Par Jeanne-Claire Fumet
Bertrand Daunay est directeur de la revue Recherches en didactiques, Cahiers Théodile, dont la publication prend un nouvel essor avec une périodicité désormais bi-annuelle. Pour lui, il est essentiel de susciter ce genre de rencontres entre didactiques sur une problématique commune, ici la question des contenus, pour permettre à chacune d’identifier ses particularités. Multiplier les approches comparatistes permet de repérer ce qui relève du générique et du spécifique, à partir de liens forts autour de concepts fondamentaux, comme la conscience disciplinaire ou la transférabilité, souvent nés dans une didactique et retravaillés dans d’autres où ils ont migré.
Ces échanges ont-ils permis de repérer des transpositions imprévues, ou des invariants inédits ?
Il faut attendre les conclusions pour le dire ! Mais j’ai été frappé de constater que le dialogue entre didactiques leur permettent d’identifier des outils méthodologiques communs, malgré des différences notables dans l’appréhension des phénomènes – par exemple, entre l’histoire et la géologie, ou la biologie et la géologie.
Pourquoi voit-on si peu d’enseignants dans ce colloque de didacticiens ?
D’abord parce que c’est un colloque de spécialistes : nous sommes une association de chercheurs et nous avons l’obligation statutaire de communiquer nos recherches. Il est donc inévitable que nous nous retrouvions entre nous ! Peut-être y a-t-il par ailleurs une réticence des enseignants à l’égard de la didactique, liée à la différence qui existe entre la multiplicité de problèmes effectifs que rencontrent les enseignants au quotidien et l’extrême minutie de l’analyse scientifique de certains phénomènes. L’enseignant a affaire à la complexité du réel, le chercheur à celle de sa théorie, dont l’efficacité exige un choix précis de ce qu’il décrit. Mais les enseignants ui ont accès à nos recherches y trouvent un intérêt et une réponse à leurs interrogations.
Comment en êtes-vous venu à la recherche en didactique ?
Par les MAFPEN (Mission Académique de Formation des Personnels) qui étaient jusque dans les années 90 des lieux d’innovation, de réflexion et de « recherche-action ». J’étais enseignant et la formation m’a permis d’entrer dans la recherche en didactique. Ce qui manque, entre la recherche et le terrain, ce sont les relais. Intégrer les IUFM dans les Universités ou dissoudre l’INRP sont des choix qui vont aggraver cet écart. Les formateurs en didactique, peu nombreux, n’ont pas eu le temps de construire ‘en à peine dix ans ! ) un système idéal de dialogue entre la pratique et la recherche dans la formation professionnelle des enseignants. C’est un problème institutionnel mais aussi idéologique : les disciplines universitaires se sentent mises en cause dans leur compétence exclusive à former les enseignants. Pourtant, les échanges sont possibles entre universiyé et recherches sur l’enseignement : on l’a vu avec les IREM (Institut de recherche en Enseignement Mathématique) ou en littérature. D’autres disciplines ont essayé de formaliser ces rencontres entre savoirs disciplinaires et didactiques, qui ne sont pas opposés.
La théorisation didactique est-elle plus difficile dans les disciplines littéraires et artistiques ?
C’est une vraie question, mais la réponse est non. La notion de transposition didactique d’un savoir savant en savoir enseigné est né de la didactique mathématique, mais l’approche didactique de la littérature est déjà ancienne. Dans le domaine des arts, le questionnement est plus récent : il soulève le problème des processus de création, avec de fortes tensions entre les ressorts de la création et la spécificité de la transmission didactique. En littérature, les tensions se focalisent sur la lecture et l’écriture, objets qui portent en eux-mêmes la tension de la transmission. Mais les grands artistes ont toujours été de grands formateurs.
Mais sans théories déterminées !
Déterminer l’objet d’un point de vue didactique n’est pas le formater. Décrire avec rigueur ce dont il est question dans un enseignement est une exigence de méthode, qui peut sembler excessive dans sa précision, mais ce n’est qu’un effet de discours. Pour comprendre la démarche didactique, il faut se familiariser avec elle, par la lecture de publications en particulier.
Quels lectures peuvent y aider ?
Les ouvrages généraux ne sont pas forcément les plus faciles à aborder, mais il existe des publications sur des recherches particulières par disciplines qui peuvent constituer d’excellentes approches. La revue Recherches (Lille), par exemple, a fait le choix de ne pas s’inscrire dans une ligne scientifique pour pouvoir accueillir les travaux de chercheurs reconnus et ceux de formateurs ou d’enseignants de terrain, entre lesquels elle assure l’interface et la dialogue.
A lire, Recherches en didactiques n°11 – Dossier enfant-élève-apprenant.
Le site de la revue Recherches en didactiques, Cahiers Théodile :
http://acedle.org/spip.php?article2992
Le site de la revue Recherches :