Par Martine Ramos
Décryptage – WEB 2 – Balise Argos – Hélène
Des repères entre Nancy et Caen…
De Nancy, Hélène gardera en poche ses licences, celle d’histoire grecque et celle d’archéologie..pas vraiment un bagage classique pour aborder les rivages de la documentation en milieu scolaire agricole et pourtant c’est bien là l’origine de l’histoire. Ce sont les liens du cœur pour sa copine qui auront raison de son départ pour Caen et qui écriront son chemin vers le métier qu’elle pratique aujourd’hui comme un sacerdoce, comme une vocation avec passion et fougue.
L’agricole dans le biberon
De Caen, Hélène gardera en poche un CAPES de documentation flambant neuf. Quand je lui demande de me raconter les raisons qui l’ont amené à choisir le capes de documentation agricole, elle pouffe…et puis elle se reprend pour avouer comme une confidence « Ma baby-sitter, Léa! dit-elle, sans se départir de son sourire généreux. Léa Lucan, qui a été ma baby-sitter, et qui était alors documentaliste à Saint Germain en Laye à l’époque quand elle a su que je préparais le capes, elle s’est empressée de m’envoyer tous les papiers nécessaires pour que je passe le Capes agricole. Le plus dramatique c’est que j’ignorais complètement qu’il existait ce capes-là! J’ai appris ensuite qu’il venait d’ouvrir… Je l’ai passé comme « entrainement », vu que les épreuves avaient lieu avant le CAPES de l’EN et je l’ai eu ».
Monopoly : la case départ
La formation à l’école nationale de Toulouse, l’ENFA lui a laissé un certain goût de la documentation. Pour ceux et celles qui ont suivi son parcours, le mot est faible!
Pour sa 1ère affectation Hélène a demandé la Normandie mais elle a eu Nancy : retour à la case départ !1an de retour aux sources avant de repartir sac à dos et ordinateur sous le bras vers la Bretagne puis la Lorraine. Là elle a « pris un congé formation pour préparer une MST chef de projet multimédia en Formation Continue ; je m’en souviens c’était l’année de la tempête de 1999, le toit du lycée s’était envolé . Je suis ensuite restée 6 ans (mon record!) au LEGTA de Courcelles-Chaussy». Ensuite, si je résume c’est 2007 le Master 2 en Sciences de l’Information et de la Communication (Nancy) « Essai de modélisation de la fiabilité du contenu des pages obtenues à l’issue d’une requête dans un moteur de recherche ». Puis c’est 2008, l’arrivée à SupAgro Florac comme responsable du Centre de Documentation avec un changement de statut à la clé car c’est le supérieur : Hélène devient alors ingénieure d’étude.
L’informatique tu y es tombée dedans quand tu étais petite ?
« Au risque de décevoir, je dois avouer que je n’ai pas de goût inné pour l’info ! Quand je suis arrivée à l’ENFA* je ne connaissais rien à l’informatique ! Je me rappelle en tout début d’année avoir un peu paniqué en voyant que mes collègues de promo connaissaient plein de choses et moi rien. A l’époque j’avais demandé à Nicole G. qu’elle m’apprenne à utiliser un traitement de texte pour mon mémoire. Et puis voila, j’ai du m’y mettre pour faire mes fiches de séances pédagogiques sur les très vieux macs de la salle info libre service. Et c’est comme ça que je me suis aperçue que j’aimais ça et que j’avais des facilités. Conclusion, à la fin de l’année c’était à moi que l’on venait poser des questions au moment de taper les mémoires » [sourires].
La fièvre de l’informatique a pris le dessus sur l’angoisse initiale, Hélène est allée jusqu’à utiliser ses premiers salaires de professeurs stagiaire pour s’offrir son premier PC et elle a profité des grandes grèves des transports de novembre 1995 qui l’ont empêché de descendre à Toulouse pour se mettre sérieusement à l’informatique.
Et le web tu as abordé ça comment ?
« Là je dois dire « Merci Séraphin Alava » A l’époque il a amené la promo de l’IUFM à l’université voisine Paul Sabatier pour découvrir Internet….j’ai tout de suite su que j’allais être aspirée. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai fait un compte-rendu passionné de ma découverte du web. Bingo pour mon anniversaire j’ai eu mon premier modem, un Olitec 28.8 k, le top de la technologie qui coûtait à l’époque plus de 1000 francs (un beau cadeau donc). » On a le sentiment que c’est devenu un engrenage infernal. « On peut dire ça comme ça oui! j’ai acheté un livre sur le HTML et j’ai créé mon premier site perso. » Hélène, se pose, appuie son dos contre le dossier et poursuit avec un ton de voix presque nostalgique « Bien sur le web a beaucoup changé depuis, mais ce qui me frappe le plus, c’est que le web qui évolue très vite nous a imposé son rythme et que des choses qui ont 10 ans nous semblent préhistoriques. » [Sourires partagés].
Et les formations ont commencé
Ses compétences en ce domaine ont été ébruitées. Hélène au fil des années, des expériences et des dépannages régionaux s’est imposée comme notre balise argos, celle dont on a besoin pour se sauver d’un naufrage. Alors avec son sac à dos plein de fils, de câbles et autres outils et son ordinateur sous le bras, Hélène nous décomplexe le web et cela fait du bien. On a l’impression de tout comprendre, cette planète devient presque familière, presque naturelle.
