« Il faut s’intéresser au bien-être à l’école car il est lié aux performances scolaires et il a un rôle dans la qualité de vie des enfants, leur développement et leur trajectoire de vie ». Présenté par Agnès Florin et Nathalie Mons, la présidente du Cnesco, le rapport sur « la qualité de vie à l’école » veut faire avancer les connaissances dans un domaine longtemps délaissé en France. Le Cnesco fait le point des recherches sur cette question et publie les résultats d’une grand enquête menée auprès des chefs d’établissement avec l’aide du Snpden, premier syndicat des chefs d’établissement, et du Secrétariat général de l’enseignement catholique. Poser la question du bien-être à l’école c’est aussi poser celle des inégalités devant ce bien-être de sa dimension sociale.
Bien-être et performance scolaire
Dans quels pays le bien-être à l’école est-il le moins considéré ? La France, si l’on en croit Pisa 2012, est le pays de l’OCDE où on considère le moins que le bien-être est aussi important que la réussite scolaire. Ça ne veut pas dire que les élèves français sont malheureux. Pisa 2015 montre qu’ils sont plus heureux que la moyenne. Masi que cette dimension a longtemps été niée et est encore peu considérée dans la tradition scolaire.
C’est aussi cette réalité que le Cnesco bouscule avec cette nouvelle étude qui porte sur le sentiment de bien-être mais qui apporte aussi des informations nouvelles sur la restauration et l’architecture scolaire.
D’après la synthèse réalisée par le Cnesco, il y a un lien entre le sentiment de bien-être et la performance scolaire. Cela a été évalué en France par une étude réalisée par A. Florin, B. Guimard et alia auprès de 9 écoles et 7 collèges de la région nantaise que le Café a présenté en juin 2017. A. Florin nous disait : « L’étude établit que le bien-être a un impact pas énorme mais significatif sur la performance scolaire à travers le sentiment d’efficacité personnelle ». Ce résultats est cumulatif. » Plus les élèves se sentent bien à l’école, plus ils se sentent compétents et ceci a une incidence positive sur leurs performances scolaires ». Ce sentiment lui-même dépend de la relation avec les enseignants. « Quand les élèves se sentent compétents cela impacte leur performance. La qualité de vie à l’école rend plus confiant et donne de meilleurs résultats ». Cette étude française est confirmée par des travaux étrangers : finlandais, américains, irlandais par exemple.
Restauration scolaire et inégalités sociales
L’enquête réalisée par le Cnesco apporte aussi des éclairages sur des éléments matériels de ce bien-être : la restauration et l’architecture scolaire.
En ce qui concerne la restauration scolaire, « il y a une amélioration incontestable. Le restaurant scolaire ne correspond plus à l’ancienne « cantoche », a expliqué, chiffres en main, Nathalie Mons.
L’enquête, remplie par 869 personnels de direction, montre d’abord une forte hausse de la fréquentation des restaurants scolaires depuis 15 ans. 71% des collégiens déjeunent dans l’établissement et 68% des lycéens, soit 15% de plus qu’en 1996. Cette situation est particulière à la France qui reste attachée à un vrai repas à midi, au « slow food », là où beaucoup de pays préfèrent le « lunch box ».
Mais » si, en moyenne, 29 % seulement des collégiens ne sont pas inscrits à la cantine, c’est le cas de près de 59 % d’entre eux en éducation prioritaire. Dans les collèges classés en REP+, seul un élève sur quatre est inscrit au restaurant scolaire », relève le rapport. Il y a donc une très forte inégalité d’accès à la restauration scolaire.
Cela tient à plusieurs raisons. D’abord le prix : dans seulement la moitié des établissements scolaires on propose un tarif spécifique pour les élèves les plus démunis. Mais il y a d’autres freins. Un des plus notables est le manque de temps pour déjeuner. Selon l’enquête 10% des établissements déclarent des repas de moins de 30 minutes. Mais 46% des élèves, se lon la Depp, estiment qu’ils n’ont pas assez de temps pour déjeuner.
L’enquête souligne aussi le réaménagement des lieux de restauration même si 28% des établissements déclarent un niveau sonore trop élevé.
Le Cnesco insiste sur le manque de choix pour les repas, notamment la faiblesse de l’offre en bio ou la rareté du vegan. Une situation qui tient aussi à l’économie des cantines, déclare P Tournier, secrétaire général du Snpden. Dans le prix moyen d’un repas, la part des produits alimentaires ne peut pas dépasser 2 euros.
