Par Gardy Bertili
Le billet de ce mois de janvier 2008 tente de poser rapidement les enjeux à venir du métier de CPE en proie aux questionnements sur son devenir et sur son utilité au sein de l’institution scolaire, et plus particulièrement au sein des établissements scolaires. Gardy BERTILI vous propose d’engager cette réflexion.
Collègues cpe, meilleurs vœux ! Que souhaiter ou qu’est-ce qu’ils peuvent se souhaiter les conseillers principaux d’éducation pour l’année 2008 ?
Une identité mieux définie
Ce vœu si pieusement formulé depuis des années s’exaucera peut être. Comment se faire reconnaître institutionnellement, comment au-delà de ce sigle pompeux (CPE), déterminer les contours d’un statut, des missions, des domaines d’activités et des compétences mieux affirmés, que chaque acteur de la communauté éducative et partenaire pourra s’imprégner facilement. Comment donner du sens à la posture, au positionnement du CPE au sein de l’équipe éducative. Quelles sont les finalités poursuivies par le CPE, quelle perspective éducative ?
Ce corps qui se sent peu reconnu, mal aimé a du mal à trouver sa juste place. Les CPE ne sont pas dupes . On les définit par des termes ou concepts flatteurs que d’aucuns jugent fumeux, ils sont des animateurs, des médiateurs, des régulateurs, des pivots, des interfaces, ils sont des conseillers techniques, experts en éducation. Certes, mais de quoi s’occupent-ils vraiment, à part la prise en charge hors du temps scolaire des élèves ? Ont-ils réellement des responsabilités spécifiquement propres ? Sont-ils des cadres jouissant d’une autonomie de regard, de posture, de décision. Pour éluder ces problématiques, il est courant de dire que c’est la fonction ou la personnalité qui produit le CPE, du moins la qualité du CPE . Mais est-ce flatteur de concevoir ainsi le CPE, pourquoi n’y aurait-il pas un cadre institutionnel qui définirait des missions, des domaines d’activité, des compétences requis généralement par tout CPE. Les différences de conditions d’exercice (lieu ou établissement), la nature des établissements ou des publics d’élèves évoquées pour expliquer l’élasticité de l’identité professionnelle des CPE semble relever d’une conception curieuse, puisque ces problématiques sont valables pour tous les autres corps. L’enseignant n’exerce pas de la même manière selon qu’il enseigne dans un collège ou dans un lycée, selon qu’il se trouve devant un public ZEP ou du 16èlme arrondissement de Paris. Son autorité, sa posture, sa didactique s’en trouvent forcément affectées et il s’adapte lui aussi en permanence pour donner du sens à son enseignement selon le lieu, la nature de l’établissement, le public scolaire ou parental visé. Il en est de même pour le chef d’établissement, le Conseiller d’orientation psychologue, etc. On me rétorquera qu’à l’opposé des autres corps, le CPE se trouve en prise directe avec les élèves . Raison de plus pour codifier mieux son statut et ses missions tout en lui laissant l’autonomie et la marge de manœuvre qui incombent à tout cadre.
Et si chacun connaissait mieux, à défaut de les maitriser, les missions, domaines d’activités et compétences requis, ce corps serait mieux reconnu. Les CPE eux-mêmes ignorent ce qui est attendu effectivement d’eux par l’institution, par les élèves, par les familles, par les tutelles. Eux-mêmes questionnent leur travail et son efficacité. Faut-il changer, repenser le statut et les missions, faut-il qu’ils deviennent des adjoints de vie scolaire (rapport Thélot), faut-il repenser la vie scolaire en pôle vie scolaire avec des responsabilités plus définies et plus élargies, faut-il qu’ils deviennent des professeurs d’éducation civique (ECJS, par exemple) ce qui sous entend qu’ils investissent l’espace classe et qu’ils se transforment en évaluateurs reconnus (débat récurrent, en sachant que certains CPE définissent en partie leur spécificité dans cette non évaluation sommative des élèves), faut-il créer une agrégation d’éducation (qui reconstituerait à nouveau les deux corps, une différence de salaire, mais qui aurait par ailleurs le mérite de permettre au CPE d’avoir accès directement au concours des IA-IPR-EVS ), augmenter le temps de travail des enseignants et leur temps de présence dans l’établissement et de suivi des élèves, il n’y a point d’accord, car chacun voit dans ces mesure la menace prégnante de sa survie. Et puis après tout, le flou du statut et des missions permet à chacun, CPE, enseignants et direction , de trouver son compte. Chaque CPE interprète selon sa personnalité, sa lecture, ses représentations ou conceptions du métier, sa situation, la personnalité de ses collègues et de sa direction la circulaire de 1982 et s’y appuie pour faire valoir sa manière de servir.
