Par Norbert Troufflard
Le rapport sur la série S veut retarder la spécialisation des lycéens
« La mission ne préconise ni un renforcement de la spécialisation des trois séries générales, ni une fusion de ces dernières qui conduirait à former de la même manière tous les élèves. Au cycle terminal de la voie générale, l’élève doit construire son parcours de formation au fur et à mesure que ses goûts et que ses aptitudes se révèlent, c’est à dire progressivement. La progressivité dans la construction de son parcours permet à l’élève d’affiner son projet, de l’ajuster ou même de le revoir ». Le rapport sur la série S, rédigé par les inspecteurs généraux Jean Moussa, Claudine Peretti et Daniel Secrétan, était guetté. Il vient après un rapport sur la filière L et au moment d’une polémique sur la série ES. Enfin il est publié alors que la crise de la série la plus prestigieuse du système éducatif français est éclatante : une série au recrutement de plus en plus socialement ségrégatif mais qui échoue à produire les étudiants en sciences nécessaires. C’est clairement signifier un certain échec de l’orientation dans le secondaire.
Ainsi les rapporteurs démontrent d’abord l’inefficacité du système des options en seconde. « La classe de seconde ne joue pas son rôle de classe de détermination. Cela tient d’une part à la méconnaissance qu’ont les élèves et les familles de la nature et des débouchés des différentes voies de formation, et d’autre part aux effets pervers du choix des options. Ce choix est en effet opéré dans une liste trop étendue et difficile à décrypter qui ne place ni les familles, ni les établissements, en situation équitable et il est souvent ressenti par les différents acteurs comme une prédétermination à entrer dans telle ou telle série ». Aussi proposent-ils de remplacer les options par un « parcours de formation » qui permettrait de faire découvrir aux élèves les finalités et méthodes des différentes filières. « Cette préparation au choix d’un parcours de formation s’appuierait sur des activités de découverte ; leur cadre réglementaire serait déterminé par un cahier des charges et non par un programme ; les lycées les déclineraient en fonction du projet d’établissement, du contexte local, des partenariats possibles (avec des universités, des établissements technologiques voisins, des institutions culturelles…), des compétences disponibles dans l’établissement, et des intervenants extérieurs susceptibles d’être mobilisés ». C’est le modèle des TPE qui est évoqué ici.
En première et terminale tous les élèves partageraient un tronc commun avec des enseignements d’approfondissement. Ces derniers pèseraient peu en première face au tronc commun et c’est seulement en terminale qu’une véritable différenciation se ferait avec un renforcement des options. On aurait ainsi gagné une autre année à la confirmation des choix des lycéens. Les auteurs ne croient pas qu’un renforcement de l’identité scientifique de la série répondrait aux attentes. Au contraire ils estiment qu’un style d’enseignement des sciences explique le désintérêt des élèves pour les formations scientifiques. « L’effondrement numérique des premiers cycles universitaires en sciences fondamentales, associé à l’attrait continu des études économiques, financières, et médicales, et à l’absence d’effondrement dans le domaine des sciences appliquées plaide en faveur du caractère expérimental de l’enseignement qui a permis de contrarier, au moins partiellement, le phénomène de désintérêt pour les sciences constaté dans la plupart des pays. Sur ce point, la crainte de voir l’Europe manquer de scientifiques a conduit un groupe d’experts mandaté par la Commission européenne à prôner un revirement dans l’enseignement des sciences pour passer d’une méthode déductive à une méthode basée sur le questionnement qui accroît l’intérêt des élèves pour les sciences, notamment des filles, et la réussite des élèves de milieux défavorisés comme favorisés ».
Cette réforme serait-elle à même de lutter contre les volontés ségrégatives à l’œuvre dans le système éducatif ? Au moins pourrait-elle aligner notre système éducatif sur ceux de nos voisins qui n’ont pas forcément des résultats inférieurs (voir Pisa 2006). « L’organisation en séries de la voie générale est une particularité française » écrivent les auteurs. « Lui substituer une logique de construction de parcours de formation faciliterait la réussite du projet professionnel de l’élève, et permettrait un rapprochement des pratiques rencontrées dans différents pays de l’Union européenne. Cela favoriserait les échanges et la reconnaissance des formations et des diplômes entre les pays ».
Le rapport
http://www.education.gouv.fr/cid20703/la-serie-scientifique-a[…]