Jeudi 23 août, la FSU-SNUipp ouvrait le bal des conférences de presse de rentrée. Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat majoritaire dans le premier degré, y a rappellé que « l’école prend de plus en plus de place dans la société et dans la vie politique où elle est au cœur des débats, chacun et chacune ayant son propre avis sur ce qu’elle doit être ». « On dit tout et n’importe quoi, chaque déclaration est scrutée et commentée, et ce au plus haut sommet de l’état : de la durée des vacances à la dictée quotidienne en passant par le port de l’uniforme … En cette rentrée scolaire, les enseignantes et les enseignants attendent beaucoup du gouvernement : une revalorisation salariale à la hauteur et des moyens pour transformer l’école et accomplir leurs missions » déclare-t-elle. Sur la nomination du nouveau Ministre, la responsable syndicale est peu optimiste, « De toute évidence pas de changement de cap, nous sommes toujours dans la lignée de JM Blanquer et plus spécifiquement d’Emmanuel Macron ».
Une école qui a besoin d’un temps long, à l’inverse du temps politique
Selon Guislaine David, l’École subit de multiples réformes et injonctions depuis ces six dernières années, années « qui ont essoré les élèves et les personnels » – « l’école a besoin de sérénité, d’un temps long. Cet empilement croissant de réformes imposées porte atteinte au sens du métier. Les enseignantes et enseignants ont besoin d’être reconnus pour leur travail et on doit pouvoir leur faire confiance et le montrer ».
La responsable syndicale remarque qu’on ne peut réformer à « à marche forcée contre la profession ». « La question du pacte enseignant qui consiste à travailler plus pour gagner plus fait partie des « irritants » entre les personnels et le ministère. Le nouveau ministre devra y faire face dès la rentrée ».
Sur la crise du recrutement des personnels, la FSU-SNUipp explique le manque d’attractivité par – outre les salaires – la « réforme des concours qui ne permet pas de stabiliser le parcours des futurs lauréats, formation initiale insuffisante et conditions d’entrée dans le métier difficiles concourent à une baisse d’attractivité ». Pour rappel, ce sont 1583 postes de professeurs des écoles qui n’ont pas été pourvus cette année, en plus des 1 117 emplois supprimés au budget (et justifiés par la baisse démographique). « Le choc d’attractivité » promis par Pap Ndiaye n’a pas eu lieu et il faudrait des mesures drastiques pour revenir aux taux observés il y a dix ans où 97% des postes étaient pourvus contre 84% cette année », déclare Guislaine David. « C’est bien évidemment la question des salaires qu’il faut revoir, même si les débuts de carrière ont été plus revalorisés, la question de la perspective de carrière est aussi importante. Et ce ne sont pas les mesures sur le pacte qui vont renforcer l’attractivité. C’est aussi la question des conditions de travail qu’il faut revoir : avoir des groupes allégés, avec des enseignants supplémentaires, des enseignants et enseignantes spécialisés mais aussi la possibilité de travailler en équipe et d’obtenir des réponses lorsqu’on est en difficulté notamment en matière d’inclusion. C’est aussi la question de la formation continue des enseignants qui aujourd’hui ne répond pas aux demandes de la profession ».
Pour pallier les postes non pourvus, les académies – Créteil, Guyane, Mayotte et Versailles – font appel à des contractuels. Les contractuels sont 8 fois plus nombreux qu’en 2013 selon le syndicat. Première conséquence pour les élèves et les enseignants et enseignantes : une majorité des remplacements ne seront pas assurés. « Les propos tenus par le Président Macron mais également par le nouveau ministre de l’Éducation nationale sont faux lorsqu’ils affirment que toutes les absences seront remplacées et qu’il n’y aura plus de problème de remplacement » fustige la responsable syndicale. « C’est moins visible pour l’opinion publique (dans le premier degré) parce que pour les parents lorsque l’enseignante de son enfant est malade et n’est pas remplacée, l’école a une obligation d’accueil. Les élèves sont donc accueillis et répartis dans les autres classes, donc en plus de l’effectif de la classe. Ce sont les conditions d’enseignement et donc d’apprentissage des élèves qui sont dégradées ». Autre conséquence, des droits des personnels qui sont « rognés » assure la porte-parole.
