Jeudi 16 novembre, les ministres Gabriel Attal et Jean-Noël Barrot, en charge du numérique, se sont rendus au salon Educatech. Si l’on sait qu’un comité de filière sur le numérique éducatif est dans les cartons, pour les annonces précises, il faudra attendre début décembre. Quant à la DNE -Direction du Numérique pour l’Education, qui dit être en attente de prochains « arbitrages favorables », l’heure est au bilan de parcours pour « la doctrine et la stratégie du numérique » élaborées il y a 10 mois.
Du numérique de façon raisonnée ?
« Pour élever le niveau général de nos élèves, le numérique et l’intelligence artificielle sont des outils clés », lance Gabriel Attal, ministre de l’éducation lors de sa visite d’une heure au salon Educatech. « Les deux grandes priorités sont de former au numérique et de former par le numérique (…) Nous ne parviendrons pas à faire de cette révolution une opportunité si les enseignants ne sont pas au cœur de l’élaboration des outils ».
Le ton n’était pas aussi réjouissant lors de la conférence autour de la stratégie de la direction du numérique pour l’éducation (DNE). Nommé à la tête de la DNE depuis juillet 2021, Audran Le Baron évoque y découvrir « un grand foisonnement d’initiatives » à son arrivée mais « pas de ligne directrice. Nous avons œuvré dans le bon sens avec l’écriture d’une stratégie ». Citant l’exemple de la Suède qui finance massivement des ouvrages scolaires papiers, Audran Le Baron note que l’« on est revenu du tout numérique ! La vérité vient peut-être des syndicats suédois qui ont un discours modéré. Dans cette stratégie, nous avons des principes pour nuancer et équilibrer l’usage du numérique de façon raisonnée ». Ce cap de la DNE a été élaboré « en coconstruction avec les industriels privés et les collectivités. Le ministère ne peut pas tout ! », insiste le successeur de Mathieu Jeandron parti chez Amazon.
Quel bilan après 10 mois ?
Que sont devenus les quatre axes de travail et les seize actions clés de la DNE ? Au cours de la conférence, les intervenants relèvent une amélioration sur le partage des responsabilités pour la maintenance des équipements d’une part et une optimisation de la gestion du chauffage des établissements scolaires d’autre part, ceci grâce notamment avec le partage des périodes d’occupation. Un comité de filière sur le numérique éducatif a été mis en place. « Ce n’est pas anodin ! », se réjouit Orianne Ledroit, délégué générale EdTech France. Mais au final le public aura peu d’informations à ce bilan d’étape de cette stratégie résumée en 41 pages. Formation des enseignants, ressources disponibles, inter opérabilité et nouveaux équipements sont des sujets peu développés.
Audran Le Baron espère « obtenir les moyens de son ambition ». Un travail sur le partage de données, un recueil des expériences utilisateurs et la mise en place d’un incubateur de produits numériques à la DNE sont espérés à court terme. En mai dernier, Bruno Devauchelle soulignait déjà « qu’il était temps de remettre de l’ordre et de prendre en compte réellement les utilisateurs ».
Pour mettre en œuvre toute la doctrine dûment rédigée, le prochain arbitrage budgétaire qui arrive sera crucial. « Je compte bien sur la nouvelle équipe ministérielle pour gagner les arbitrages. Je m’inscris sur un temps long. J’ai fait trois rentrées avec trois ministres différents. J’ai très bon espoir pour une stabilité désormais », espère le directeur de la DNE.
Les industriels demandent du soutien
« Le numérique doit être au service de la performance éducative », souligne Orianne Ledroit citant notamment les bienfaits des quiz interactifs et des liens de communication entre les enseignants et les parents. « La Edtech a besoin de visibilité à moyen terme sur les soutiens. Nous manquons de mécanisme de passage à plus grande échelle » ». Une pluriannualité de la stratégie est demandée. « Un compte ressource » pour les enseignants est aussi souhaité pour « qu’ils choisissent eux-mêmes les ressources ».
Même demande du côté des éditeurs. « Nous avons des besoins sur un temps long qui dépasse les changements de ministère », note Célia Rosentraub, présidente de l’association des Éditeurs d’éducation. Du tout offline prôné il y a quelques années au tout online désormais, les éditeurs essayent de suivre et surveillent aussi de près les intelligences artificielles génératives qui s’inspirent fortement de leurs productions. « Le temps de l’appropriation pédagogique est long et ne marche très bien avec le temps politique (…) Les enseignants quand ils créent leur contenus ils vont chercher à 80% dans les manuels scolaires ».
Quid de la formation des enseignants ?
Évoquée au détour d’une question du public, la formation des enseignants reste le point noir de ce premier bilan. Audran Le Baron reconnaît « le gros enjeu de la formation ». Il met en lumière « les brigades d’intervention numérique » qui prennent en charge les élèves d’un côté et forme les profs de l’autre. « Cette modalité pourrait être systématisée ». La formation en ligne avec M@gistère et la proposition Pix+edu sont aussi mises en avant. « Une autoévaluation est possible en deux heures ». De là à y voir une nouvelle mouture du C2I2e il n’y a qu’un pas.
Julien Cabioch
Lire la stratégie du numérique pour l’éducation
Lire la doctrine technique (version 1.1)
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