S’il est une injonction qui revienne régulièrement c’est bien celle de la différenciation. Sous la direction de Frédéric Bablon, un Dasen, cinq enseignants apportent des réponses concrètes pour différencier. Leur ouvrage (Différencier son enseignement au collège et au lycée, ESF Sciences humaines) pose 4 principes et montre comment les mettre en pratique dans la classe dans le second degré. Marie-Noelle Bertille, co-auteure du livre et professeure d ‘anglais au lycée Gerville Réache en Guadeloupe, explique pourquoi, comment et à quel prix on peut mettre en place une différenciation dans sa classe.
Différencier, n’est ce pas une injonction un peu perverse alors que les classes du second degré sont chargées, souvent plus de 30 élèves au lycée ?
L’objectif du livre c’est justement de dédramatiser la différenciation pédagogique. En fait tout enseignant est amené à différencier, même s’il ne s’en rend pas compte. Au quotidien on tient compte des élèves tels qu’ils sont. On ne les traite pas tous de la même façon. Ca ne veut pas dire qu’on fait 30 préparations pour 30 élèves.
Différencier ce n’est pas élaborer des cours différents. C’est appliquer les 4 principes que l’on a défini dans le livre. Et le premier c’est prendre en compte les individus par exemple en essayant d’instaurer un climat de qualité dans la classe. C’est créer un lien positif avec les élèves.
Pourquoi le faire ? Cela en vaut la peine ?
A t-on le choix ? Dans mes classes où j’ai effectivement plus de 30 élèves, puis je avancer au même rythme avec tous ? Suis je certaine qu’ils comprennent tous les activités et les principes au même moment ? Les enseignants savent bien qu’il faut fournir un accompagnement à certains élèves. Et ils le font déjà. C’ets ça la différenciation.
Si différencier implique de favoriser d’abord un climat de qualité avec les élèves, alors comment faire ?
On le montre dans le livre. C’est d’abord expliciter ses démarches. Commencer l’année par expliquer ce qu’on va faire. C’est aussi connaitre mieux ses élèves, leur passé, leur rapport avec la matière. On peut s’inspirer de ce que font les enseignants du 1er degré : créer des rituels dans la classe, donner la parole aux élèves.
Par exemple dans mon cours un élève à chaque début récapitule ce qui a été fait au cours précédent. Un autre prend des notes de cours sur l’ordinateur. J eleur demande comment ils ont perçu le travail à la maison. Si c’était trop difficile on peut revenir sur le cours précédent. C’est aussi les faire travailler en coopération , selon des groupes de besoins. Mon objectif c’est de les mettre en confiance pour que les élèves me voient comme un collaborateur.
Un second principe est introduit dans l’ouvrage : c’est prendre en compte les rythmes d’apprentissage des élèves. Mais comment ?
C’est le plus difficile. Les élèves ne vont pas tous comprendre le cours au même moment. Certians auront besoin de davantage d’explications. Il faudra prendre le temps de les accompagner. Ca peut être un travail entre élèves ou avec un élève tuteur. Enfin différencier c’est aussi penser à ceux qui ont envie d’aller plus loin.
Tout cela fait réfléchir à son organisation. J’ai rarement de progression annuelle. J’ai un programme sur les 3 années du lycée. Je m’adapte au niveau linguistique des élèves.
C’est une charge de travail en plus ?
IL ne faut pas le cacher : c’est oui. Différencier et mettre en oeuvre les principes du livre c’est travailler doublement. Mais c’est tellement valorisant et profitable.
Différencier c’est s’adapter au niveau des élèves ou garder un objectif commun ?
C’est bien sur garder un objectif commun et trouver le chemin pour arriver à cet objectif par des chemins différents.
L’ouvrage propose une sorte d’inventaire de pratiques à la mode : intelligences multiples, aménagement de la salle de classe etc. Ces pratiques sont évaluées ?
Je ne peux parler que ce que j’ai testé. Je peux dire que le travail collaboratif des élèves fonctionne. J ele vois dans leur engagement dans les cours, dans leur intérêt pour l’anglais. Ils prennent des notes. Ils posent des questions.
Aménager la salle de classe, là où c’est possible, ça peut faire du bruit. Mais au regard des résultats de mes élèves je peux dire que c’est efficace. Cela permet d’avoir d es élèves qui prennent leur place dans le cours, qui ne sont pas passifs.
J’utilise beaucoup par exemple un guide d’apprentissage pour l’étayage des élèves qui est le 3ème principe. C’ets quelque chose que j’ai découvert comme formatrice. Dans le guide l’élève trouve les objectifs du cours, les supports, comment ils vont travailler. Ca fonctionne bien.
Pour moi il est important de réconcilier les élèves avec ma matière : l’anglais. Grace au groupe de besoins je les réconcilie avec les langues. C’est du travail mais aussi des satisfactions.
Propos recueillis par François Jarraud
Marc Bablon (dir), Différencier son enseignement au collège et au lycée, ESF Sciences humaines, 2019, ISBN 978-2-7101-3884-6