Comment arrêter le débat permanent sur les rythmes scolaires ? Le ministre de l’éducation nationale s’est employé le 12 juin à convaincre de la nécessité de tourner la page. Il a annoncé un plan de communication vers les parents tout en avertissant les maires de la volonté de l’État à faire appliquer la réforme. Il a aussi fait le point sur l’application des décrets Hamon et Peillon. Mais le même jour l’UMP déposait une proposition de loi visant à suspendre la réforme…
« Le temps des débats entre adultes a été passionnant Il s’achève ». Benoît Hamon veut convaincre de l’utilité de la réforme. « Dans 100% des écoles le fait de travailler 5 matins ce sera un plus pour les enfants « , dit-il. « Ces 5 matins vont permettre de faire en sorte que pour les apprentissages fondamentaux les enseignants vont organiser leur travail autrement pour profiter du pic d’attention des enfants pour qu’ils apprennent mieux ». Tout en reconnaissant « l’embarras » dans lequel la réforme a mis les adultes et particulièrement les enseignants, B. Hamon est certain de ses effets positifs. « Je suis le ministre des élèves. C’est une réforme qui n’est pas faite pour les adultes mais pour les enfants « .
Et qui est bien faite. Selon B. Hamon, 6% seulement des communes envisagent d’utiliser le décret Hamon. Sur les 4000 communes appliquant déjà les nouveaux rythmes seulement 1% demande à bénéficier du nouveau décret. Pou rle ministre c’est la preuve qu’il a atteint son but : régler des cas précis. Benoit Hamon met en garde les maires. Là où le conseil municipal refuse d’ouvrir l’école sur une 5ème matinée, les préfets « exerceront leur contrôle de légalité ». Autrement dit, ils poursuivront les maires.
Mais comment démontrer les bienfaits d’une réforme à peine appliquée ? Le ministre s’appuie sur les conclusions de 8 conférences inter académiques réunies ce printemps et dont les « conclusions » sont remontées par la voie hiérarchique. Selon cette bonne parole officielle, la réforme aurait comme grand avantage de positionner les apprentissages des fondamentaux au moment où l’attention de l’enfant est au maximum, c’est-à-dire le matin. On aurait ainsi « plus de souplesse ». Elle serait aussi l’occasion d’organiser différemment les enseignements. Au final « les enseignants sont en avance sur leur programme », explique B. Hamon. Et ce n’est pas de trop : « la petite marche qu’on peut louper à l’école devient insurmontable au collège », affirme le ministre. Directrice de l’enseignement scolaire, Florence Robine développe les conclusions des conférences inter académiques. Elle présente les bénéfices pour l’organisation du temps scolaire et la qualité du travail en commun. Un effort particulier est fait pour les maternelles avec un nouveau document plus précis. La question du périscolaire en classe est aussi soulevée. « Il faut que le périscolaire et le scolaire soient facilement identifiables par les enfants ».
Mais si la réforme est si bonne comment expliquer qu’elle ait mobilisé contre elle des maires et déstabilisé des parents ? Répondant au Café pédagogique, B. Hamon pense que « les Français placent tellement d’espoirs dans l’école que ça justifie à leurs yeux les critiques les plus virulentes ».
