Les enseignants recrutés avec un master en 2010
« Le ministre aurait intérêt à voir « Entre les murs ». Il apprendrait que le métier ce n’est pas juste transmettre des connaissances. C’est aussi savoir gérer la diversité des personnes. Et ça nécessite du professionnalisme ». Pour Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil, le projet de réforme de la formation des enseignants envisagé par Xavier Darcos est une erreur.
C’est Le Monde qui a rendu public le 28 mai cette nouvelle réforme. Selon le quotidien, les enseignants seraient recrutés dès 2010 au niveau du master, le concours étant maintenu mais réservé aux titulaires du master 2 (bac +5). Selon Luc Cédelle, « les universités pourraient intégrer à leurs masters disciplinaires des modules de préparation à l’enseignement ». Au lendemain du concours, les candidats reçus seraient directement envoyés en classe à temps complet. La seconde année serait supprimée. Tout au plus le nouvel enseignant pourrait-il être suivi par un conseiller pédagogique.
Pour Jean-Louis Auduc, consulté par le Café, ce projet pose la question de la professionnalisation du métier d’enseignant. « Ca veut dire que la philosophie selon laquelle il suffit d’avoir des connaissances pour être capable de les transmettre l’emporte. C’est un recul par rapport aux dix compétences définies par le HCE en 2006 ». Celles-ci caractérisaient l’enseignant comme un spécialiste de sa discipline mais aussi comme un pédagogue capable de gérer sa classe et de dialoguer avec son environnement.
Le Snuipp a déclaré « déplorer cette décision… Ce choix permet une amélioration financière des traitements, mais conduit à allonger la durée des parcours académiques, à supprimer une année de formation professionnelle rémunérée, et surtout à économiser environ 11 000 postes de stagiaires de professeurs d’école ». Au total ce sont près de 800 millions d’euros qui pourraient être économisés.
Pour le Snuipp « c’est l’existence d’une formation initiale professionnelle de qualité qui est essentielle ». Elle est clairement menacée. La mesure aboutirait d’ailleurs à pratiquement fermer les IUFM.
Consulté par le Café, André Giordan estime que « l’université en France n’a pas encore l’expérience et la culture pour préparer les enseignants… Ce n’est pas par des masters disciplinaires qu’on préparera valablement à ce métier . L’institution universitaire risque même de dégoûter nombre d’entre les candidats profs sans leur donner les outils et les ressources indispensables. Ce qui n’améliorera pas la qualité du système. De plus, on constate que plus la préparation est frustre, plus les jeunes maîtres quittent tôt l’enseignement, plus vite il faut les remplacer; d’où des investissements perdus ».
De son côté, Patrick Baranger, président de la conférence des directeurs d’IUFM, pense qu’il est inenvisageable que le projet français privilégie un master purement « académique », c’est-à-dire uniquement centré sur les savoirs disciplinaires, « qui ne permettent d’enseigner que dans quelques classes prestigieuses de lycée. Ce serait une catastrophe pour le système éducatif. On risquerait de plonger dans le grand bain de la classe des gens qui ne savent pas nager, en priant pour qu’ils apprennent ».
Le dossier du Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/ReformeFormation.aspx