Par Béatrice Crabère
L’enseignement du français en Russie présente quelques similitudes avec l’enseignement du russe en France, même s’il n’est pas atteint aussi sévèrement : il ne va pas de soi, les effectifs des classes se réduisent et les professeurs doivent faire preuve de dynamisme. Certains professeurs, à l’image d’Irina Zabotina, de l’école N°22 de Dzerjinsk, participent à des séminaires, échangent, et cherchent à motiver leurs élèves par la création de clubs et la participation à tous les concours qu’ils trouvent sur la Toile. Le web2.0 est un outil puissant pour donner du sens aux apprentissages via les échanges virtuels, un moyen de donner de la visibilité aux coins les plus reculés et d’abolir les distances.
Un des projets innovants présentés au Forum des Enseignants Innovants d’Orléans des 1er et 2 juin prochains est parti du Tarn, est passé par le Québec et a conquis Irina Zabotina et son club de jeunes francophones. Ils ont ainsi participé au projet « Images et patrimoine », décrit ci-dessous, après la présentation de cet établissement russe qui base sa pédagogie sur les projets innovants.
Russie-Semenov- Art populaire Khokhloma
C’est le titre de la page réalisée par 10 élèves du club de français (de l’Amitié Virtuelle des Francophones) d’Irina, qui, toujours à la recherche de nouveaux projets liés aux nouvelles technologies (ce qui est aussi le projet d’établissement), a déniché le programme tarnais sur le site Prof-Inet, site qui a pour but de développer les projets francophones collaboratifs. Accompagnés de leur professeur de géographie, Olga Denissova, les collégiens qui apprennent le français renforcé ont photographié l’artisanat local.
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/educ-image81/cartoimg/R[…]
La première photographie, retouchée par le logiciel d’images, illustre bien cette vision sensible revendiquée par Pierre Clot (voir l’article suivant) : cette rue bordée d’isbas et de bouleaux est revisitée à la manière des tableaux des paysagistes russes, de même que le dernier texte, essai poétique en français, qui, n’oublions pas, est la langue d’apprentissage de ces jeunes Russes.
Le site de l’école :
Le site du club de l’Amitié Virtuelle des Francophones :
http://sites.google.com/site/kidfrankofony/
La présentation du projet : on y trouve un descriptif en français, illustré de photographies, de l’école, de la ville de Dzerjinsk et de la région de Nijni-Novgorod.
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/centre-tice-albi/site2[…]
Pour apprendre la langue, nous voudrions communiquer davantage avec de jeunes Français
Entretien (virtuel) avec Irina Zabotina
« Cela fait 4 ans qu’est né le club « Internet droujba » que j’ai monté avec mes élèves », explique Irina. « Nous avons participé à plusieurs projets dont «Les fêtes en tête », « Ton toit, mon toit ». L’année dernière nous avons gagné le concours de blogs en créant un blog d’échanges avec une classe de Roumanie qui apprend aussi le français :
http://lewebpedagogique.com/russieroumanie/
En ce qui concerne le projet « Images et patrimoine », 8 de mes petits francophones ont composé les textes. Nous n’avons pas pu nous servir de la banque de textes proposés, car ils étaient trop difficiles pour mes élèves de 13-14 ans qui ont un niveau A2 en français.
Par contre, nous avons pris plaisir à découvrir les productions des autres participants. »
Avez-vous eu l’occasion de faire découvrir ce projet à vos collègues ?
« Oui, j’en ai parlé plus d’une fois lors de séminaires de professeurs de français. Ce projet est très intéressant, mais il est assez difficile d’entrer en contact avec les autres écoles. Suite à des problèmes techniques, je n’ai pas réussi à aller sur le forum. Il me semble qu’il serait plus simple d’ouvrir un blog sur lequel les élèves de toutes les classes pourraient communiquer directement.
Pensez-vous que ce genre de projets favorise les véritables échanges, donne envie de voyager, de rencontrer les autres participants ?
Pour moi, ce genre de projets est très important pour créer une situation naturelle de communication en français. Mais c’est justement avec les véritables porteurs de la langue qu’il est difficile d’établir des contacts. En général, les projets collaboratifs qui fonctionnent sont ceux que l’on monte avec les élèves qui apprennent le français dans d’autres pays.
