Enfin, les enseignants savent à quelle sauce – salariale – ils seront mangés dès septembre prochain. La revalorisation sera constituée d’une partie inconditionnelle, allant de 100 à 230 euros nets en plus par mois, et d’une partie liée à des missions supplémentaires pour lesquelles les enseignants peuvent toucher 1250, 2500, 3750 euros voir plus en fonction du nombre de pactes auxquels ils souscrivent.
Les enseignants, enseignantes, CPE et psychologues de l’Éducation nationale seront revalorisés dès septembre prochain. Macron l’a annoncé jeudi 20 avril lors de sa visite au collège Louise Michel de Ganges, dans l’Hérault. Une revalorisation qui a un double enjeu selon le cabinet du Ministre. Mieux reconnaître l’engagement et rendre attractif un métier qui n’attire plus – pour rappel pour le concours 2023, c’est 38 000 candidats de moins que 2021 dans le premier degré et 10 396 dans le second degré. L’enjeu est aussi d’améliorer la qualité du service public d’animation.
Au ministère, on se targue que ces annonces soient « le fruit d’un dialogue avec les organisations syndicales » qui aura duré une centaine d’heures sur plusieurs mois. On évoque moins le fait que les syndicats aient – tous – claqué la porte à la dernière réunion sur le pacte le 6 mars dernier.
Augmentation de l’ISAE-ISOE et prime d’attractivité
La revalorisation comportera donc bien deux volets. Le premier, le socle est inconditionnel et représente près de deux tiers du budget alloué à cette revalorisation – soit 1,9 milliards sur les 3 prévus pour une année complète. Les enseignants et enseignantes voient doubler leur prime statutaire (ISOE dans le second degré, ISAE dans le premier) qui passera de 1300 euros bruts par an à 2600 euros. Cela équivaut à un gain de 100 euros net pour tous (avec un alignement de l’ISAE sur l’ISOE). Une revalorisation dans une volonté de « reconnaître les nouvelles fonctions des enseignants face à difficulté croissante de l’exercice du métier » explique le cabinet du Ministre qui annonce que ces augmentations de rémunération toucheront aussi les CPE, les psychologues de l’Éducation Nationale et toutes les professions associées au métier de professeur (conseillers pédagogiques, enseignants référents…). « C’est dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales que cette mesure a évolué » souligne la rue de Grenelle.
Pour les débuts de carrière, jusqu’à 15 ans d’ancienneté (échelon 7), viendra s’ajouter la prime d’attractivité. Par exemple, un enseignant titularisé à la rentrée de septembre touchera 161 euros net de plus qu’en 2022, un enseignant à l’échelon 3 verra son bulletin de salaire affiché 151 euros de plus. Le jackpot est pour les professeurs de l’échelon 6 – entre 8 ans et 12 ans de carrière, qui toucheront 222 euros de plus. Les stagiaires sont aussi concernés par la prime d’attractivité, ils se voient gratifiés de 160 euros nets par mois.
Après 15 ans d’ancienneté, les professeurs devront se contenter du doublement de l’ISAE/ISOE. Ils pourront néanmoins accéder plus facilement à la hors classe. Le ministère promet 5 000 promus de plus par an, pour arriver en 2025 à 23% de taux de promotion – calculé sur la base des personnels remplissant les conditions d’ancienneté, il est aujourd’hui de 18%. « En moyenne, cela signifie un passage accéléré d’un an pour les personnels » explique-t-on. Le vivier d’accès à la classe exceptionnelle est lui aussi élargi. « On veut changer la nature de cette classe. Jusqu’à présent, il fallait exercer des missions particulières. A la rentrée prochaine, ce ne sera plus le cas » nous dit-on. Le Ministère évoque une hausse de 3 000 promus par an, pour atteindre un taux d’accès de 10,5% (il est de 10% aujourd’hui).