Sur la question des inégalités, la FSU-SNUipp estime que l’école a besoin de moyens supplémentaires mais aussi qu’il faut arrêter de donner des « objectifs qui ne reposent que sur la bonne volonté des enseignants ». « La stigmatisation du niveau des élèves, la comparaison des résultats des évaluations sont de nature à culpabiliser les enseignants et ne faire reposer que sur leurs épaules la réussite de toutes et tous » ajoute Guislaine David. « Depuis près de 20 ans, l’école française subit une aggravation des inégalités scolaires et du poids des déterminismes sociaux dans la réussite scolaire. Le sous-investissement chronique et les politiques éducatives menées laissent craindre des effets durables dans la scolarité des élèves, particulièrement pour ceux et celles issus des classes populaires ».
Salaires : ça ne va toujours pas
« Le Président – et super ministre de l’Éducation – a annoncé à nouveau une revalorisation historique » ironise Blandine Turki, co-secrétaire générale qui a présenté un focus sur les salaires. « Il s’agit d’une augmentation de temps de travail rémunéré et non d’une revalorisation. Le point d’indice des fonctionnaires a été gelé pendant 10 ans, cela représente un manque d’un mois de salaire. Les enseignants français touchent 19% moins que leurs collègues en Europe… ». Même si la responsable syndicale reconnaît qu’une partie des revendications de la FSU-SNUipp a été entendue (doublement de l’ISOE et augmentation de la prime d’attractivité), elle rappelle qu’il s’agit là de primes et non de traitement, « ce n’est pas ce qui rendra le métier plus attractif à long terme ». « Le Pacte est une réponse complétement à côté des demandes des professeurs qui veulent être mieux rémunérés. Le ministère reconnaît que nous travaillons 43 heures par semaine, exiger plus est une véritable provocation » juge Blandine Turki qui rappelle que les deux fois 10 min avant la classe, que certaines réunions, l’organisations d’événements… ne sont pas pris en compte dans le temps de travail des professeurs des écoles.
DROM : des écoles délabrées
Le syndicat a aussi souhaité alerté sur les conditions d’enseignement dans les écoles publiques des DROM. « Les inégalités et l’échec scolaire sont plus marqués que dans l’hexagone » expose Nicolas Wallet, co-secrétaire général. « Aux tests de la journée de défense et citoyenneté, le taux d’échec est de 2 à 5,5 fois plus élevé que la moyenne nationale ». Peu ou pas de scolarisation en maternelle – insuffisance de locaux, déscolarisation importante et pas de création de postes à la hauteur des enjeux seraient une partie de l’explication selon la FSU-SNUipp. « Les conditions d’enseignement pèsent sur les élèves et les enseignants. Les familles achètent les fournitures scolaire, les écoles sont délabrées – personne n’accepteraient cela dans l’hexagone. Il y a de vrai manquement en termes d’hygiène et de sécurité dans beaucoup d’école » déclare le responsable syndical qui évoque aussi le problème de manque d’eau dont souffrent les mahorais. « La CAF a dû assurer la distribution d’une gourde d’eau par enfant pour assurer la rentrée ».
« Il y a donc beaucoup à faire et à espérer en cette rentrée scolaire 2023 et les épaules de Gabriel Attal seront-elles assez larges pour endosser le costume de la transformation de l’école ? Ce qui est sûr c’est que la FSU-SNUipp portera haut et fort les revendications de la profession auprès du nouveau ministre pour que cette transformation ait enfin lieu » a conclut Guislaine David.
Lilia Ben Hamouda