En voie de disparition au sein de l’Éducation nationale, les enseignants spécialisés chargés de l’aide rééducative-relationnelle, connus aussi sous l’appellation de Maître G, se sont organisés en fédération, la FNAREN – Fédération Nationale des Associations des Rééducateurs de l’Éducation nationale. Ils organisent leur congrès annuel en juin Prochain. Anne Vannieuwenhuyze, rééducatrice à Toulouse – enseignante spécialisée en charge des aides rééducatives-relationnelles, membre de l’équipe organisatrice du Congrès FNAREN de Gaillac 2023, répond aux questions du Café pédagogique.
Qui sont les enseignants spécialisés chargés de l’aide rééducative-relationnelle ?
Anciennement appelés rééducateurs et rééducatrices ou Maitres G, ce sont des enseignants spécialisés qui appartiennent au RASED (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) comme les psychologues de l’Éducation nationale et les enseignants spécialisés chargés de l’aide pédagogique (Maîtres E).
Ils interviennent à l’école auprès des élèves dont l’analyse de la situation montre qu’il faut faire évoluer leur rapport aux exigences de l’école, instaurer ou restaurer l’investissement dans les activités scolaires. L’aide proposée permet à l’enfant d’explorer des processus de création, de communication et d’ajuster ses conduites émotionnelles, corporelles et intellectuelles aux contraintes et demandes de l’école. Elle a pour objectif d’aider l’enfant à dépasser ses difficultés dans son rapport à l’école, à retrouver une image positive de lui-même et à restaurer (ou susciter) le désir d’apprendre. Ce travail se situe dans les champs de la prévention comme de la remédiation aux difficultés, à la maternelle et à l’élémentaire.
Nous venons de vivre une crise sanitaire sans précédent qui a mis le corps des enfants à rude épreuve. Corps qu’ils ont en partie caché avec le port du masque obligatoire, tenu à distance avec l’application des gestes barrières, privé de liens avec leurs camarades, retiré de l’espace social et scolaire pendant la période de confinement, voire au-delà. Ils ont vécu leur corps comme potentiellement dangereux et pouvant entraîner la maladie ou la mort d’un proche. Cette période a réveillé des angoisses particulières pour certains enfants qu’il est important de prendre en compte et d’accompagner.
La question du corps est au cœur du développement de l’enfant : qu’il joue ou qu’il travaille, l’enfant explore et apprend tout autant par le corps que par la réflexion. Le langage et la pensée ne peuvent être séparés de l’expérience corporelle.
Dans le métier qu’exercent les enseignants spécialisés en aide rééducative-relationnelle, l’enfant est considéré dans sa globalité. A l’école, de par son statut d’élève, l’analyse se centre souvent sur son rapport aux apprentissages, avec une prééminence des approches cognitives qui laissent peu de place à cette question du corps.
Pourtant, bon nombre d’enfants signalés “en difficulté” manifestent par leur corps des comportements instables. Nous entendons de plus en plus parler d’enfants “perturbateurs”, “hyperactifs”, “violents”, “ne respectant pas les règles », « mettant à mal le groupe classe ». Les membres des RASED sont constamment sollicités pour intervenir auprès de ces enfants qui ne parviennent pas à tenir en place, qui ont du mal à se concentrer, à apprendre, qui cherchent le corps à corps et la confrontation.
Que se passe-t-il donc?
A travers ce corps qui bouge, qui fait du bruit, interpelle, voire explose, l’enfant exprime son mal-être, ses peurs, ses difficultés. D’autres enfants manifestent des comportements très inhibés. A travers leur absence de corporéité à l’école, ils peuvent passer inaperçus, ils s’effacent, cherchent à se faire oublier. Certains voudraient modifier leur apparence ou questionnent leur identité, d’autres semblent ne pouvoir s’engager hors de la présence de l’adulte. Parfois la souffrance est telle que l’enfant s’enferme dans ces manifestations corporelles. Une aide sera effectivement nécessaire pour qu’il parvienne à en sortir et à retrouver l’envie d’école, le désir d’apprendre.
Le corps contient l’histoire individuelle, familiale, voire collective; il s’en imprègne avant même la naissance. Lorsque l’enfant, dans sa toute petite enfance, souffre, vit des situations de stress corporel très fortes et répétitives, lorsqu’il est négligé, délaissé, maltraité, abandonné ou au contraire, envahi, surprotégé, cela impacte son rapport au savoir et aux autres. à travers leur corps-mémoriel, ces enfants exposent à l’école des souffrances qu’ils ne peuvent exprimer autrement.
Avec les nouvelles technologies, dont la présence est croissante, le rapport au corps des enfants ne cesse d’évoluer. Ils jouent en réseau, interagissent dans un métaverse. Certains enfants sont envahis par ces jeux et peu disponibles ensuite pour les apprentissages. Quels peuvent être les impacts de l’utilisation de ces outils sur leur rapport au corps ? A la lumière de ces différentes problématiques, quelle place pour le corps à l’école ? Et au cours de l’aide rééducative-relationnelle ? Comment prendre en compte le corps de l’enfant ? Par quels détours mettant en jeu son corps et le jeu symbolique l’enfant peut-il se poser comme sujet créateur, redonner du sens à la communication et parvenir à être élève en classe ? Comment l’aider à se réinvestir dans une dynamique d’apprentissage, à prendre place dans la communauté des apprenants, à prendre corps dans l’apprendre à l’école ?
Pour ouvrir le champ des réflexions et tenter de répondre à toutes ces questions, les « Pétillantes et Pétillants », organisatrices et organisateurs du Congrès ont invité à Gaillac des conférenciers de différents horizons : psychologie, psychothérapie, psychomotricité, psycho-anthropologie, psychopathologie, sciences de l’éducation.
Propose recueillis par Daniel Gostain