Il y a l’école primaire actuelle. Celle de la loi Rilhac dotée d’un directeur mini chef d’établissement. Et il y a l’expérimentation à Marseille de l’école primaire telle qu’Emmanuel Macron la veut et peut-être la fera s’il est réélu. C’est celle là que Jean Castex est venu mettre en route à Marseille, le 14 décembre, avec JM Blanquer. Il a annoncé un soutien de l’Etat plus élevé qu’annoncé, à hauteur de 400 millions, pour la rénovation des écoles. Mais il a surtout préparé le lancement, à la rentrée 2022, des écoles gérées par des managers choisissant leurs professeurs. Le modèle libéral imposé en septembre par E Macron en échange de l’aide de l’Etat se met en place. Mais il est déjà fortement tempéré par le terrain et l’action syndicale.
« L’État est là, l’État est présent ». Jean Castex est venu le 14 décembre à l’école Ahmed Litim de Marseille (3ème) pour faire le point un peu plus de trois mois après la visite d’Emmanuel Macron et le lancement du « Grand Marseille ».
400 millions
« Nous sommes accordés sur les montants… Nous avons d’ores et déjà inscrit 254 millions d’autorisations d’engagement, comme on dit dans le projet de loi de finances pour 2022, qui devrait être voté dans les tout prochains jours, tout comme la garantie d’emprunt sur un volume de 650 millions que vous avez également évoqué. Et nous montrons par différents canaux jusqu’à 400 millions le soutien de l’Etat pour ce plan qu’il nous faut maintenant démarrer de manière énergique », a dit le premier ministre. L’aide de l’Etat sera donc un peu plus importante que prévu. J Castex a confirmé la création d’une société publique locale d’aménagement d’intérêt national, détenue à parts égale par l’Etat et la Ville pour la rénovation des écoles. On sait que le maire de Marseille, Benoît Payan, a fixé à 174 le nombre d’écoles à réhabiliter, sur les 472 de Marseille, pour un coût estimé à 1.2 milliard.
Les écoles Macron lancées
Mais J Castex a aussi réaffirmé le projet d’école porté par E Macron le 2 septembre. Ce jour là, le président de la République avait annoncé son intention d’expérimenter dans 50 écoles de la ville un management avec des pouvoirs renforcés du directeur. « On doit pouvoir aller plus loin… En fait, donner plus de liberté en même temps qu’on donne plus de moyens. Il faut qu’on ait des directeurs d’école à qui on permet d’avoir un peu plus d’encadrement. Il faut que ces directeurs d’école ils puissent choisir l’équipe pédagogique… On doit permettre peut-être d’avoir des aides en plus des enseignants en plus, d’être doté de moyens, d’adapter les rythmes scolaires pour les enfants, de penser le temps sportif différemment grâce aux infrastructures qu’on veut aussi mettre en place, de penser le temps culturel à côté de l’école différemment et de permettre de le faire, et en quelque sorte d’avoir une équipe qui n’est pas simplement faite d’enseignants mais de pouvoir d’abord choisir les enseignants qui y sont, être sûr qu’ils sont pleinement motivés », avait dit E Macron. Cette annonce avait suscité des oppositions d’école marseillaises.
58 écoles Macron
Le 14 décembre, J Castex maintient ce cap. « Nous assumons, nous assumons qu’il faut expérimenter des chemins nouveaux, l’autonomie des établissements, les responsabilités confiées aux directeurs plus importantes… Nous allons donc essayer d’aller plus loin et c’est avec une grande satisfaction, je vous le dis, que je constate que dans 58 écoles de Marseille, des enseignants, des équipes pédagogiques ont fait le choix de s’engager dans ce projet pédagogique innovant, expérimental que le chef de l’Etat a appelé ici à Marseille », a dit le premier ministre.
Des accommodements locaux
Cette annonce d’écoles gérées comme les écoles privées a été recadrée par des syndicats sur place. « On a gagné sur le volet ressources humaines », nous dit Virginie Akliouat, secrétaire départementale du Snuipp Fsu des Bouches du Rhône.
D’abord parce que dans ces 58 écoles il n’y aura pas de renouvellement des enseignants. Tous ceux qui le souhaitent, y compris les directeurs restent en place. Ensuite parce que le syndicat a obtenu que les nouveaux enseignants soient recrutés sur des postes à exigence particulière et non, comme le souhaitait JM Blanquer, des postes à profil. Les candidats pour ces écoles passeront devant une commission composée du directeur mais aussi de deux inspecteurs (IEN) et d’un professeur de l’école qui émettront un avis favorable ou défavorable. Ensuite le choix se fera au barème. Cependant les pouvoirs des directeurs de ces écoles restent « un point noir » pour V Akliouat. C4est aussi un point encore dans le flou. En application de la loi Rilhac ils pourraient disposer d’une délégation d’autorité très large.
Le ministère a du aussi faire avec la réalité pour trouver des écoles. Selon le discours présidentiel, les écoles Macron devaient faire partie de l’éducation prioritaire et bénéficier de la réhabilitation. Une quarantaine d’écoles de l’éducation prioritaire, visées au départ par le projet élyséen, avait refusé d’entrer dans le projet. Finalement, sur les 58 écoles qui vont participer à l’expérimentation, toutes ne sont pas dans l’éducation prioritaire. Toutes ne font pas non plus partie des écoles à réhabiliter. Le lien établi par E Macron entre école populaire , à réhabiliter et expérimentation n’a pas tenu l’épreuve de la réalité.
Des promesses de moyens pour faire adhérer les écoles
Chaque école retenue a reçu la visite du préfet Abrard, en charge de l’expérimentation, et du Dasen. Chacune a reçu des promesses de moyens supplémentaires pour mener à bien des projets. Mais rien n’est écrit et les écoles s’engagent sur des paroles. Il y aura pourtant des moyens. Selon V Akliouat, 2.5 millions seront versés par le ministère de l’éducation nationale pour soutenir les 58 projets, soit environ 20 000€ par école.
« De nombreuses écoles se sont opposées à ce projet qui crée une école à deux vitesses », explique V Akliouat. Mais toutes les écoles ont besoin de moyens pour mener à bien leurs projets avec les élèves, les sortir, mener des activités culturelles ou même enseigner les fondamentaux. C’est ce qui les fait entrer dans l’expérimentation alors qu’on demande de donner le nécessaire aux 472 écoles ».
La liste des écoles et de leurs projets ne sont pas encore parus. Mais il semble que tous les projets fassent référence aux fondamentaux. On retrouve là la patte du ministre.
Quel avenir pour ce laboratoire ? Emmanuel Macron a présenté cette expérimentation comme pouvant être élargie à d’autres communes. Il s’agissait « d’aller plus loin » dans le projet présidentiel pour l’Ecole. Ces écoles préfigurent-elles ce qu’Emmanuel Macron souhaite pour toutes les écoles s’il est réélu ? On aurait ainsi une privatisation de fait des écoles publiques dans un modèle très compatible avec ce que demande la Cour des Comptes. A tous ceux qui se plaignent de l’absence de l’Ecole dans la campagne électorale, E Macron et J castex vient d’apporter une réponse. L’école d’après les élections pourrait être l’école libérale du nouveau management public.
François Jarraud