Depuis la rentrée scolaire 2022, un nouveau régime d’autorisation d’instruction dans la famille a été mis en place. La loi de 2021 sur l’instruction dans la famille vise à garantir une « plus grande protection des enfants soumis à l’obligation d’instruction ». Un article paru dans la lettre juridique du ministère de l’Éducation nationale fait le premier bilan de la campagne 2022-2023 et examine le contentieux administratif qui en découle, ainsi que les divergences d’interprétation qui ont été réglées par le Conseil d’État.
Selon les données disponibles, 59 019 demandes d’autorisation d’instruction dans la famille ont été instruites par les services académiques en 2022 sur l’ensemble du territoire national. Parmi ces demandes, près de neuf sur dix ont donné lieu à une autorisation. Les autorisations accordées au titre du régime transitoire pour les enfants déjà instruits dans la famille pendant l’année scolaire précédente représentent 80 % des autorisations délivrées.
Certaines familles dont les demandes ont été rejetées ont introduit des recours contentieux devant les juridictions administratives, généralement accompagnés d’une requête en référé-suspension. Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a recensé plus de 280 ordonnances rendues par les juges des référés jusqu’à présent note la lettre informatique juridique.
La majorité de ces procédures d’urgence a été favorable à l’administration, avec 75 % des requêtes en référé rejetées. Dans 15 % des cas, la requête a abouti à la suspension du refus d’autorisation et à une injonction pour réexaminer la demande ou délivrer une autorisation provisoire. Dans 7 % des cas, le litige a été résolu grâce à l’octroi de l’autorisation en cours d’instance, et dans 3 % des cas, les requérants se sont désistés.
Des disparités de traitement
Plusieurs éléments marquants se dégagent de ce premier bilan. Tout d’abord, il existe des disparités géographiques importantes dans le nombre de recours introduits, avec l’académie de Toulouse qui concentre plus d’un tiers de l’ensemble des recours. Ensuite, le motif lié à la « situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif » est celui qui a suscité le plus de contentieux, représentant plus de 70 % des affaires. Enfin, le recours au référé-suspension est quasi systématique, car les décisions interviennent peu avant la rentrée scolaire.
Les divergences d’interprétation concernent principalement le motif de la « situation propre à l’enfant« . Certains tribunaux administratifs estiment que les autorités académiques ne doivent pas contrôler cette situation ni la cohérence du projet pédagogique présenté par les familles, tandis que d’autres considèrent qu’un contrôle de cette situation est légitime afin d’assurer la protection et le bien-être de l’enfant.
Des décisions du Conseil d’État pour clarifier l’application du texte
Pour clarifier ces divergences, plusieurs décisions du Conseil d’État ont été rendues. Le Conseil d’État a rappelé que l’autorité académique doit apprécier si la situation propre à l’enfant constitue un motif sérieux justifiant une autorisation d’instruction dans la famille. Cependant, il a précisé que cette appréciation doit se faire dans le respect du droit des familles à choisir le mode d’instruction de leurs enfants, tant que celui-ci n’est pas manifestement inadapté.
Le Conseil d’État a également rappelé que l’autorité académique ne peut pas exiger des familles des justifications excessives ou détaillées concernant la situation propre à l’enfant. Il a souligné que la décision doit être prise au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, en tenant compte de sa situation spécifique, de ses besoins et de son projet éducatif.
« Ces décisions du Conseil d’État contribuent à établir une ligne directrice pour l’interprétation et l’application de la loi sur l’autorisation d’instruction dans la famille » estiment les auteurs de l’article. Elles visent à assurer un « équilibre entre le droit des familles à choisir le mode d’instruction de leurs enfants et la nécessité de garantir la protection et l’épanouissement des enfants ».
Lilia Ben Hamouda