Pourquoi se soucier de tout cela ? Selon le rapport, » il a été démontré que des repas scolaires équilibrés améliorent la concentration en classe et permettent aux enfants d’obtenir de meilleurs résultats scolaires et d’être moins souvent malades ».
L’effort architectural
Une dernière partie du rapport s’intéresse à l’architecture scolaire. « Les collectivités locales ont effectué un effort gigantesque », estime P Tournier. Cet avis est partagé par les personnels de direction qui ont répondu à l’enquête du Cnesco. Selon elle, 72% de ces personnels jugent leur établissement « un environnement propice au travail ». Un quart des établissements ne le seraient donc pas par exigüité , vétusté ou parce que le mobilier ou les locaux ne sont pas fonctionnels. Un quart des personnels de direction déclarent des problèmes de luminosité, la moitié un manque d’insonorisation. On pourra lire ce que disait une ergonome (http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/04/04042014Article635321946958043079.aspx) …
L’enquête estime aussi que les établissements ont des locaux et du mobilier qui ne permettent pas de s’adapter à de nouvelles pédagogies.
Mais le problème le plus significatif du bien-être et de la qualité de vie des établissements , ce sont les toilettes et les lieux de vie dans les établissements.
Les établissements sont-ils devenus des lieux de vie ?
Presque la moitié des établissements déclarent manquer de sanitaires. La moitié ne les nettoie qu’une fois par jour. Trois sur quatre parle de dégradations et de manque de papier et savon. En fait un élève sur trois préfère s e retenir qu’utiliser les sanitaires de son établissements que l’on retrouve aussi en tête des endroits perçus comme peu surs.
Pourtant il y a eu des progrès sur les autres lieux de vie. Certes les enseignants manquent d’espace de travail et de bureaux. Mais la moitié des établissements déclarent une salle de réunion en plus de la salle des profs. Coté élèves, 83% des lycées et 58% des collèges déclarent un foyer.
Quelles clés pour évoluer ?
Comment faire bouger ces lignes ? Personne n’a la clé de tous ces aspects du bien-être à l’école. La restauration et le bâti dépendent des collectivités locales. Le sentiment d’efficacité et le bien-être dépendent de toute la communauté éducative.
On notera que ce rapport est lié à d’autres travaux du Cnesco. Dans ses recommandations sur le bien-être à l’école, l’OCDE a mis en avant le développement du sentiment d’appartenance à l’école, un point faible du système français, et l’importance de la mixité sociale, un combat important du Cnesco.
Avec ce rapport le Cnesco alimente un dossier, ouvert par Eric Debarbieux, développé par les travaux du CREN, et qui manque maintenant de chef de file dans l’éducation nationale.
François Jarraud
Les recommandations OCDE
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/04/19042017Article636281840986180552.aspx
Le point d’A Florin en juin 2017
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/06/08062017Article636325034361841311.aspx
La France le pays où le bien-être compte le moins
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/05/18052015Article635675266865860624.aspx
Architecture scolaire : l’avis de M Mazalto
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/04/19042017Article636281840989618096.aspx
Développer l’empathie au collège : M Zanna
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/06/06062016Article636007931450923683.aspx
L’Afev sur le bien-être
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/09/21092017Article636415763057032435.aspx
Le dossier du Café sur le bien-être à l’école
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2014_bienetre École.aspx
A voir aussi :
Bien-être : Les élèves français moins angoissés mais trop peu liés à leur école
On ne pourra plus dire que les élèves français sont les plus angoissés de l’OCDE. La livraison le 19 avril du tome III de Pisa 2015 relativise fortement l’angoisse ressentie par les jeunes Français. Elle montre aussi des jeunes heureux de vivre. Il reste des points noirs. Le plus grave est le très faible sentiment d’appartenance à leur établissement. Une situation qui retentit sur les résultats. Les jeunes Français sont aussi parmi les plus dépendants à Internet. Vous le saviez déjà?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/04/19042017Article636281970497654274.aspx
Bien-être des élèves : Les relations scolaires restent un problème
Que sait-on du bien-être perçu par les élèves à l’école ? Qu’est-ce qui l’influence ? Quelles conséquences a-t-il ? Un rapport de recherche du Cren (Etude BE-Scol 2, Université de Nantes) apporte un nouvel éclairage sur ces questions. Original, il s’agit d’une étude longitudinale qui suit sur plusieurs années un millier d’élèves du primaire et du collège, ainsi que des enseignants et personnels de direction, sur plusieurs années. Agnès Florin, co-auteure du rapport avec Philippe Guimard, Fabien Bacro, Séverine Ferrière et Tiphaine Gaudon ville, fait le point sur les apports de cette recherche.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/06/02062016Article636004497536258460.aspx