Enfin, les CPE sont inquiets. En permanence inquiets ! Les rumeurs de disparition de la catégorie qui serait soluble dans le corps des personnels de direction sont permanentes. Il est vrai que les signaux interrogent : la diminution des postes au concours (200 par an depuis trois ans), l’absence de revalorisation financière, l’absence d’heures supplémentaires (les CPE n’y ont pas droit, donc pas de revalorisation de 25%), et pire encore, ils ont le sentiment que la réforme du système est repensée sans tenir compte d’eux, on en veut pour preuve que la commission Pauchard ne travaille que la redéfinition du métier d’enseignant et quid de celui de conseiller principal d’éducation et des autres catégories (alors que l’ensemble ne tient que si le tout forme une cohérence) .
Alors, c’est le propre de la mal-reconnaissance ou de la non-reconnaissance, la catégorie déprime, s’inquiète, doute d’elle-même. Tous les moments sont propices au défouloir collectif, à l’expression des peurs, des fantasmes. Et pourtant, l’on ne cesse de clamer que ce corps est plus que jamais « utile ou nécessaire », voire indispensable, dans le contexte d’une société et d’une école en profondes mutations, d’une jeunesse en quête de repères, d’identité, de valeurs, de parents déboussolés ; les CPE ont de plus en plus une place prépondérante dans les EPLE pour créer des conditions d’une vie à l’école plus épanouissante, d’une écoute et d’une prise en charge des problèmes divers plus amplifiée, d’une relation éducative encore plus forte (on en veut pour preuve l’intérêt que portent certains pays européens). Plus que jamais, le CPE doit s’inscrire dans une mission éducative en agissant sur l’importance de la Règle aussi bien en terme de règle générale et de son adaptabilité pratique, sur la nécessité pour les élèves de donner du sens à leur présence et à leurs activités au sein de l’établissement, sur la place de la parole de l’élève qui doit se « débrider » même si elle doit s’exprimer dans le cadre de la laïcité, du respect d’autrui et de la neutralité politique ou confessionnelle. Plus que jamais, le CPE peut s’appuyer sur le pôle vie scolaire pour donner de la cohérence au fonctionnement d’ensemble, cohérence éducative bien sûr. Il a un rôle prégnant à y jouer, et il peut le faire.
En fait comme l’affirme Christian VITALI, la fonction de CPE a été créée pour répondre aux besoins nouveaux de dialogue et d’écoute, elle répondait à un besoin de transcendance de la rupture entre les éduqués et l’institution éducative, laquelle rupture a engendré une crise sociale et des valeurs (rupture générationnelle, crise de d’autorité, rupture sociale et culturelle .
C’est une fonction de la crise et qui se trouve elle-même en crise permanente. Elle-même créée pour répondre à une crise des institutions et notamment de la crise de l’institution éducative, cette catégorie porte finalement en elle les stigmates de la crise. Le problème est que la crise des Institutions ne cesse pas, loin de là, les ruptures s’amplifient encore plus ; la rupture est même devenue un concept de gouvernance politique. Bien qu’elle soit elle-même en crise, il faut que la catégorie continue à répondre à la crise, ce pourquoi elle a vu le jour. Difficile donc. Mais le mythe du CPE qui devait mettre fin aux ruptures, répondre aux nouvelles exigences sociales, accompagner sans fracas les nouvelles demandes sociales et familiales, retisser le lien social et générationnel distendu, favoriser la paix sociale, et cela tout en ne bénéficiant pas d’un statut et de missions clairement définis et reconnus, semble aujourd’hui et dans les conditions actuelles du statut et des missions, irréalisable. Quand cessera-t-on de définir le CPE par « celui qui n’est ni enseignant ni chef d’établissement ». D’ailleurs, peut-on le définir autrement sans repenser la fonction dans son ensemble et selon le nouveau contexte institutionnel, social, éducatif ?
A suivre ! Meilleurs vœux pour l’année 2008 pour l’application amplifiée des piliers 6 et 7 du socle commun (voir le document de l’ESEN sur la place du CPE dans la mise en œuvre de ce socle commun des connaissances et compétences civiques et sociales) , du P.P.R.E., de la note vie scolaire, de l’égalité des chances, de la mixité sociale, de la carte scolaire, de l’orientation active. Et pour tenir le coup, que souhaiter de mieux qu’une santé solide et de l’épanouissement personnel et professionnel pour garder le cap et la distance.
Gardy BERTILI