J’ai moi-même plusieurs fois essayé d’organiser des projets de langue française. Par exemple, cette année, j’ai créé le programme « Joyeux Noël ! » pour plusieurs écoles de la région de Nijni-Novgorod.
http://sites.google.com/site/noelalecole/
Mes élèves et moi sommes toujours prêts à collaborer et à communiquer avc des élèves des écoles françaises. Mes collégiens ont 10,15 et 16 ans.
Le projet Images et patrimoine attire les francophones et les francophiles au-delà des frontières
Découvrir son patrimoine proche, parfois secret, oublié, caché, insolite, le décrire, le photographier, en faire une belle présentation, pour soi, mais aussi pour les autres, publier sa recherche sur un site collaboratif et découvrir à son tour le patrimoine des autres, de la région, du pays, du continent, du monde… Voici le beau projet initié en 2010 par Pierre Clot, Conseiller pédagogique TICE au Centre de ressources Tice-Images-Médias d’Albi, et auquel participent aujourd’hui une quarantaine de classes de primaire et de collège, dans le Tarn, en France et à l’étranger.
La présentation du projet sur le site du Café Pédagogique :
http://www.forum-orleans2012.net/ProjectView.aspx?PrjID=9[…]
Donner du sens aux apprentissages est le moteur commun aux projets basés sur la communication.
Outre la découverte du patrimoine local et l’ouverture au Monde, ce projet pluridisciplinaire et multiculturel permet la mise en œuvre du programme scolaire en français, en histoire-géographie, éducation artistique et maîtrise des outils informatiques. Selon Pierre Clot, il répond pleinement à la compétence 5 du socle commun de connaissances et de compétences : la culture humaniste.
Lecture de l’image, lecture de textes, situation dans l’espace et le temps, approche sensible de la réalité, attitude de curiosité pour le patrimoine mondial et les productions artistiques…tout cela prend sens à travers l’objectif final de production esthétique et de partage collaboratif à travers le site :
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/centre-tice-albi/site2/s[…]
Ce projet permet aux élèves d’explorer différentes fonctions de l’écriture : la fonction expressive (la description de l’objet, littéraire, poétique), la fonction cognitive (écriture scientifique en replaçant l’objet dans son contexte historique et géographique), la fonction sociale (en communiquant sur le forum ou par mail pour demander l’aide technique nécessaire). Les élèves produisent des textes courts et de type différents.
C’est le travail de chaque enseignant participant avec son groupe. Le travail de Pierre Clot est l’accompagnement des enseignants en mettant à leur disposition des outils pédagogiques et un support technique, en accès libre sur le site : des cartes interactives pour situer chaque participant, un module esthétique de présentation des images avec une interface de saisie pour la mise en ligne, un logiciel gratuit de retouche d’images et, pour le travail de la langue, une anthologie de textes classiques et une bibliographie de littérature jeunesse et d’écrits documentaires, le tout didactisé.
Pierre, comment ce projet est-il né ?
Ce projet est la suite logique du projet que j’avais initié en 2002, alors que j’exerçais les fonctions de maître animateur en informatique de circonscription, toujours dans un souci de donner du sens aux apprentissages, en mettant les TICE au service de ceux-ci, en tant qu’outils. Ce projet s’intitulait « Nos différences nous rassemblent ».
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/rer-vere-gresigne/di[…]
Le site n’est plus actif mais reste visible. C’est sur la base de ce travail de 8 ans que j’ai pu intégrer le Centre de ressources TICE-Images-Médias du Tarn, qui est une structure unique en France, soutenue par le Conseil Général, la Direction des services départementaux de l’Education Nationale (ex l’Inspection Académique) et le CDDP du Tarn. Le projet actuel est une déclinaison institutionnalisée du projet initial, ce qui lui donne à la fois des moyens de développement plus conséquents et une plus grande visibilité.
Les productions sont très belles, et pourtant, ce projet ne s’adresse pas particulièrement aux enseignants maîtrisant les nouvelles technologies. Quels outils spécifiques avez-vous conçu ?
