Leurs noms vous disent peut-être quelque chose… Cyril Michau, Nicolas Lemoine ont en charge le programme de maths du collège tous les jours sur France 4. Une fois par semaine, c’est maquillés et devant un fond vert, qu’ils donnent leur cours. Une expérience impressionnante et intéressante qu’ils racontent.
Un binôme qui fonctionnait déjà hors caméra
Cyril et Nicolas se connaissent depuis une dizaine d’années même s’ils n’enseignent dans le même établissement, le collège international de l’Est Parisien à Noisy-le-Grand (93), que depuis deux ans. Ils font partie du groupe de réflexion académique de Créteil sur l’enseignement des mathématiques, animent des formations ensemble et ont même crée un jeu numérique (walking maths) ensemble… Autant d’occasions qui ont leur ont permis de créer une complicité visible à l’écran.
Alors quand, chacun de leur côté, ils reçoivent un appel de l’inspection générale le 19 mars leur proposant de participer ensemble à cette nouvelle l’aventure, leur réponse a tout de suite été positive. « Le fait de savoir que l’autre y était aussi a été un élément important dans notre décision. Nous apprécions réellement de travailler ensemble, nous avons une totale confiance l’un dans l’autre » explique Nicolas. Et puis, comme le souligne Cyril, « ils recherchaient notamment des personnes en mesure de s’adapter rapidement à cette nouvelle mise en situation d’enseignement, nos différentes expériences ont montré que nous avions une bonne capacité d’adaptation ».
Et pour finir, leur lieu d’habitation, en région parisienne, a sans aucun doute joué un rôle important. Comment emmener les enseignants dans les studios d’enregistrement de France 4, qui se situent à Saint-Denis, en cette période de confinement et de déplacement réduits ?
Participer à la Nation Apprenante pour toucher les plus démunis
Du côté de Nicolas et Cyril « plusieurs raisons nous ont fait accepter : le fait que ce soit une nouvelle expérience vraiment originale, jamais avant que l’on soit contacté nous n’avions imaginé un jour faire des cours à la télévision, sur une chaîne nationale à destination du grand public. Mais c’est aussi, la possibilité de participer à la continuité pédagogique en nous adressant en particulier aux élèves, et leur famille, qui rencontrent des difficultés d’accès à Internet. Il nous a semblé que c’était une initiative remarquable à laquelle nous sommes assez fiers de participer ». Et puis, en amoureux des mathématiques, c’est aussi pour eux l’occasion de montrer que les maths sont à la portée de tous. « On voulait rendre cet apprentissage ludique avec une présentation dynamique tout en restant rigoureux sur le contenu ».
« 4…3…2…1… Moteur ! »
C’est ainsi que dès le 21 mars les deux compères se retrouvent sur les plateaux de Lumni pour enregistrer les émissions qui sont diffusées dans la foulée les 23 et 24 mars. Maquilleuse, décors, caméras, fond vert… Un environnement autrement différent de leur salle de classe habituelle.
« C’est un autre monde ! Le premier jour on nous a même demandé de venir avec notre propre maquillage, donc autant vous dire que nous n’étions pas du tout dans notre élément ! Il a fallu se familiariser avec cet environnement, les limites du plateau à ne pas dépasser pour ne pas se retrouver fondu dans le décor virtuel, faire attention à ne pas utiliser de vert dans la façon dont on s’habille mais aussi dans les contenus que l’on propose, à porter son regard sur la bonne caméra, à gérer le temps qui est limité et indiqué par un énorme chronomètre rouge, à interpréter les mouvements et signes des responsables de plateau derrière les caméras… C’est véritablement un autre métier que de se trouver devant une caméra, et nous essayons de faire le mieux possible » explique Cyril.
Tous deux tiennent aussi à faire remarquer la patience et la bienveillance des équipes de tournage : producteur, réalisateur, maquilleuse, ingénieurs du son, technicien des lumières, cadreurs… « Ils sont particulièrement à notre écoute, d’une réelle bienveillance et nous aident pour faire en sorte de nous mettre le plus à l’aise possible. Au début, il était difficile et très stressant de s’adresser à une caméra sans aucun public au lieu d’une classe… Mais maintenant nous commençons à trouver nos marques et notre rythme. C’est une expérience vraiment intéressante » renchérit Nicolas.
Expliciter encore et encore pour limiter l’écueil de l’enseignement à distance
Mais faire classe dans ces conditions, est-ce vraiment faire classe ? Les deux enseignants reconnaissent la difficulté d’enseigner sans le va et vient habituel prof-élève. Mais c’est en l’ayant à l’esprit qu’ils construisent leurs séances d’apprentissage. Tout y est explicité et pensé pour les élèves les plus éloignés des codes de l’école, les élèves les plus en difficulté, ce qui répond d’ailleurs à la commande institutionnelle.
« Le fait de ne pas avoir de retour des élèves est en effet quelque chose qui manque terriblement. Il est difficile de trouver alors la bonne vitesse pour avancer le cours, savoir sur quel point appuyer, si la notion passe bien ou pas… Aussi tout le travail de préparation en amont est très important. Ces cours à la télé ne remplacent évidemment pas le cours en classe, rien ne vaut le présentiel avec les élèves » reconnaît Nicolas. Pour Cyril, « C’est vraiment un enseignement mais différent. Nous profitons de notre expérience de professeurs, mais en effet sans le retour immédiat des élèves. C’était ça qui était difficile au début, car on doit faire comme si la classe était devant nous. Mais lorsque l’on prépare un cours en temps normal, on doit aussi faire preuve d’initiative et de projection. On doit en effet anticiper les questions des élèves ou leurs difficultés et adapter ses contenus et ressources à ces anticipations. Et bien c’est exactement la même chose pour ces vidéos sur France 4. Sauf qu’il y a un tout petit peu plus d’élèves et d’hétérogénéité… »
Ainsi, Nicolas et Cyril sont loin de penser que leurs capsules de trente minutes remplacent un cours, il s’agit bien d’un contenu qui vient en appui des cours dispensés par les enseignants, d’éléments qui sont à « intégrer dans une pédagogie plus large »… Et c’est bien l’usage qui en est fait sur le terrain, beaucoup d’enseignants enjoignent leurs élèves à regarder telle ou telle vidéo en lien avec les notions qu’ils abordent, un petit plus très appréciés de ces derniers.
Et lorsqu’on interroge Cyril et Nicolas sur le côté « star de la télé » de leurs nouvelles missions, cela les fait plus sourire qu’autre chose. « Nos familles sont amusées de nous voir à la télé. Maintenant, il ne faut pas non plus exagérer les choses, nous restons des anonymes, on n’a pas besoin de lunettes noires pour faire nos courses ! Nous ne sommes pas davantage des stars que l’ensemble des enseignants qui assurent depuis la mi-mars la continuité pédagogique, tous faisant de leur mieux. Nous avons simplement eu la chance que nous soit proposée cette expérience, cela ne fait pas de nous des enseignants meilleurs, ou moins bon, que les autres. Comme tous, nous essayons de faire de notre mieux… »
Alors rendez-vous jeudi 23 avril à 15h30, un invité surpris participera au cours !
Lilia Ben Hamouda