajouter « et des valeurs de la République ». Ses missions ont été élargies, le 14 avril 2023, aux questions de racisme et de discriminations. Au niveau rectoral, les « équipes académiques Valeurs de la République » (EAVR), le titre étant lui aussi révélateur de cet élargissement de la focale, sont sollicitées sur des sujets qui ne sont pas exclusivement religieux.
Du fait de cette évolution, l’ensemble des perturbations en milieu scolaire des « valeurs de la République » – notion elle-même évolutive, comme l’a bien montré l’historienne Jacqueline Lalouette récemment – entre désormais dans la catégorie des « atteintes à la laïcité ». Il est par exemple récent, à l’échelle de l’histoire institutionnelle, intellectuelle et politique de la France que l’on lie laïcité et lutte contre le sexisme et pour l’égalité femmes/hommes. Sur ce point, l’affaire des foulards de 1989 avait déjà joué un rôle déterminant dans cet élargissement de la focale laïque. La loi du 24 août 2021 sur les principes républicains tend d’ailleurs à généraliser aux pouvoirs publics et aux associations financées par fonds publics cette conception élargie des « atteintes à la laïcité ». L’idée directrice en est que toute contestation idéologique, et pas seulement religieuse, du cadre scolaire public peut mettre en cause son caractère laïque. Soit dit en passant, ce n’est pas nouveau : les circulaires Jean Zay de 1936 et de 1937 visaient d’abord le militantisme politique dans les établissements scolaires, comme les rappels ministériels après mai 1968.
On n’entend presque jamais parler d’atteintes à la laïcité scolaire qui ne seraient pas le fait de musulmans. Est-ce à dire qu’elles seraient numériquement sans importance ?
La crainte d’un durcissement religieux d’une fraction des élèves musulmans a, de fait, tendu à recouvrir, notamment dans les médias, les autres atteintes à la laïcité. Ceci est lié à l’émergence de la perception d’un « problème musulman » dans l’agenda des pouvoirs publics et des médias depuis plusieurs décennies, comme le soulignent les sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed. Le ministère de l’Éducation nationale n’a cependant pas oublié d’autres thèmes. Par exemple, les pratiques religieuses les plus rigoristes qui peuvent exister dans l’instruction en famille ou dans les établissements scolaires hors contrat ont fait l’objet d’un intérêt croissant de la législation scolaire. La loi Blanquer de 2019 puis la loi du 24 août 2021 ont par exemple largement encadré les possibilités d’instruction en famille. De même, d’autres risques, comme les dérives sectaires, n’ont pas disparu des politiques scolaires- même si elles ont pu être moins visibles par rapport aux années 1990-2000. Or, comme le montrent les derniers rapports de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), ces phénomènes sectaires sont en mutation. Ils sont moins clairement d’origine religieuse et de plus en plus présents dans les domaines de la santé, de la formation ou du bien-être, ce qui touche l’école.
Dans l’outremer caribéen, la question des courants évangéliques est de même un enjeu croissant que l’on sous-estime en métropole. En effet, une partie de ces mouvements participent à ce qu’on appelle dans le monde anglo-saxon les « culture wars », correspondant à la mobilisation d’organisations conservatrices chrétiennes. Celles-ci s’attaquent particulièrement à la sécularisation des institutions publiques, aux droits abortifs et contraceptifs des femmes ainsi qu’aux minorités sexuelles. Or, ces campagnes visent particulièrement l’école et ses contenus d’enseignement : éducation à la sexualité, sciences naturelles, histoire. Les catholiques intégristes reprennent aussi ce combat, comme en témoignent leurs récentes attaques en Belgique contre l’EVRAS (éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle ). Plusieurs écoles ont été vandalisées dans ce cadre. En France métropolitaine, la Manif pour tous, mobilisation contre le mariage des personnes de même sexe, d’inspiration catholique, a aussi pris à partie « la théorie du genre » et l’éducation à la sexualité dans les écoles. Elle a visé notamment les ABCD de l’égalité, abandonnés en 2014, avec des arguments très similaires à ceux des musulmans les plus conservateurs.
Au-delà de l’école publique laïque, la tendance à la « recatholicisation » d’une fraction des établissements privés sous contrat, étudiée par l’historien de l’éducation Bruno Poucet, mériterait aussi d’être soulignée. Le cas de Stanislas, certes spécifique – les instances nationales de l’enseignement catholique ne se sont d’ailleurs pas précipitées pour soutenir l’établissement – est symbolique de cette évolution. Celle-ci est probablement favorisée par l’arrivée de chefs d’établissements, de parents et d’enseignants qui ont été très influencés par la Manif pour tous et par le tournant conservateur pris par l’Église catholique dans la dernière partie du pontificat de Jean-Paul II. Cette sensibilité veut « réévangéliser » les établissements sous contrat, ce qui entre parfois en contradiction avec la logique d’entreprise scolaire développée par ceux-ci pour attirer un public en grande partie peu religieux.
Le dispositif actuel de recueil permet-il une mesure objective ?
La recension assurée par le ministère permet d’avoir des données de manière continue. C’est un progrès indéniable, mais qui a été soumis à la critique. Il est vrai que cette politique de comptage, instituée en 2018 a été percutée la même année par la mobilisation sur les réseaux sociaux autour de « #Pasdevagues ». Ce mot clé utilisé par des enseignants accusait l’institution éducative de cacher ou de minimiser les violences scolaires. Les chiffres que cette dernière donne sur les phénomènes problématiques – qu’il s’agisse de violences ou d’atteintes à la laïcité – sont donc contestés dans une partie de l’opinion, des personnels éducatifs voire des décideurs. Rappelons qu’en 2015, un rapport du Sénat rejetait explicitement les chiffres du ministère de l’Éducation nationale en matière de contestations des minutes de silence « Charlie Hebdo ». Posons-nous d’ailleurs la question : le comptage d’un phénomène socialement sensible, de l’immigration aux atteintes à la laïcité, peut-il suffire à le dépassionner ? On peut craindre que non. Les données existantes sont néanmoins utiles pour comprendre le phénomène des contestations religieuses – et les traiter via les institutions existantes.
Propos recueillis par Luc Cédelle