L’objectif est de mettre les TICE au service des disciplines, l’outil n’est pas une fin en soi. C’est pourquoi nous avons développé des interfaces simples d’utilisation. Il arrive que des enseignants ne s’occupent pas de la mise en ligne et nous envoient directement les textes et images. C’est nous qui nous occupons ensuite de la mise en forme. Mais tout est fait pour que les élèves puissent œuvrer eux-mêmes. Ce qui m’importe est surtout le travail de l’image et du texte de manière sensible : c’est dans ce sens qu’est conçu proposé le logiciel de retouche d’images, vers un graphisme plus personnalisé, et c’est pour ça aussi qu’il est conseillé de réaliser un travail d’écriture ambitieux, en prenant exemple sur de vrais textes littéraires. Les textes conseillés à la lecture peuvent paraître difficiles pour le primaire, mais on est étonné des résultats obtenus dès que l’on fait le pari de l’intelligence. L’accompagnement des enseignants est bien entendu essentiel pour faire en sorte que les élèves s’approprient ces textes pour qu’ils deviennent véritablement des outils au service de leur propre écriture. C’est en particulier l’interprétation sensible de cette approche du patrimoine qui doit être mise en avant.
C’est d’ailleurs le travail sur la langue française à travers ce projet qui est souligné par François Quet, Maitre de conférences en langue et littérature française, université de Nouvelle-Calédonie, dans cet article de l’Ecole numérique » qui parle de nous. Il écrit « Qu’on lise par exemple les textes du CM1 de Peyrole sur son châtaignier. Tout y est. La manipulation des images et des textes sur le support numérique, la sollicitation de la mémoire collective dans ce qu’elle a de plus simple, le souci documentaire, l’investissement de sujets créateurs dans la langue : rythmes, métaphores, implication subjective, personnification, fragments de temps saisis, etc. »
http://www.cndp.fr/ecolenumerique/tous-les-numeros/[…]
Des écoles de tous les coins du Monde vous rejoignent. Comment se font les contacts ?
L’existence du projet précédent nous a permis depuis quelques années déjà de nous faire connaître et de gagner la confiance de tous les acteurs, qu’ils soient participants ou partenaires.
Nous avons eu ainsi l’occasion de travailler avec de nombreux pays francophones ainsi qu’avec des établissements français à l’étranger.
Notre action est soutenue par Prof-Inet, un site québecquois de mise en relation des classes et des projets de coopération internationale dans la communauté francophone, par différents sites en lien avec le patrimoine, ainsi que par des sites pédagogiques dont le Café Pédagogique qui a parlé de nous dans l’Expresso (on a d’ailleurs eu un pic de fréquentation à la suite de cet article).
Que pouvez-vous nous dire de la participation d’une école russe ? Est-ce que des liens privilégiés peuvent se nouer entre des écoles de différents pays ? Avez-vous connaissance de concrétisation matérielle d’échanges, de voyages ?
C’est un collège russe qui participe depuis l’année dernière : les élèves sont plus âgés, étant donné qu’ils ne sont pas francophones. C’est leur professeur de français qui les a inscrits, dans le cadre de l’apprentissage de la langue.
C’est une des directions que peut prendre le projet, on verra bien. La mise en relation des classes est plus lente à se mettre en place, c’est un peu le point faible actuellement, celui sur lequel doivent maintenant porter nos efforts et que nous essayons d’impulser à travers le forum de discussion.
Vous accompagnez les projets du département en présentiel. Pensez-vous que d’autres départements pourraient déléguer des conseillers pédagogiques sur ce projet ?
C’est bien-sûr notre souhait. Le département des Hautes-Pyrénées a d’ailleurs rejoint le projet. C’est très simple, il suffit de nous contacter sur le site, nous sommes prêts à accueillir tous ceux qui souhaitent se joindre à nous, apportant ainsi diversité culturelle et leur propre expertise au service du projet.
Je tiens à profiter de vos pages pour rendre hommage à tous les acteurs qui permettent cette aventure, à tous les enseignants qui s’investissent au quotidien. Je ne suis ici que leur porte-parole.
Je remercie aussi le café Pédagogique qui nous donne l’occasion de rendre plus visible notre travail à travers le Forum des Enseignants Innovants tout en nous apportant de précieux éclairages des collègues qui seront présents.