Président de l’association des maires ruraux de France, Yannick Berberian fait partie des maires favorables à la réforme. Mais il ne cache pas les difficultés. « On a des problèmes de contenu des activités et de moyens », explique-t-il. « Il faudra aider les communes les plus démunies ». « Tout ne sera pas opérationnel immédiatement », explique-t-il. Son association demande la pérennisation de l’aide de l’État et un assouplissement des normes. Un sujet qui reste à débattre…
Le ministère engage une vaste campagne d’information directement vers les parents. Des affiches, un site Internet vont faire leur apparition dans les prochains jours. Surtout une lettre leur sera distribuée. « La nouvelle organisation de la semaine scolaire doit contribuer à donner aux enfants confiance en eux et en leur capacité à bien apprendre. En effet, cinq matinées au lieu de quatre, c’est, chaque semaine, un temps supplémentaire pour travailler dans de bonnes conditions, le matin étant le moment de la journée où l’attention des enfants est la plus soutenue », écrit B. Hamon. « L’école a trop souvent changé en fonction de l’intérêt des adultes et non de celui des enfants. Je veillerai donc en lien avec vous, avec les enseignantes et les enseignants, avec les directrices et les directeurs d’école à tout mettre en œuvre afin que toutes les chances soient données à nos élèves pour bien apprendre et bien réussir. »
François Jarraud
Dossier de presse
http://www.education.gouv.fr/cid80264/les-benefices-pedagogiques-[…]
Alors que les communes avaient jusqu’au 6 juin pour faire remonter aux Dasen leur proposition de calendrier scolaire pour la rentrée 2014, certaines communes font obstruction. Parmi elles, la ville d’Asnières, reconquise lors des dernières élections par un maire UMP Manuel Aeschlimann. Alors que les conseils d’école se réunissent pour étudier l’organisation à mettre en place en septembre, la ville refuse d’envisager autre chose que le maintien de l’existant. Entre éducation nationale et mairie d’Asnières, les parents se demandent ce que vont devenir leur enfant…
Située dans les riches Hauts-de-Seine, Asnières est une ville importante de plus de 80 000 habitants. Les écoles accueillent 9 500 écoliers dans 35 écoles. Si la ville est très résidentielle elle compte deux grandes cités HLM et un réseau prioritaire construit autour d’un des trois collèges de la ville.
Asnières fait partie des villes qui ont choisi de reporter à la rentrée 2014 la mise en place des rythmes scolaires. L’ancienne municipalité a mis à profit ce temps pour construire un projet de rythmes, débattu pendant plusieurs mois avec les enseignants et les parents et finalement déposé auprès du Dasen en février 2014. Une enquête avait été faite par la municipalité pour faire l’inventaire des ressources capables d’alimenter le périscolaire dans la commune.
C’était compter sans les élections. A Asnières comme dans de nombreuses villes, l’équipe municipale menée par le PS est battue. L’UMP gagne la mairie avec en tête de liste Manuel Aeschlimann. Il nomme sa femme, Marie-Dominique, maire adjointe à l’éducation. La nouvelle équipe municipale est connue pour sa pugnacité. Elle a fait campagne contre les rythmes. A peine en place, le 28 avril le conseil municipal adopte une délibération qui décide le maintien de l’école sur 4 jours à la rentrée 2014. Le préfet des Hauts-de-Seine décide de poursuivre cette délibération devant le tribunal administratif. Le 16 mai, dans une lettre adressée à Benoît Hamon, le maire confirme sa position.
« On n’a pas de position politique », nous a dit Marie-Dominique Aeschlimann. « On est devant une impasse pratique faite de difficultés concrètes ». La maire adjointe à l’éducation avance le coût de la mise en place des rythmes qu’elle évalue à 3 millions. Le maire avance dans sa lettre à B Hamon un coût entre 2 et 3,5 millions. La ville dénonce un transfert de charges opéré par l’État et non compensé puisque la ville ne recevrait, selon elle, qu’environ 450 000 euros d’aide publique. Ces nombres ne peuvent être que des évaluations grossières puisque la ville n’a pas de projet construit de périscolaire et les versements ne prennent pas en compte ce que pourrait donner la CAF. Ces dépenses sont à regarder avec un budget municipal qui, selon MD Aeschlimann, atteint 180 millions d’euros. La maire adjointe avance aussi la difficulté à trouver des animateurs, (il en faudrait une soixantaine), malgré la richesse du tissu associatif mobilisable pour le périscolaire. Mais l’équipe municipale met aussi en avant la défense des libertés locales. Elle juge que le décret Hamon « viole la constitution ».
Du côté des parents l’année scolaire se termine dans un climat d’angoisse. « Nous déplorons d’être pris en otage dans ce bras de fer politique », écrit la FCPE locale. Son représentant départemental témoigne des plaintes de parents qui ne savent pas comment organiser leur année. « Certains parents ont demandé des aménagements d’horaires ou prévu des gardes en fonction du projet déposé en février. Et finalement personne ne sait ce que seront les horaires l’année prochaine », nous a dit P Nicolas. Fin mai et début juin, les conseils d’école ont dû se prononcer sur les rythmes à mettre en place à la rentrée. Partout la ville n’a proposé que le maintien des 4 jours. Une proposition qui ne peut même pas être soumise au vote. Les conseils d’école ont présenté des propositions différentes du projet longuement construit puis adopté en février 2014…
Tous les regards se tournent maintenant vers le Dasen. C’est lui qui devra décider des nouveaux rythmes. Il devrait le faire le 19 juin. La ville tient un discours ambigu sur ce qui se passera alors. « »On aurait aimé de la compréhension de la part de l’État et un délai », nous a dit MD Aeschlimann. La ville « appliquera la loi ». Mais à quelques semaines de la rentrée, on ne voit pas comment pourrait se construire un projet solide après la destruction de celui de la majorité précédente.
