Par Cyril Froidure
« Think global, act local » telle fut longtemps la devise, et elle l’est parfois encore, dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Avec les élections municipales du mois de mars 2008, les actions locales pouvaient prendre toute leur place à un moment où les thématiques du développement durable gagne en notoriété auprès du public, six mois après le Grenelle, trois mois après le remise du prix Nobel à Albert gore et au GIEC, au moment où les prix du pétrole flambent, bref des idées « vertes » naguère portées par les seuls Verts fleurissent dans les programmes d’autres partis politiques, de nouveaux candidats. D’ailleurs, pour illustrer cette montée en puissance des idées « vertes », estampillées développement durable, un sondage réalisé par Ipsos fin 2007 pour la gazette des communes et auprès d’un panel d’électeurs pour qui l’environnement serait le thème de la campagne. Et donc c’est la valse des promesses et des projets : transports, nourriture bio à la cantine, bâtiments économes en énergie et le must, l’éco-quartier.
Et tout comme pour les entreprises, difficile de trier les vrais projets des effets d’annonce, les idées assumées des écrans de fumée, le converti convaincu du converti conjoncturel.
http://www.unep.org/geo/yearbook/yb2008/report/UNEP_YearBook2008_[…]
Il ne faut néanmoins pas oublier que ce scrutin demeure marqué par les enjeux locaux et toutes les communes ne sont pas également concernées par ces thématiques. Pour un certain nombre de raisons évidentes, leur succès pré-électoral est plus fort dans les grandes villes, dans celles où il existe un projet particulier ou un candidat fortement influencé par ces problèmes. Dans beaucoup d’autres communes, les aspects strictement économiques auront la part belle puis pour la majorité d’entre elles, les petites ou très petites communes, ces enjeux seront tout simplement absent.
Le dossier qui suit ne peut donc prétendre être exhaustif, pensons aux quelques 36 000 communes et s’en tiendra à un aperçu sommaire de la question. Les critères choisis pour ce dossier sont subjectifs :
-Utilisation de la presse régionale et nationale pour accéder aux idées/programmes des candidats, sites de candidats.
-Présentation des principales propositions des candidats UMP, PS, MoDem et Vert, les trois premiers pour leur poids politique, les derniers car il est inconcevable de ne pas leur faire une place dans un tel dossier.
-Choix faits parmi les principales villes françaises et quelques villes de taille moyenne.
Développement durable et environnement dans les programmes.
Bordeaux.
Alain Juppé (UMP) dispose d’un site dédié à la présentation de son bilan et à son projet.
Axé autour de 5 grandes priorités, il fait une place de choix à l’environnement thème décliné en plusieurs rubriques : information (ouverture d’une maison éco-citoyenne), transports (lancement d’une troisième phase au tramway), consommation dans les cantines scolaires (d’ici 2009, 20% de produits bio et/ou de saison), lancement d’éco-quartiers (Berge du Lac)…
http://www.juppe-bordeaux.fr/images/document/33actions.pdf
Alain Rousset (PS-MRG-Verts) aussi (bordeaux-rousset.fr), l’adversaire principal du maire sortant, développe son programme sur 24 pages (rien que ça) dont 4 pour l’environnement. Il s’ouvre sur un extrait de la charte d’Aalborg puis regrette l’absence d’un agenda 21 pour la ville qui sera l’un des objectifs majeurs d’Alain Rousset s’il est élu associé à un plan climat afin de réduire les émissions de CO2 : objectif, diminuer de 20% en 6 ans les émissions. Pour cela, développement des transports doux (en commun, vélo, marche à pied). Dans la même optique, il faut transformer le bâti de la ville afin d’en faire une cité à énergie positive (rendre énergétiquement autonome les bâtiments publics en dix ans, plan de production locale d’électricité à base d’énergies renouvelables…). Enfin, la patte verte est aussi remarquable dans la volonté affichée de mettre en place une trame verte dans le but de préserver la biodiversité.
http://www.bordeaux-rousset.fr/download/programme.pdf
Lille.
Au sein de la métropole nordiste, les questions des transports, du stationnement, de la circulation représentent un enjeu majeur comme le prouve plusieurs sondages. Chaque candidat a son idée sur la question. Voici pour les principaux ce qu’ils proposent :
Jean Richir (MoDem) veut développer plus avant les transports en commun pour lesquels Lille accuserait un retard : tramway, navettes urbains écolos, doublement des rames de métro…
Sébastien Huyghe (UMP) : proposition de V’Lille, tarification spéciale pour les personnes empruntant les transports en commun dans la ville…
Martine Aubry (PS) : vélos en libre service, création de zones 30, création d’un tramway, service d’autopartage…
Eric Quiquets (Verts) : pass mobilité comme proposé par Denis Baupin à Paris.
http://elections.lavoixdunord.fr/2008/03/05/lille-la-circulation-le[…]
Pour le logement :
Martine Aubry : rénovation d’habitations dégradées, création d’un maison de l’habitat durable, subventions relevés pour les panneaux solaires…
Sébastien Huyghe :…
Jean Richir : deux éco-quartiers à Saint-Sauveur et au port fluvial à Vauban…
Eric Quiquets: construction de 10 000 logements économiques dont 50% ne consommeront pas d’énergie…
http://elections.lavoixdunord.fr/2008/03/02/lille-le-logement-premier[…]
Lyon.
