Mercredi 3 février, l’Atelier Paribas organisait une conférence sur le thème des nouvelles technologies face aux « défis de la pédagogie dans le monde ». Si la journée a longuement évoqué l’OLPC, un petit ordinateur peu cher adapté aux pays du Tiers-Monde développé par le MIT, la conférence a été l’occasion d’entendre Jean-Michel Fourgous faire un premier point sur sa mission de réflexion et de propositions pour la promotion des nouvelles technologies à l’Ecole, deux semaines avant la remise de son rapport.
« Il faut réveiller le talent des enseignants ». C’est sous cet angle que JM Fourgous a présenté sa mission. Après des semaines de consultation des différents acteurs de l’Ecole, il rend volontiers hommage aux capacités d’évolution des enseignants. « Les enseignants ont la volonté et l’envie de faire bouger la pédagogie » assène-t-il à l’assistance, largement composée de cadres d’entreprise. « Ils sont volontaires pour améliorer l’Ecole et rattraper le retard français ».
Car le pays a accumulé du retard dans l’intégration des TICE dans l’enseignement. Au 8ème rang en Europe pour l’équipement informatique des établissements scolaires en Europe, il est par contre au 24ème sur 27 pour les usages en classe.
Pourquoi faire le saut dans le numérique ? JM Fourgous s’appuie sur son expérience de maire d’Elancourt. « J’ai vu les résultats sur les jeunes de milieu défavorisé, sur le fait qu’ils accrochaient mieux à l’Ecole, sur leur motivation ». Le numérique permettrait ainsi de lutter contre les inégalités sociales à l’Ecole. En partageant avec les élèves des outils de leur quotidien il leur redonne confiance.
Changer de pédagogie. Pour JM Fourgous, « ce n’est pas le matériel qui compte ». Intégrer les TICE ne sera pas sans effets sur l’Ecole. « La révolution numérique va impacter les contenus des cours. « La transformation pédagogique est le premier enjeu » estime-t-il. Si l’enseignement traditionnel gardera toujours une place, « il faut qu’on sorte de la domination de la pédagogie frontale… Les enseignants sont volontaires pour ça. »
Des indications sur ses recommandations. La question clé est donc celle de la formation des enseignants pour permettre leur appropriation des TICE. Le plan Fourgous c’est « 50% matériel, 50% maintenance et formation ». A l’Etat de lancer l’impulsion, annonce-t-il, le matériel étant payé par les collectivités locales. Il envisage des comités de coordination locaux, associant collectivité locale, rectorat et industriels. Ils proposeront aux enseignants des « spécialistes de l’accompagnement du changement », des accompagnateurs de proximité ayant à la fois des compétences TICE et pédagogiques. Les enseignants pourront à tout moment obtenir leur aide. Reste à savoir comment et où seront trouvés ces spécialistes dont le nombre excèdera les personnes ressources habituelles.
Restera aussi à proposer des contenus aux enseignants. JM Fourgous semble acquis à l’idée de la multiplication des tableaux interactifs (TBI). « On demandera aux éditeurs de publier des manuels numériques multimédia en quelques années ».
Qu’en pensent les Français ? L’Atelier avait réalisé par l’IFOP un sondage en ligne auprès d’un millier de Français sur l’utilisation des TICE. Il montre que 88% des Français sont favorables à l’utilisation des TICE dans l’éducation des enfants. Un taux qui augmente avec le niveau d’instruction : seuls 10% estime que c’est nécessaire en maternelle, 39% à l’école et 74 et 75% au collège et au lycée. On ne retrouvera pas les 88%. Une représentation intéressante sur le rapport entre TIC et connaissances. Même poids des représentations dans le choix des disciplines où les TICE peuvent apporter quelque chose. Pour les Français, les TICE doivent rester à l’écart des disciplines phares, le français et les maths. Leur domaine c’est les enseignements exploratoires : la géographie (72%), les langues (70%), la SVT (60%). Une répartition qui rejoint d’ailleurs celui des enseignants utilisateurs dans les Landes. Le principal enseignement de cette étude c’est peut-être que les Français sont prêts à mettre la main au porte-monnaie : 45% ont acheté un « dispositif d’apprentissage électronique » au cours des 12 derniers mois, principalement un ordinateur portable ou une console de jeux. Voilà peut-être une amorce de solution à la question du financement d’un grand plan TIC dans l’éducation nationale…
Succédant à Jean-Michel Forgous, la table ronde sur « les enjeux et les défis de la pédagogie dans le monde » a insisté elle aussi sur les enjeux pédagogiques. Pierre Léna, astrophysicien et créateur de « La main à la pâte », le programme bien connu d’initiation à la culture scientifique, a insisté sur l’importance de l’accompagnement des enseignants. « Il faut promouvoir le travail coopératif », a-t-il rappelé. « L’enseignant doit penser que ce qu »on lui propose est possible et ne doit pas être seul devant les difficultés ». François Taddéi, chercheur en biologie et auteur d’un rapport sur l’éducation pour l’OCDE, fait le lien entre l’intégration des TICE et la formation tout au long de la vie. « La technologie doit nous donner accès à l’utopie du savoir accessible à tous ». Elle doit ramener l’Ecole au questionnement du monde. Un véritable défi qui dépasse le choix d’un matériel en particulier, comme l’OLPC.
L’Ecole française est-elle mûre pour sauter dans ce siècle ? La réponse sera déjà dans l’accueil réservé par l’institution au rapport de JM Fourgous. Avec en premier lieu celui du financement : quelle part du grand emprunt pour le numérique scolaire ? On sait que N Sarkozy a promis, le 11 janvier, qu’une partie du grand emprunt servira à financer les TICE à l’Ecole. Mais entre promesse élyséenne et interventions des lobbys, la question n’est peut-être pas tranchée.
Sur la mission Fourgous
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/09/110909_Mis[…]
Le site de la mission
http://www.missionfourgous-tice.fr/
Sur le grand emprunt et le plan TIC
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2010/1[…]