Après les formations en région, elle a commencé à aborder les formations nationales, d’abord via notre réseau RENADOC lors des séminaires puis au sein de la commission « Veille Documentaire » et dans le cadre de Supagro Florac où la formation des enseignants est une des attributions de l’établissement.
Leçon N° 1 se décomplexer en douceur
« Lancez-vous dans la piscine, n’ayez pas peur, je reste sur le bord avec les bouées et puis vous verrez, vous avez pied ! » Ainsi est le parti pris d’Hélène. Et lorsqu’on l’écoute s’exprimer elle nous livre son point de vue de formatrice « Il n’y a pas de formation-type mais il y a toujours deux aspects à prendre en compte : la découverte des outils existants et la prise en main de ses outils. D’autant que le web 2 a la particularité d’induire de nouveaux usages. Or, on aborde les outils informatiques par l’usage sauf que là il n’y a souvent pas ou peu d’usages pré-existants, notamment pour tout ce qui est collaboratif. L’étape découverte est indispensable. L’étape prise en main elle, est essentielle pour une meilleure appropriation. Mais il ne faut pas oublier l’envie, le besoin : si une formation ne répond pas à un besoin réel, c’est presque à coup sur voué à l’échec. Prenez Doodle par exemple, il est sans doute un des outils du web 2 a être entré le plus rapidement dans les usages. Pourquoi ?tout simplement parce qu’il répondait à un besoin réel et la simplicité de son interface a fait le reste. »
Les appréhensions viennent du vocabulaire mal maîtrisés
Selon Hélène, un des problèmes majeur est d’abord l’appellation « web 2 » elle même. Personne ne peut vraiment en donner une définition y compris Tim O’Reilly, qui a popularisé le terme! Conséquence, on se fait tout un monde du web 2, alors qu’on l’utilise déjà tous les jours ! « Google c’est du web 2, Gmail c’est du web 2, Doodle c’est du web 2. »ajoute-t-elle enthousiaste. L’appréhension est liée aussi au vocable non défini : flux RSS, réseaux sociaux…
Être documentaliste demain, c’est quoi ?
Et Hélène de s’exprimer longuement sur cette vaste question. Prêtons l’oreille : « Le métier est clairement en pleine mutation. Alors que notre métier a consisté pendant des années à gérer la pénurie d’information, nous devons maintenant gérer l’excès, le surplus d’information. Une part prédominante de notre métier qui consistait à identifier l’information et à la rendre accessible à nos usagers est concurrencée par de nouvelles tâches qu’il nous faut inventer et mettre en place. Je pense que l’on a tout intérêt à jeter un œil du coté des bibliothèques (notamment Nord-américaine) qui ont déjà bien amorcé cette transition. Je crois qu’il y a là un coche à ne pas manquer, nous devons être très en pointe, très volontariste sous peine de devenir les moines copistes à l’ère Gutemberg. Le documentaliste doit être la personne de référence de l’établissement, le guide dans la jungle de la société de l’information. Les tâches matérielles de catalogage, d’indexation, d’équipement des ouvrages, de gestion du prêt vont diminuer en temps grâce à l’utilisation d’outils collaboratifs et à la dématérialisation des documents. Et le temps libéré servira (ou plutôt devrait déjà servir)à proposer une veille informative personnalisée, à aider nos usagers à prendre en main les outils de leur veille, à repérer les gisements d’information correspondants aux problématiques de l’établissement et à les identifier, à repérer aussi les nouveaux outils pour les présenter à nos usagers, etc… L’éducation à la culture informationnelle est maintenant un programme de l’UNESCO et Obama a déclaré le mois de novembre mois de la culture informationnelle, il est clair que les compétences informationnelles sont aussi importantes au 21e siècle que l’alphabétisation au 19e. Le documentaliste est au première loge mais le problème c’est que pour l’instant on est les seuls à le savoir !!! Donc il faut se bouger ! » Nous ne perdons pas espoir car nous bougeons et par la même occasion nous entrainons dans nos lycées nos collègues de disciplines, nos directions à bouger aussi et ils le font. Peut-être moins rapidement que nous le voudrions mais ils le font. Le principal est que la machine soit en marche.
Mot de l’auteure
Helen KELLER a dit un jour « La vie est une aventure audacieuse ou elle n’est rien». Je me permets de dédicacer cette citation à Hélène Laxenaire, que je remercie chaleureusement d’avoir accepté d’entamer avec nous ce dialogue et de s’être livrée avec simplicité et vérité. Merci!
Quelques sites pour accompagner cette interview
Le site de Docs pour docs
http://docsdocs.free.fr/spip.php?breve369
et aussi
http://docsdocs.free.fr/spip.php?breve445
Réflexion sur l’évolution du métier
Documentation 2.0 : quels services pour quelle valeur ajoutée ? Par Laure Endrizzi
Sur le site de l’INRP
http://www.inrp.fr/vst/blog/2009/01/27/documentation-20-qu[…]
A lire pour découvrir les nouveaux outils et comment les utiliser : la revue Medialog
et aussi le blog TICE et web 2.0
http://lewebpedagogique.com/tice/category/web-20/
Des fiches outils, des supports de formation libres mais aussi une réflexion sur les nouveaux usages notamment pour les réseaux : le site de l’association Outils-réseaux
http://outils-reseaux.org/
Pour sa culture professionnelle : les nouveaux enjeux de l’internet
http://www.internetactu.net/
La commission Veille Spiparena