Dans la capitale des Gaules, le maire sortant PS Gérard Colomb affronte l’ancien Garde des Sceaux UMP Dominique Perben dans un duel qui laisse peu de place aux autres candidats.
Pour les transports, le second entend développer métro et tramway alors que le premier insiste sur la promotion du vélo (Vélov’). Catégorie environnement, le maire actuel aborde des points précis (création d’un parcours le long de la rue Garibaldi, développer les parcours de promenades sur les berges du Rhône et les rives de la Saône…) tandis que son concurrent semble se concentrer sur les économies d’énergie en tous genres (meilleure isolation, baisse des dépenses énergétiques des bâtiments municipaux, promouvoir l’énergie solaire) ; il ajoute dans ce domaine la création d’éco-quartiers.
http://www.lepoint.fr/actualites-municipales/lyon/1586/0/224453
Marseille.
Jean-Claude Gaudin (UMP) : sur fond de panneaux solaires, « Plus d’environnement, Marseille exemplaire » se décline en 7 points forts : plan climat territorial, adoption des normes HQE, transports en commun moderniser, ville sans voiture sur le vieux port et en centre-ville, protéger et augmenter le capital d’espaces naturels…
http://www.marseillereussit.fr/?cat=12
Jean-Noel Guérini (PS), le challenger principal, se donne pour mission de « donner de l’oxygène à Marseille » en diminuant le trafic automobile et en faisant de la cité phocéenne, la ville du vélo. Ces propositions sont plus particulièrement développées dans la page transports du programme. La diminution du trafic auto devra être de 25%.
Par ailleurs, le candidat souhaite rénover le système d’éclairage (en vue d’une réduction majeure de la facture énergétique), convertir les bâtiments publics aux normes HQE. Enfin, il est question de créer le parc national des calanques.
http://www.guerini2008.fr/?q=node/448
Nantes.
Commençons par Jean-Marc Ayrault (PS-PC-Verts-UDM)
http://www.nantesetplus.fr/index.php?option=com_content[…]
Sophie Jozan, représentant l’UMP, mise pour les transports sur ceux en commun (l’extension du tramway), les alternatives à la voiture mais ce qui est intéressant c’est la déclinaison du projet transports autour des trois volets associés au développement durable : économique, social (pas de péages urbains mais objectif de sortir le maximum de voitures de la ville), environnemental (dispositif de compensation carbone pour tous les déplacements effectués par des agents municipaux pendant leur temps de travail à partir d’un logiciel de l’ADEME).
Autre proposition censée démontrer l’engagement de la candidate, la nomination faisant suite à son élection d’un adjoint au maire chargé du développement durable qui aura pour mission essentielle d’élaborer « une fiscalité verte incitative »
http://www.sophiejozan.com/index.php?Projet/p2
« Changeons d’ère », c’est ainsi que Benoît Blineau, candidat MoDem, a nommé son projet pour Nantes dans lequel il insère des dispositions « développement durable » tant dans la rubrique habitations que dans celles de l’urbanisme et des transports.
Dans Habiter Nantes, un plan d’habitat durable vert, jaune bleu, chaque couleur faisant référence à une technique à « vocation durable » (jaune = panneaux solaires sur toits et façades) ; le plan serait par exemple accompagné de prêt à taux zéro pour les nouvelles constructions. Se déplacer dans Nantes prévoit la gratuité dans tous les transports publics gérés par la SEMITAN et un plan vélo décomposé en Vélo en tram (vélos pourront au tramway), Vélo sécurisé (des pistes sécurisés en sites propres), Vélo pour tous (dans tous les quartiers). Cette politique de transports doux devrait être le pendant d’un maîtrise de l’extension de la ville.
Même l’emploi est envisagé sous l’angle du développement durable puisque en misant sur les normes HQE, le candidat MoDem escompte des créations d’emplois dans ce domaine.
http://www.mouvementdemocrate.fr/actualites/telechargement/Programme.pdf
Narbonne.
