« Le patrimoine local n’a plus de secret pour moi ». Professeur d’histoire-géographie au collège Rep+ Anne Frank de Saint-Dizier (Haute Marne), Laurent Bastien continue pourtant à apprendre. Sa dernière découverte c’est la dendrochronologie, une technique de datation à partir des cernes des arbres. L’archéologie a envahi sa vie et aussi celle des collégiens qui, depuis 5 ans, participent à une « classe archéo ».
Une classe qui fouille vraiment
Au collège de Saint Dizier, la classe archéo est une sixième. Une classe ordinaire de ce collège Rep+, avec des enfants venus de milieu populaire mais qui ont la chance de pouvoir découvrir leur environnement avec le regard d’archéologues professionnels.
Et ça change beaucoup de chose. « A Saint Dizier l’archéologie est très importante », explique L Bastien. La municipalité lance cette année le premier Festival archéologique et attend des milliers de visiteurs. Saint-Dizier compte, en plein centre ville, un important cimetière mérovingien et une villa gallo romaine. Ils sont devenus le terrain de jeu des 6èmes. La municipalité et l’Inrap soutiennent la classe archéo.
« Les élèves apprennent à faire des fouilles », explique L Bastien. Le collège compte un bac d’apprentissage avec des couches archéologiques reconstituées où les élèves peuvent s’entrainer. « On a choisi des 6èmes car ils n’ont pas peur de se salir. Mettre les mains dans la terre leur plait bien. Ils vivent dans de grands ensembles et aller au contact de la terre, utiliser une brouette et une truelle ça leur plait bien ». Une fois formés, sous le contrôle d’archéologues de l’Inrap, ils peuvent aller fouiller sur de vrais chantiers. Ils sont juste au coin de la rue. Toute l’année, le jeudi après midi est consacré à des pratiques archéologiques. Des fouilles bien sur. Et aussi des conférences et des rencontres avec des professionnels de l’archéologie.
Un dispositif interdisciplinaire
Mais la 6ème archéo c’est aussi un dispositif auquel toutes les disciplines participent. « Tous les professeurs font de l’archéologie dans leur matière », explique L Bastien. Par exemple en maths, les élèves construisent des mosaïques sur des bases symétriques : ils apprennent la géométrie de cette façon. En éducation musicale ils découvrent des instruments anciens. En français ils rédigent leur carnet de fouilles. « La réforme du collège invite à faire de l’interdisciplinarité. C’est ce qui se pratique ici depuis 5 ans ».
Des ambassadeurs du patrimoine
Mais ce n’est pas le principal apport de la classe archéo. « Les collégiens travaillent régulièrement avec des élèves plus âgés ou plus jeunes ». Ces liens intergénérationnels sont importants. Ce sont des lycéens qui leur présentent l’amphithéâtre de Grand (88). Et les collégiens apprennent à fouiller à des enfants de maternelle.
« Ils sont devenus des ambassadeurs du patrimoine », nous dit L Bastien. « Ils ont découvert leur ville et en connaissent toutes les richesses ». Dans une ville marquée par la crise économique, cet ancrage aide à penser l’avenir. La classe archéologique, avec ses rencontres , ouvre d’ailleurs des horizons pour l’orientation.
« Pour moi la classe archéo m’a fait découvrir l’intérêt d’accueillir des professionnels dans ma classe », dit L Bastien. « On nos dit souvent qu’il faut participer au parcours artistique et culturel. J’ai été amené à le faire car sans ces participants mon projet de classe archéo ne marcherait pas. J’ai fait intervenir beaucoup de professionnels de l’archéologie dans ma classe. Je vois la plus value pour les élèves. Mais aussi pour moi ».
Propos recueillis par François Jarraud