Un des principaux points cardinaux de l’évolution de l’Islam, comme société et comme religion, pour ne pas dire le principal, réside dans une nouvelle conception de la révélation coranique. On s’étonne souvent qu’elle ne soit pas plus avancée. Bien des penseurs musulmans en sentent la nécessité. Mais la contrainte sociale, basée sur le caractère intouchable du texte coranique, est encore toute puissante dans la plupart des pays musulmans.
L’étude proposée ici fut publiée par « Se Comprendre » n°127 en 1974. Marc Chartier reprend ce texte en y ajoutant quelques pages tirées de l’ouvrage de Mohammad Khalaf Allâh : « l’exégèse islamique ».
L’avis du penseur tunisien Muhammad Talbi dans son ouvrage « Islam et dialogue », Tunis, 1972, pp. 45-46, reflète clairement le sens de cette étude : « Une nouvelle exégèse, ne reniant pas forcément les richesses et les acquis positifs du passé, est nécessaire, et elle a besoin d’un climat d’aventure, d’échange, et de tension pour être à jour, et répondre à toutes les inquiétudes. En créant ce fertilisant climat de tension, qui avait dramatiquement manqué à l’Islam durant des siècles, le dialogue peut avoir pour rôle de sortir les musulmans de leur faux confort, et d’ouvrir de nouveau leurs coeurs et leurs oreilles au Message de Dieu. Car si la Parole de Dieu, comme le croit tout musulman, est éternelle, il en découle forcément que, quoique révélée dans le temps et dans l’espace, elle transcende aussi la temporalité et spatialisation, pour être toujours et partout audible, présente et constamment neuve. Elle doit donc être perçue et reçue, non d’une manière statique, mais comme une somme de virtualités et de potentialités qui doivent être sans cesse actualisées par une interrogation toujours recommencée. Cette exigence n’est pas forcément révolutionnaire. Elle est celle de nombreux exégètes du passé qui avaient été justement fascinés par la richesse de significations du mot coranique, qui brise les barrières habituelles du langage sous la poussée exubérante des virtualités. D’où la nécessité d’écouter Dieu avec nos oreilles d’aujourd’hui, dans l’instant constamment présent. La relance d’une exégèse moderne, cumulant à la fois la prudence et les audaces, en prise directe sur les angoisses, les inquiétudes et les interrogations de notre temps, est donc la condition sine qua non pour que Dieu ne soit pas exproprié du monde, et redevienne présent dans l’agir humain. Elle ne peut se développer ailleurs que dans le climat du dialogue avec tous, croyants et incroyants ».
http://www.comprendre.org/khalaf.htm
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