Sous l’impulsion de Michel Moynier, Narbonne se transforme petit à petit assimilant la donnée développement durable par le biais de l’érection de bâtiments (crèche à énergie positive). Le maire actuel, influencé par le modèle suédois tente de poursuivre sur le chemin emprunté il y a de cela six ans mais ces adversaires politiques, Verts et PS, s’ils reconnaissent l’inflexion verte, insiste sur la méthode jugée peu « participative » et une certaine ambiguité, Maryse Arditi, élue verte, lui reprochant de faire « un quartier durable mais il continue dans le même temps d’urbaniser à 10 kms et de bétonner la crête… »
http://www.lemonde.fr/municipales-cantonales/article/2008/03/01[…]
Paris.
Un visuel interactif proposé par le quotidien Le Monde permet de comparer les programmes de quatre principaux candidats en lice : Bertrand Delanoë, Françoise de Panafieu, Marielle de Sarnez, Denis Baupin.
Dans le domaine de l’urbanisme, la création d’éco-quartier fait partie des projets de tous les candidats mais la précision est variable : d’une trentaine pour le candidat vert à trois pour la candidate UMP (les lieux sont précisés) en passant par des formulation plus vagues chez les deux autres : développer des éco-quartiers pour le maire sortant ou les créer pour la candidate MoDem.
Côté transport, Bertrand Delanoë souhaite lancer autolib’ soit la location en libre-service de 2000 véhicules électriques sur le modèle du Velib’ ; en cela F. de Panafieu le rejoint par la création d’un réseau de véhicules propres sur le modèle du Velib’ sans préciser quel type de véhicule propre ; Marielle de Sarnez, elle, sait : il s’agirait de scooters électriques. Rien de tel chez D.Baupin dont l’une des idées majeure consiste en la création d’un pass mobilité donnant accès aux transports en commun, à Velib’, à deux courses en taxi par mois à tarif réduit et à un dispositif d’auto partagée gratuit pendant un an pour les Parisiens abandonnant leur voiture.. Autre mesure phare, l’extension du tramway est nécessaire pour tous sauf pour madame de Panafieu.
Enfin l’environnement a sa place dans chacun des programmes. 3 sur 4 mettent en avant l’obligation de réduire les quantités de déchets (Marielle de Sarnez). Parmi les mesures particulières, Bertrand Delanoë envisage de réduire de 15% les émissions de CO2, Denis Baupin veut limiter à 30km/h la vitesse dans Paris sauf sur les grands axes et à 70 sur le périphérique, Marielle de Sarnez entend diviser par deux le nombre de camions dans la ville, les objectifs de F. de Panafieu semble plus vague de manière générale.
http://www.lemonde.fr/web/vi/0,47-0@2-987706,54-1015651,0.html
Pau.
François Bayrou (MoDem), le troisième homme se met à l’heure verte/durable avec coulées vertes, véhicules municipaux propres, création d’un tramway à pneus, bâtiments publics aux normes HQE. En face, Martine Lignières-Cassou (PS), énergies renouvelables pour les bâtiments publics, système de vélos du genre Vélib’.
http://www.lepoint.fr/actualites-municipales/pau/1586/0/226672
Toulouse.
Dans la ville rose, le thème du logement et du cadre de vie mobilise comme ailleurs.
Jean-Luc Forget (MoDem) insiste sur l’accessibilité, la réalisation d’au moins un éco-quartier et l’accès pour tous à un espace vert.
Jean-Luc Moudenc met en première place dans ce thème le développement durable, expression qu’il emploie précisant qu’ « il sera notre éthique » (Réaménagement des bords de la Garonne) mais les autres exemples de propositions sont relativement convaincants. Dans le cadre des économies d’énergie, le maire toulousain, s’il est réélu, fera réaliser un diagnostic énergie qui permettra de réduire de 20% sur l’ensemble de son mandat la consommation des bâtiments publics. Associée à cette initiative, la promotion des énergies renouvelables par la multiplication de stations photovoltaïques et des incitations fiscales pour les particuliers s’équipant d’un chauffe-eau solaire.
Pierre Cohen (PS) envisage la réalisation d’éco-quartiers et une collective véritablement sélective des déchets. Pour ce qui est des transports, l’idée d’un tramway circulaire sur les boulevards et d’un centre-ville piétonnisé forme l’une des propositions majeures du socialiste.
Pas de candidat vert à Toulouse. Un autre axe majeur relève d’une politique de meilleures gestions des ressources dans tous les domaines : l’énergie dans les constructions, gestion de l’eau plus efficace, une politique complète concernant les déchets…
http://www.ladepeche.fr/article/2008/03/06/439935-Toulouse-Logement-c[…]
http://www.20minutes.fr/article/206147/Municipales-toulouse-Les-grands[…]
http://www.ladepeche.fr/article/2008/03/05/439610-Toulouse-Ecologie-Moud[…]
Strasbourg.
A Strasbourg, une douzaine de candidats parmi lesquels, le maire sortant Fabienne Keller qui a présenté le volet vert de son programme dans l’îlot de Lombardie à Beudorf, futur site d’un éco-quartier. Son projet vise à « construire une ville durable en misant sur le tram-train, une extension du réseau de tram, des aides à la rénovation du bâti ou encore la création de 400 jardins familiaux.