François Jarraud
Et si on demandait aux enfants ce qu’ils pensent des nouveaux rythmes scolaires ? C’est l’idée qu’Agnès Florin, professeure à l’université de Nantes, a fait admettre à la ville de Nantes. Il en résulte une étude unique, réalisée par Camille Chevalier, doctorante, qui manifeste les attentes des enfants. Pire encore, l’étude pose aux adultes une question redoutable : quelles suites lui donner ? Les enfants sont-ils des interlocuteurs ?
« La parole des enfants ? Je plaide pour ! » Agnès Florin milite pour l’écoute des enfants, une disposition qui n’entre pas vraiment dans la tradition scolaire française. « Les enfants ne répondent pas au hasard », nous dit-elle. « Les enfants sont une source d’information. Ce sont des interlocuteurs ». Cette conviction, Agnès Florin l’a mise en pratique à Nantes. Membre du comité de suivi de la réforme des rythmes scolaires, appliquée par la ville depuis la rentrée 2013, elle a initié une consultation des écoliers sur les activités périscolaires qui est tout à fait unique. 150 enfants, de 12 écoles, ont répondu à une enquête analysée par une doctorante, Camille Chevalier.
Les enfants des ZEP moins satisfaits
L’enquête montre d’abord la satisfaction des enfants en ce qui concerne les activités périscolaires, qu’il s’agisse des activités, des animateurs, de l’organisation du temps ou de la sécurité. Cependant le degré de satisfaction varie selon les groupes d’enfants. « Le facteur qui influence le plus le niveau de satisfaction est la strate d’établissement », note Camille Chevalier. Les enfants des écoles prioritaires sont nettement moins satisfaits que les autres. Seulement 41% sont satisfaits de l’accueil des animateurs, seulement 39% des salles et les deux tiers (67%) se plaignent du bruit. Pour Agnès Florin, ce sentiment est recoupé par une étude réalisée pou rle Ministère de l’éducation nationale et l’Acsé sur le bien être à l’école qui montre une moindre satisfaction envers l’école pour les enfants des zep. Cela n’implique pas que les animateurs ou les activités soient moins bons. Les enfants pourraient avoir déjà intégré un sentiment d’inégalité pour leurs écoles. Le degré de satisfaction baisse aussi avec l’âge et il est plus élevé chez les filles que les garçons. Ces résultats sont corrélés avec l »étude Men-Acsé. Les enfants demandent aussi plus d’attention de la part des animateurs. C’est à dire qu’ils surveillent davantage les élèves et qu’ils crient moins…
En finir avec l’activisme
« Les enfants veulent du temps libre », affirme Agnès Florin. L’enquête montre que les enfants estiment qu’ils n’ont pas assez de temps pour se détendre. « Leur temps est toujours contraint par els adultes », explique Agnès Florin. « Il faut leur laisser du temps pour rêver, ne rien faire, voire s’ennuyer. Il faut en finir avec l’activisme qui pousse à sans cesse vouloir leur faire faire des choses ».
Quand on leur demande ce que sont les activités dont ils rêvent, les enfants répondent en premier les jeux collectifs en extérieur. « C’est quelque chose que l’on observe dans d’autres pays comme les Etats-Unis », explique A Florin. « C’est lié à la baisse des activités en extérieur depuis 20 ans ». Mais la première demande c’est les activités informatiques. Le fossé entre l’école et la maison est nettement souligné par cette demande. Les activités autour du spectacle viennent ensuite.
« Il faut prendre en compte l’avis des enfants », estime Agnès Florin. Elle va maintenant aller dans les écoles restituer aux enfants les résultats de cette étude. Et surtout prendre leur avis et leurs propositions. A charge pour la ville de concilier ces demandes des enfants avec les exigences des adultes.
François Jarraud
Sur l’évaluation des rythmes à Nantes
http://www.nantes.fr/home/ville-de-nantes/enfance-et-jeunesse/ref[…]
Sur le site du Café
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