Les contractuels auront une hausse indemnitaire de 100 euros, et les professeurs principaux de première, terminale et seconde année de CAP verront leur part modulable de l’ISOE s’aligner sur celles de leurs collègues professeurs principaux.
Le Pacte, des missions supplémentaires
Le deuxième volet de la revalorisation est lié à des missions supplémentaires, c’est le pacte. Un tiers du budget lui est alloué, soit 1,1 milliard. Les heures effectuées dans le cadre de ce pacte seront « défiscalisées » souligne-t-on au cabinet du ministre. « Deux types de missions sont proposées. Des missions en face à face pédagogique et des missions de coordination de projet ».
Remplacements des absences de courte durée pour les enseignants du second degré et heures de soutien en sixième pour les professeurs des écoles sont les missions prioritaires pour le ministère. Les enseignants qui s’engagent dans ces « missions ultra prioritaires » auront 18 heures – « 30 minutes par semaine » – à effectuer pour toucher 1250 euros. Soit 69 euros de l’heure. Un gain substantiel selon le cabinet qui rappelle qu’aujourd’hui « un professeur des écoles qui fait une heure supplémentaire gagne 28 euros. Dans le second degré, c’est 45 euros la HSE pour un certifié et 55 pour un agrégé ».
Pour les remplacements de courte durée, les professeurs devront remplacer leurs collègues absents au pied levé. Et si les élèves ratent un cours de maths et qu’il n’y a qu’un prof de français disponible, qu’à cela ne tienne, les élèves n’auront pas maths mais français.
Pour les autres missions, celles qui ne seront pas en face à face avec les élèves tout comme celles qui ne sont pas prioritaires, le pacte sera composé de 24 heures payées aussi 1250 euros, soit 52 euros de l’heure. « Dans le premier degré, il s’agit de missions de coordination, de mise en œuvre de projets innovants dans le cadre du CNR (conseil national de la refondation), d’accompagnement d’élèves a besoins éducatifs particuliers. Nous allons former un référent dans chaque établissement pour répondre aux besoins de ses collègues sur la question de l’inclusion » explique le cabinet du Ministre. Les enseignants pourront aussi effectuer des heures de soutien si à la suite du passage des évaluation CP, CE1 et CM1, l’équipe pédagogique constate des difficultés persistantes chez les élèves. « On amplifie aussi les stages de réussites éducatives » ajoute-t-on. Dans le seconde degré, les missions seront liées principalement à la découverte des métiers mais les enseignants de collèges et lycées pourront aussi participer à Devoirs faits qui devient obligatoire pour tous les élèves de sixième dès la rentrée 2023 et aux stages de vacances apprenantes.
Un enseignant peut s’engager dans un pacte complet, soit trois missions pour un gain de 3750 euros mais il peut aussi le faire sur un seul pacte ou plus. Interrogé sur le risque d’aggravation des inégalités femmes-hommes, le cabinet a répondu qu’ils avaient anticipé en offrant la possibilité d’un demi-pacte, soit la moitié de 1250 euros par an…
Le chefs d’établissement auront la lourde tâche d’organiser tout cela, « une enveloppe leur sera allouée selon les mêmes critères que pour les IMP et la DHG ». Les directeurs qui bénéficieront dorénavant de l’autorité fonctionnelle, bénéficieront d’une indemnité pour ce pilotage et pourront aussi participer à des missions du pacte.
Les enseignants de lycée professionnel ne sont pas concernés par ces missions du volet pacte de la rémunération, « il y aura des annonces bientôt les concernant » indique le ministère.
Au ministère, on table sur un tiers des 830 000 professeurs qui entreront dans le pacte. Et quand on interroge le risque d’avoir peu d’enseignants qui s’engagent, cette question semble sans objet pour le cabinet du Ministre. « Aujourd’hui, les missions supplémentaires sont toutes assurées, pourquoi pas celles-ci ». Et en effet, le gouvernement sait pouvoir compter sur le déclassement salarial des enseignants pour les inciter à travailler plus pour gagner plus…
Lilia Ben Hamouda