Alain Jund, candidat vert, et ses colistiers souhaite faire de Strasbourg une éco-capitale pour que la ville soit « un symbole du siècle à venir ». Pour cela, il faudra fortement réduire les émissions de CO2, de plus de 20% en l’occurrence puisque les Verts veulent aller au-delà des objectifs européens.
Le programme de Roland Ries (PS) contient plusieurs pistes parfois exprimées vaguement: le patrimoine de Strasbourg doit être mis aux normes environnementales, vélo et autopartage doivent être aidés, densifier la ville en récupérant du terrain dans la ville (terrains militaires par exemple)
Si l’on peut oser tirer quelques conclusions à partir de ces cas, cela pourrait être :
-L’omniprésence des enjeux d’environnement durable et d’environnement est une évidence.
-Des propositions remportent un succès étonnant donc sont considérés soit comme des solutions incontournables, soit comme des propositions aptes à plaire à l’électorat : les éco-quartiers, le tramway, le passage aux normes HQE…
Le développement durable, un enjeu pour ces municipales.
Le site éco-échos se fait « l’écho » de cette situation notant l’évolution sensible observable entre les dernières municipales et celles de cette année et remarquant que les communes qui se sont engagées « dans le développement durable acquièrent aussi un rayonnement international porteur de nouvelles richesses et de nouveaux pouvoirs ». Peut-être trouve-t-on là une autre raison au déferlement de propositions en ces temps d’élections.
Pour aller plus loin, Greenpeace a réalisé pour cette campagne des municipales un travail d’ampleur, s’appuyant sur ses adhérents locaux dans le but de savoir si les têtes de liste se montreraient éco-responsable après leur élection. L’enquête s’intéressait aux transports, équipements de bureau, éclairage public, énergies renouvelables et bâtiments.
Greenpeace met en ligne sur son site le courrier envoyé à chacun de candidat. Pour chaque thème, des propositions ; ainsi pour les transports, les candidats seraient-ils prêts à chaque « renouvellement de flotte à choisir des véhicules de petite ou moyenne cylindrée ne rejetant pas plus 120 g CO2/km. Autre exemple, s’affirmer prêt à produire 23% de sa consommation à l’aide d’énergies renouvelables d’ici 2020.
http://www.greenpeace.org/raw/content/france/press/reports/lettre[…]
Le mode de questionnement était simple : à des propositions, les candidats devaient répondre par oui ou non. Une fois les résultats obtenus, les résultats ont été cartographiés, les sondés associés à un visage vert était catalogués d’éco-responsables. 1er résultat, parmi les listes sollicitées, le taux de réponse fut élevé à gauche, beaucoup moins du côté de la majorité présidentielle.
Les bons points on été décernés à Bertrand Delanoë (à noter que pour la capitale, les résultats sont publiés arrondissement par arrondissement), Gilles de Robien (majorité présidentielle) et Gilles Demailly (Amiens), Alain Juppé et Alain Rousset (Bordeaux), Michel Destot (PS) et Maryvonne Boileau (Verts) à Grenoble, Jean-Luc Benhamias (MoDem à Marseille), Benoït Blineau (MoDem à Nantes), Roland Ries (PS) et Alain Jund (Verts) à Strasbourg.
Mauvais points (car pas de réponses au questionnaire) pour F. de Panafieu (Paris), Gérard Colomb et Dominique Perben (Lyon), Jean-Noël Guérini et Jean-Claude Gaudin (Marseille), Sophie Jozan (UMP à Nantes), à Fabienne Keller (UMP à Strasbourg).
http://blog.greenpeace.fr/news/maires-eco-responsables#carte
Toujours dans le rayon des propositions, le collectif pour l’éducation à l’environnement vers un développement durable (CEEDD) en a émis huit pour ce domaine spécifique qu’est l’éducation. On peut citer celle qui consisterait à consacrer une partie du budget communal à cette mission (de 1 à 5 euros par habitant comme le font déjà certaines communes), une autre se propose de renforcer le soutien aux acteurs de l’EDD en nommant un élu communal en charge de l’EDD ainsi que des référents EDD par quartier…
http://cfeedd.org/papyrus.php?menu=30
Cap21 soumet aux élus une charte « Pour des Territoires et des Communes Durables » contenant quelques grandes priorités : réduire les flux au profit du développement local, réduire la vulnérabilité territoriale (anticiper l’évolution énergétique et lutter contre le réchauffement climatique), valoriser les aménités du territoire.
La conclusion précise la méthode privilégiant une nouvelle gouvernance, expression vague et utilisée à toutes les sauces, où l’on associerait la population à la prise de décision.