Vincent Peillon a-t-il trouvé le bon point d’équilibre ? La publication de la loi d’orientation et de programmation ne suscite pas de levée de bouclier massive du coté des syndicats. Longuement travaillé et négocié , le texte a aussi la qualité de reporter sur des textes réglementaires les points qui fâchent. Chaque organisation trouve dans le texte des articles qui semblent lui donner raison et d’autres jugés inquiétants. Et puis il y a les ambiguïtés. Sous les lunettes syndicales, le même article est parfois décrypté de façon opposée par des organisations rivales…
« La loi reste ouverte sur beaucoup de choses », nous dit Frédérique Rollet, secrétaire générale du Snes, interrogée par le Café pédagogique. Elle souligne les différences avec la loi de 2005 particulièrement en ce qui concerne le souci de lutter contre les inégalités, par exemple en supprimant les dispositifs d’orientation précoce. C’est justement l’orientation , dans la mesure où elle est toujours liée à la recherche d’emploi dans la loi, qui lui semble le point le plus négatif. Enfin tout dépendra de la façon dont la loi sera appliquée. « Le vrai travail commence seulement », nous dit-elle.
Cette idée que la loi n’est que le début d’un processus plus long et vaste, on la retrouve chez tous les syndicalistes. Au Se-Unsa, le secrétaire général, Christian Chevalier, salue « trois ruptures dans cette loi » qui « donnent un nouveau souffle à l’Ecole ». Mais « comment ces projets vont-ils être mise en oeuvre ? Quelle appropriation par les enseignants ? Comment les cadres vont-ils s’en emparer ? Il faut inverser le pilotage comme il se pratique actuellement ». C Chevalier craint que certains cadres soient irrécupérables. Au Sgen, le nouveau secrétaire général, Frédéric Sève, élu le 6 décembre, estime que « la partie législative n’est pas déterminante pour changer le quotidien du système éducatif. Il y aura un flux de décrets ».
Les syndicats interprètent différemment certains articles. Un bel exemple est donné par celui qui crée un lien entre le Cm2 et la 6ème. Pour C Chevalier, c’est une « rupture ». Cela crée une organisation nouvelle en blocs dans la scolarité avec un bloc école collège opposé au bloc lycée-université. En fait l’article institue « l’école du socle », une revendication de son syndicat. « Les enseignants de l’école et du collège vont travailler ensemble. Les projets d’école devront explicitement mentionner les actions communes. Cela définit l’école fondamentale ». Au Snes on lit l’article bien différemment. Pour F Rollet, le collège est « réaffirmé ». « La liaison école collège n’est pas structurelle. C’est aux équipes de penser l’articulation. C’est la réponse souhaitée ». Le fait que des pans entiers de la loi renvoient à des décrets ‘application, va entraîner le maintien de ces ambiguïtés un certain temps. Le plus bel exemple est surement le socle lui même qui va être revu, ce qu’approuvent tous les acteurs, dans le cadre d’un décret. La redéfinition du brevet est interprétée aussi différemment. « Le DNB n’est plus forcément lié au socle » précise F Rollet. Au Se-unsa on pense plutôt que s a redéfinition le rapprochera du socle.
A l’Observatoire des Zones Prioritaires (OZP), Marc Douaire est nettement plus critique. « On est extrêmement étonné que l’enseignement prioritaire ne soit pas abordé dans le cadre de la loi », nous a-t-il dit. « On s’interroge sur les orientations présidentielles ». L’OZP défend les réseaux en place et préfèrerait que les moyens soient utilisés par eux plutôt qu’éparpillés. Vicent Peillon semble avoir entendu cette critique. Il y répond dans une lettre ouverte du 6 décembre. « Les territoires en difficulté seront les principaux bénéficiaires des dispositifs et des moyens » dit il. Le ministre nomme le « plus de maître que de classe » et la création de places en maternelle.
Formateur, longtemps professeur des écoles, Sylvain Connac relève des points positifs dans la loi comme le fait que l’Espé soutienne des pédagogies innovantes. La promesse de créer des postes le laisse plus circonspect. » Si on continue avec la pédagogie du tri, même si on embauche, on ne va pas changer grand chose ». Pour lui le salut serait dans une décentralisation plus franche. « Le pire ce serait que les enseignants soient relégués à n’être qu’un agent de l’Etat »
François Jarraud