Co-auteur du rapport sur l’application de la loi Blanquer, Jérôme Legavre (LFI) y voit une nouvelle avancée du nouveau management public. Et il en annonce une dernière : celle de la réforme de la voie professionnelle.
Vous décrivez la loi Blanquer comme un instrument de la privatisation de l’Ecole. Pourquoi ?
Elle est dans un continuum. Par exemple des élus nous ont présenté comme un « somptueux cadeau » la mesure obligeant les communes à financer les maternelles du privé. A Paris par exemple, à la prochaine rentrée, la moitié des enfants seront scolarisés dans le privé. Cette loi accentue aussi tout ce qui va dans le sens d’un management de l’Ecole à partir de méthodes du privé. Par exemple la multiplication des évaluations.
Vous souhaitez revoir la formation des enseignants et revenir sur la masterisation. Pourquoi ?
On a reculé de deux ans la possibilité pour les étudiants de passer le concours d’enseignant. Ajouté à d’autres facteurs comme la faiblesse des rémunérations et la dégradation des conditions de travail, cela jour énormément dans la crise du recrutement. A LFI on plaide, et une proposition de loi est déposée en ce sens, pour revenir à un recrutement au bac ou en licence permettant à des étudiants rémunérés de préparer les concours. Comme ma collègue G Bannier, j’ai passé le concours et après j’étais professeur stagiaire. Ca change tout. Le statut sécurise. C’est pour cette raison que je plaide pour le retour de l’école normale et des IPES pour remédier à la crise du recrutement.
Vous demandez aussi le retour à une formation plus disciplinaire. Tout cela n’est ce pas un retour en arrière ?
Je ne pense pas. Depuis des années on fait tout en dépit du bons sens. On a sacrifié la formation disciplinaire au profit d’une formation professionnalisante sur l’intérêt de laquelle je m’interroge. Pour former des enseignants il faut donner la priorité à la bonne maitrise des connaissances disciplinaires. Je n’ai rien contre qu’on complète par une formation pratique. Mais personnellement, j’ai passé un capes de Lettres après une formation théorique. Une fois stagiaire j’avais 6 heures de classe. J’étais confronté à la classe dans des conditions infiniment plus confortable que les étudiants actuellement. Demander cela ce n’est pas une régression. C’est vouloir le retour à une situation qui a fait ses preuves.
Dans la loi Blanquer le gouvernement a beaucoup vanté l’obligation de formation de 16 à 18 ans comme une avancée. Qu’en est il vraiment ?
C’est nébuleux. On est dans l’enfumage et l’hypocrisie. Le 7 juin nous avons entendu les syndicats de l’enseignement professionnel à propos de la réforme. Ils nous ont dit qu’on ne peut pas lutter contre le décrochage en fermant des filières de l’enseignement professionnel. Si on détruit l’enseignement professionnel, comme le gouvernement veut le faire, on ne règle pas cette question. Pour moi, la formation en entreprise ne peut pas être mise sur le même plan que la scolarisation.
Propos recueillis par François Jarraud