Selon l’enquête officielle sur le climat scolaire dans le 2d degré réalisée par le ministère de l’éducation nationale, seulement un enseignant du public sur deux estime avoir des moyens et une formations suffisants pour l’exercice du métier et deux sur trois se plaint d’un travail trop lourd. Un gros tiers estime que les règles de vie de leur établissement ne sont pas bien respectées. Encore ces moyennes cachent-elles des différences importantes entre les types d’établissement.
Des moyens insuffisants, un travail excessif
Cette première enquête officielle sur le climat scolaire dans le second degré nous laisse sur notre faim tant les résultats diffusés sont partiels au regard des écarts entre types d’établissement. On aimerait aussi en savoir davantage la composition des échantillons même si l’enquête porte sur 45 000 personnes exerçant en établissements (publics et privés).
Si plus de 9 enseignants sur 10 signalent de bonnes relations avec les élèves et les collègues, seulement la moitié des enseignants du public estiment faire partie d’une équipe (contre trois personnels de direction sur quatre).
Selon l’enquête, 62% de ces enseignants estiment que les règles de vie collective sont appliquées dans l’établissement (contre 80% des professeurs du privé et des personnels de direction). Mais seulement la moitié juge que les élèves apprennent bien contre près de 80% des professeurs du privé et des personnels de direction.
Seulement un enseignant du public sur trois juge qu’il n’a pas un travail « excessif » (et la moitié des personnels de direction). La moitié estime ne pas avoir des moyens suffisants et une formation suffisante. On ne s’étonnera pas que seuls 38% pense pouvoir faire ce métier jusqu’à la retraite.
De fortes différences entre établissements
L’étude laisse entrevoir de grosses différences entre les types d’établissements. » Dans les collèges de l’éducation prioritaire, les enseignants ont une perception du climat scolaire de leur établissement globalement moins favorable : 54 % le jugent satisfaisant, contre 68 % hors éducation prioritaire. Les différences sont notables pour ce qui est du sentiment que les élèves y apprennent bien. Ce sentiment exprimé par un enseignant sur quatre (25 %) atteint un niveau de deux fois inférieur à celui constaté hors EP (53 %). De même, 83 % des enseignants des collèges en EP estiment que la violence est présente dans leur établissement, contre 58 % pour les enseignants exerçant dans les autres collèges publics ».
La discipline : un problème sous évalué ?
Ces résultats peuvent être lus au regard de ce que nous apprennent d’autres enquêtes , notamment Pisa 2018, Talis et le Baromètre Unsa, qui, avec près de 30 000 réponses fournit un panel intéressant.
Pisa 2018 confirme les difficultés à maintenir la discipline dans les établissements français. « Il n’y a qu’en Argentine et au Brésil où l’indice du climat de discipline est inférieur à la moyenne observée en France », établit Pisa. Un élève sur deux déclare qu’il y a du bruit et du désordre dans la plupart ou dans tous les cours (un sur trois, en moyenne dans les pays de l’OCDE). Plus de deux élèves sur cinq déclarent en France que le temps d’apprentissage est réduit en raison du bruit, car les élèves mettent longtemps à commencer à travailler après le début du cours (seulement un sur quatre en moyenne dans les pays de l’OCDE). 18% déclarent que le professeur doit attendre à chaque leçon en France contre 8% dans l’Ocde. C’est le taux le plus élevé de l’OCDE. Pisa a montré aussi, en se basant sur les déclarations d’élèves, que les relations enseignants – élèves sont moins bonnes en France que dans les autres pays , notamment en ce qui concerne le soutien.
Quelle reconnaissance de l’institution ?
On observe un important écart entre les résultats de l’enquête officielle et ceux du Baromètre Unsa sur les relations avec la hiérarchie. « 90 % des personnels déclarent recevoir, de la part de leurs collègues, le respect mérité. Ce taux atteint 75 % quand les personnels sont questionnés sur le respect reçu de la part de leur hiérarchie », déclare la Depp. 64% des enseignants du public s’estiment soutenus dans les moments difficiles (sans précision de qui exerce le soutien).
Le dernier baromètre Unsa était plus sévère. Seulement 28% des enseignants s’estiment, selon lui, reconnus dans l’exercice de leur métier (en baisse de 8points en un an). Un taux identique des enseignants se dit satisfait des conditions de travail (et encore ce taux tombe à 24% dans le premier degré). Et si le métier continue à plaire à une grande majorité des enseignants seulement 27% le recommanderaient.
La moitié des enseignants n’y arrive plus ?
De ces différentes études, on retiendra des caractéristiques du système éducatif français comme les forts écarts entre types d’établissement. Certains sont signalés : privé / public, prioritaire ou non. D’autres mériteraient d’être connus : collège / lycée, lycées de centre ville et les autres. On retiendra aussi des enseignements : faiblesse du travail d’équipe dans un système qui encourage la concurrence et la hiérarchisation, insuffisance des moyens. Et on se ne pourra jamais assez insister sur le sentiment d’impuissance qui gagne la moitié des enseignants du public avec la moitié seulement qui estime que les élèves apprennent bien. Un signe particulièrement inquiétant.
F Jarraud