Mis sous le boisseau depuis 2008, le rapport de l’Inspection générale sur « le travail des élèves en dehors de la classe » à l’école primaire refait surface. Ce rapport piloté par Viviane Bouysse, avec C Saint-Marc, H-G. Richon et P. Claus, pose de bonnes questions. Les devoirs à la maison sont-ils vraiment interdits ? Comment les rendre utiles ? Quelle place peuvent y prendre les tice ? ESt-ce pour éviter de répondre à ces questions que le rapport a été censuré ?
C’est bien parce que l’interdiction est renouvelée régulièrement par l’Education nationale que l’interdiction des devoirs à la maison à l’école primaire pose problème. Le rapport mentionne pas moins de 6 rappels à l’ordre de 1956 à 1995. Et cela en termes clairs: « il reste interdit dans l’enseignement élémentaire de donner des travaux écrits à exécuter à la maison ou en étude », écrit par exemple une instruction de 1971. Pourtant la pratique est absolument généralisée, relève, sans surprise, le rapport. C’est que le travail à la maison est intégré à la forme scolaire et justifié, on le verra, par les enseignants et els parents.
Malgré tous ces rappels, ce qui est plus nouveau dans le rapport c’est que les inspecteurs ne sont pas certains qu’ils soient réellement interdits ! « Les devoirs à la maison sont-ils toujours interdits ? Sur le plan réglementaire, la réponse est pour le moins ambiguë », note le rapport. « En effet, la circulaire de septembre 1994 a abrogé les circulaires antérieures qui interdisaient les devoirs à la maison. Elle n’a maintenu cette interdiction qu’au motif qu’il existait, sur le temps scolaire, un temps réservé aux études dirigées et aux devoirs. Or ce temps, qui n’était pas déterminé dans les programmes de 2002, a complètement disparu des horaires et des programmes de 2008. Faut-il ou non en déduire que les devoirs qui pouvaient être faits sur le temps d’étude dirigée inclus dans la journée scolaire peuvent l’être sur le temps d’étude qui suit la journée scolaire ? Peut-on faire des devoirs durant les études dirigées ? Sur le plan réglementaire, la réponse doit également être clarifiée ».
La circulaire de 2008 « relative à la mise en place de l’accompagnement éducatif à compter de la rentrée 2008 dans les écoles élémentaires de l’éducation prioritaire » prévoit qu’il est possible d’apporter aux élèves « une aide au travail scolaire » qui leur permet « d’apprendre leurs leçons ou d’approfondir le travail de la classe ». Enfin un guide pratique réalisé par le ministère pour les parents parle bien d’aide aux devoirs. A partir de là comment ne pas penser que l’institution, sans le dire, encourage les devoirs à la maison ?
Si elle les encourage, est-elle capable de contrôler ce qui se fait ? « Il est systématiquement demandé un travail en dehors de l’école, en nature et quantité variables selon le niveau de classe, surtout en français et en mathématiques », note le rapport. « Les élèves sont rarement initiés aux méthodes qui leur permettraient plus aisément de travailler en autonomie. Les bénéfices de ce travail pour l’école en dehors de l’école sont reconnus par tous, malgré l’absence d’évaluations rigoureuses de ses apports réels et spécifiques. Dans la très grande majorité des situations, ce travail ne fait pas l’objet d’une note ou d’une autre forme d’évaluation normative mais d’une vérification en classe. L’absence de travail fait, toujours déplorée parce que génératrice d’écarts croissants entre les élèves, n’est pas pénalisée ; les enseignants expriment ainsi une forme de malaise face à l’ambiguïté qui résulte du flou des textes, ne sachant guère ce qu’ils sont en droit d’exiger.
Une autre trouvaille de l’Inspection concerne les temps d’accompagnement scolaire. Le rapport note que « l’accompagnement scolaire mis en place dans le cadre des contrats locaux est destiné à des élèves proposés par les écoles. Les critères retenus sont sociaux plus que scolaires (familles d’origine étrangère, familles nombreuses et souvent défavorisées, familles monoparentales…) ».
Le rapport préconise de préparer en class le travail demandé à l’extérieur et de l’exploiter en classe. Il invite à « mieux utiliser les ressources numériques » pour ce travail c’est à dire les services payants en ligne.
Le rapport finalement se déclare favorable au travail à la maison. On sait pourtant que des travaux universitaires l’ont vivement critiqué. En 2004 le rapport Glasman interrogeait son efficacité et son équité. Plus récemment, Patrick Rayou estime que « ne semble pas que les devoirs soient utiles aux élèves qui ont le plus besoin de compléter des apprentissages qui n’ont pas été convenablement mis en place pendant les séquences de cours… Le report à la périphérie de la classe des moments dans lesquels les élèves sont censés être actifs peut se révéler très discriminant ». Les familles ne sont pas égales dans la façon dont elles accompagnent leur enfant dans ses devoirs.
François Jarraud