Selon le dernier rapport sur la médecine scolaire, 8 enfants sur 10 n’ont jamais vu de médecins scolaires et seulement 20% des élèves ont bénéficié de la visite obligatoire des 6 ans. Robin Reda, député Renaissance auteur du rapport, déplore le manque d’attractivité des métiers de la santé scolaire. Il propose une revalorisation en contrepartie d’un meilleur pilotage de la médecine scolaire. Il répond aux questions du Café pédagogique.
Dans quel état est la médecine scolaire aujourd’hui ?
Rapport après rapport, il est constaté que la médecine scolaire souffre de disparités territoriales, avec des statistiques inégales. Malgré ces disparités, on peut tout de même affirmer que 8 enfants sur 10 n’ont jamais eu affaire à un médecin scolaire. La médecine scolaire – qui regroupe des professionnels tels que les médecins scolaires, infirmiers scolaires, psychologues scolaires et assistantes sociales – est en souffrance car elle est confrontée à un pénurie de personnel médical, avec un déficit estimé entre 300 et 400 médecins par rapport au nombre de postes financés. En souffrance aussi dans son organisation car ces quatre professions, en fonction des territoires, des académies, n’ont pas toujours le même champs d’intervention. Pour résumer, la santé scolaire souffre du manque de valorisation et de sa désorganisation.
Manque de valorisation, c’est-à-dire ?
La médecine scolaire est souvent négligée au sein du ministère de l’Éducation, malgré l’augmentation de son budget. On l’évoque rarement, sauf lors de la publication de rapports, tels que le mien ou celui de la Cour des Comptes en 2020. Elle souffre aussi d’un manque de valorisation, notamment parce qu’il est reconnu que le personnel médical travaillant au sein de l’Éducation nationale est moins bien rémunéré que les autres professionnels médicaux fonctionnaires.
Qu’est ce qui explique l’état de délabrement de la médecine scolaire ?
Je nuance le terme de délabrement. Je souligne, d’ailleurs, dans mon rapport qu’il y a des professionnels médico-sociaux passionnés par leur métier, qui l’exercent avec compétence et qui sont très investis pour, justement, combattre toute idée de délabrement.
En revanche, en effet, il y a, depuis des années, des clivage entre la vision portée par ceux qui veulent un système de santé scolaire à l’image de celui de l’après-guerre, un service unifié au service de la réussite scolaire et ceux qui voit dans la médecine scolaire des professionnels indépendants. Des professionnels qui ont un rattachement fonctionnel différent, des réalités fonctionnelles différentes et qui réfutent l’utilité d’une centralisation de ces métiers autour d’un même service de santé. Ces atermoiements entre ces deux visions – système unifié vs spécificité des métiers – ont conduit à des difficulté dans la clarification des rôles de chacun et dans l’efficacité de ce que doit être un système de santé à l’école.
Les décrets de 2015 ont précisé le rôle des médecins scolaires et des infirmiers. Pour être au service de la réussite scolaire des élèves, il est nécessaire de dépasser les réflexes corporatistes d’un côté, et, du côté des décideurs, d’accepter l’idée d’un revalorisation.
Il faudrait un budget plus important pour la santé scolaire ?
Il faut d’abord que l’on dépense le budget actuellement existant, notamment en recrutant les médecins qui nous manquent. Il faut donc, dans un premier temps, procéder à leur revalorisation– avec une hausse du budget si l’on décide de vraiment accorder une priorité à la médecine scolaire. En retour, il est nécessaire qu’il y ait une meilleure organisation, un meilleur pilotage.
On est donc là encore dans un logique de contrepartie pour mieux rémunérer les personnels…
J’assume, sans être dans une logique de pacte, l’idée selon laquelle il existe un problème d’organisation lié à la construction ou à la déconstruction de la médecine scolaire. Depuis des décennies, nous avons alterné entre un service unifié de médecine scolaire et la séparation des différents corps de métiers tels que les médecins et les infirmières. À mon sens, il est nécessaire d’unifier le pilotage- je ne parle pas ici du statut des personnels ni de la grille salariale. On voit bien qu’aujourd’hui ça tient beaucoup aux personnes. Cette réorganisation doit être accompagnée d’une attractivité financière. Ce sont donc deux chantiers à mener de concert plutôt qu’une simple contrepartie.
Que préconisez-vous ?
Je recommande vivement d’envoyer immédiatement un signal fort d’attractivité envers la profession de médecin scolaire. C’est celle qui souffre le plus en termes d’effectifs, alors qu’elle joue un rôle crucial dans la coordination des actions. Cela passe donc par une revalorisation rapide, que je préconise d’inclure dans le budget de l’année prochaine. Il est également nécessaire de travailler rapidement sur la réorganisation de la santé scolaire, comme je l’ai expliqué précédemment.
La troisième chose, qui est d’une grande importance, est de briser les barrières entre la médecine scolaire et la médecine générale. La carte des déserts médicaux à l’école correspond généralement à celle des déserts médicaux en ville. Si nous ne faisons pas le lien entre ces efforts, les mailles du filet resteront trop larges. Je préconise donc une meilleure intégration de la médecine scolaire dans un cadre territorial. Il est essentiel de renforcer les liens entre les réseaux pour améliorer la prévention, la détection des troubles et la prise en charge. Cela ne semble pas impossible à réaliser. Nous pouvons rapidement lancer des expérimentations encourageant les professionnels à se parler.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda