Vous avez été 329, à 87% enseignants, à être tentés en cette fin de juillet par notre sondage sur la démocratisation de l’Ecole et la lutte contre l’échec scolaire. A coup sûr vous n’êtes pas représentatifs. Et vos réponses diffèrent selon que vous êtes à l’école , au collège ou au lycée. Pour autant vous ne manquez pas d’idées et certaines reviennent plus souvent que d’autres. Pour vous, démocratiser l’Ecole ne pourra se faire sans diminuer le nombre d’élèves par classe, jouer sur les rythmes scolaires et la formation des enseignants. Des réponses bien ancrées dans la réalité du terrain.
Certes il y a ceux qui disent : « Merci de diligenter ce type d’enquête! C’est appréciable de pouvoir donner son avis… et de savoir qu’il sera entendu ». Mais vous nous dites aussi : » Je regrette le fait qu’il n’y ait pas plus d’options de réponses, par ailleurs la problématique du questionnaire est assez étroite et ne me semble pas prendre en compte la problème de l’école aujourd’hui dans son ampleur. Le raisonnement reste un raisonnement très collectif, de masse, qui ne prend pas en compte les spécificités de chaque catégorie d’élèves en fonction de la zone scolaire dans laquelle ils se situent (ZEP, milieu urbain, rural, centre ville CSP + etc.) ». Et on sent bien dans vos réponses que ce questionnaire était trop vague et trop compliqué à la fois, trop ouvert aussi peut-être. Vous n’êtes d’ailleurs que 219 à être allé au bout des 19 questions. Vous êtes sans doute particulièrement attaché à l’éducation , comme cet enseignant qui nous dit » Ca fait cette année trente ans que je travaille en ZEP, puis REP, puis RAR, puis ECLAIR. Les sigles changent, les problèmes demeurent, et si, à chaque nouveau gouvernement, on se lance dans la – toujours si controversée- évaluation de l’éducation prioritaire, on oublie juste de se demander où on en serait si, au départ, en 1981, on avait rien fait … Pour ma part, j’ai fait le choix de ne travailler que dans ces écoles là, parce qu’il me semble que, la difficulté est telle, qu’elles restent les seuls laboratoires en vraie grandeur, au niveau de l’innovation et de la recherche ».
La démocratisation scolaire pour les enseignants et non enseignants
Pour les non-enseignants (13% des réponses), les mesures les plus urgentes pour assurer la réussite scolaire c’est la réduction du nombre d’élèves par classe, la modification des rythmes avec l’augmentation du temps de présence des enseignants, la formation des enseignants et la responsabilisation des élèves. Pour assurer la démocratisation scola ire, l’effort doit porter sur la formation des enseignants en priorité, ensuite l’organisation du collège.
Chez les enseignants, la mesure la plus urgente pour la réussite scolaire de tous, c’est aussi la réduction du nombre d’élèves. Mais les contenus sont aussi mis en cause de façon directe ou indirecte. » Pour assurer la réussite de tous, il faut combler les écarts entre les élèves, en particulier du point de vue culturel », dit un(e) enseignant(e). « Il faut donc plus de temps aux enseignants pour se concerter et pour développer des projets pluridisciplinaire permettant une acculturation, des moyens (transports) pour favoriser les sorties culturelles locales et régionales ». » Confier la rédaction des programmes à des gens compétents. Les noms des rédacteurs dans certaines disciplines sont inconnus. Je pense que Cédric Villani a des idées plus intéressantes à proposer pour les mathématiques du XXIème siècle qu’un IPR dont ne sait où », affirme un(e) autre. « Dégager dans les emplois du temps des élèves des heures hebdomadaires de temps d’apprentissage en fonction de groupes de niveau. Cela passe par la fin de la multiplication des options (en particulier des européens espagnols, anglais) et éventuellement, dans le cadre d’une refonte complète des programmes vers moins d’ambition, de la baisse des horaires planchers », ose un(e) quatrième. « Désembourgeoiser » le métier , revoir l’orientation avec des livrets d’orientation, sont aussi proposés.
Que doivent faire le gouvernement.. et moi
« Si vous étiez au gouvernement, quelle action entreprendriez-vous tout de suite pour assurer la réussite scolaire de tous ? » Le rétablissement des Rased revient très souvent. La modification des programmes avec par exemple le retour à ceux de 2002 au primaire aussi. » Plus d’enseignants à tous les niveaux pour pouvoir personnaliser, réintroduction de la scolarisation dès 2 ans, dans de bonnes conditions » proposent aussi plusieurs enseignants. On estime que 24 élèves par classe devrait être un maximum au collège, 30 un maximum au lycée. Mais les lecteurs se soucient aussi de la formation : » former les profs à la pédagogie, à la psychologie et à la gestion de groupe, leur apprendre le regard critique sur leur action, leur donner des moyens de régulation de leur implication (groupes de supervision…) ».
» De votre point de vue et si vous pensez à votre propre milieu de travail, quelle difficulté majeure professionnelle s’oppose à la démocratisation scolaire ? » Cette question a autant de succès que les conseils donnés au gouvernement. Le manque de temps revient souvent avec la formation. Mais revient aussi l’idée que l’Ecole ne peut pas tout. Il faut aussi lutter contre les inégalités sociales et la ghettoïsation. » La ghettoïsation de certaines écoles, la disparité des moyens mis au service des écoles et des élèves dans le premier degré. Dans certaines zones (Eclair) une débauches de ressources inefficaces ». La culture scolaire est aussi perçue par certains comme négative. » L’élitisme rampant que chaque enseignant a, pour certain consciemment, pour d’autre au fin fond de ses gènes d’ancien bon élève. Cet élitisme est conforté par le système scolaire ».
Et par niveau
A l’école primaire, « améliorer les compétences sociales et comportementales des élèves » nécessite surtout « plus d’enseignants que de classes » et le travail collectif des enseignants. La participation des élèves à la définition des règles de vie de l’école vient loin derrière. « Mettre en place de la formation afin que les enseignants prennent du recul sur leur activité et agissent sur des leviers EN COMMUN », nous conseille t-on aussi.
Au collège, pour faciliter le passage du primaire au collège, « former les enseignants du collège aux méthodes du primaire » est la réponse la plus fréquente (31%) devant « élever le niveau de connaissances au primaire » (22%) , ce qui résume bien la problématique. 16% sont partisans de l’enseignement intégré et 14% de l’école du socle. On propose des rencontres régulières avec les enseignants du primaire ou un partage des contenus : » Moins d’apprentissages en primaire mais les notions essentielles maitrisées pour le passage au collège ». Un enseignant propose un professeur référent par classe qui assiste à tous les cours de la classe en binôme et monte des projets transdisciplinaires.
Au lycée, pour « mieux préparer les lycéens aux études supérieures » , 43% des enseignants pensent que ça passe par un travail sur l’autonomie en renforçant les TPE. 17% pensent qu’il faut une année de transition vers le supérieur ou qu’il faut élever le niveau des élèves. » Il faut remettre en adéquation le niveau du lycée et les exigences de l’enseignement supérieur, classes prépas incluses. La prolifération des prépas privées d’accompagnement doit nous alerter », dit l’un. « Il faut revoir les programmes afin de mieux les ancrer dans le réel. Arrêter d’alourdir et de compliquer ces programmes », juge le suivant… Au lycée professionnel, la priorité c’est diminuer le nombre d’élèves par classe (58%) devant le rétablissement du bac pro en 4 ans.
En conclusion
D’autres questions ont aussi été soulevées par les lecteurs. » La revalorisation salariale des enseignants est aussi cruciale : ce métier n’attire pas les bac+5 à juste titre. Comment accepter d’être parmi les derniers pays européens en matière de salaire, c’est extrêmement dévalorisant et nos situations financières sont de plus en plus difficiles en fin de mois », estime un enseignant. « Il faudrait que les chefs d’établissement soient plus souvent et plus profondément inspectés, cela servirait beaucoup de système car il y a une dérive terrible de leurs pleins pouvoirs et de leur indépendance », juge un autre. La souffrance des enseignants, la « maltraitance » dont ils ont été victimes sont aussi évoquées. » L’école est à un tournant, elle ne sera plus jamais comme avant mais le moment est venu de la refonder en fonction des enfants et des jeunes d’aujourd’hui pour mieux les préparer à la société dans laquelle ils vont devoir vivre mais qu’ils vont également devoir façonner » conclue un autre lecteur. Puissent ces témoignages éclairer la refondation de l’Ecole.
François Jarraud