« Sauver l’EMI c’est agir pour l’indépendance et le pluralisme de la presse ». Dans cette tribune, Céline Malaisé, conseillère régionale d’Ile-de-France (PCF) alerte sur la situation de l’école des métiers de l’information, menacée de fermeture, faute de subvention. Les campagnes et offensives d’une droite et extrême-droite réactionnaires, appuyée et soutenue par la concentration des médias et des maisons d’éditions sont une réelle menace pour la démocratie. Pour elle, « défendre l’école des métiers de l’information est donc un combat essentiel pour toutes les citoyennes et tous les citoyens attachés à la liberté et à l’indépendance de la presse ».
École unique parce que publique et accueillant depuis 1982 des personnes en reconversion professionnelle, l’école des métiers de l’information (EMI), localisée à Paris, voit planer sur sa tête une épée de Damoclès. Alors que l’indépendance des médias devient une bataille vitale pour le pluralisme politique et la vie démocratique, l’avenir de cette école dépend, désormais, de l’identité du repreneur qui doit être trouvé avant le 7 avril prochain.
Comment une coopérative qui a formé des centaines de journalistes sur plusieurs générations et qui avait un projet économique soutenable et rentable peut-elle se retrouver en situation de redressement judiciaire ? Cette école fait les frais d’une décision politique irresponsable prise en 2024 par la droite régionale dirigée par Valérie Pécresse.
Suspendre, supprimer et causer de nombreux dégâts
A la fin de l’année 2023, une alerte à la fraude est activée par la Banque de France au sujet d’un dispositif régional nommé Aire (aide au retour à l’emploi). 2,3 millions d’euros ont été versés à des structures coquilles vides. La droite régionale décide alors de le suspendre sous-estimant les conséquences immédiates pour les demandeurs d’emploi. 25 millions d’euros sont gelés et des milliers de demandes d’aides à la formation pour des chômeurs sont refusées. La seule aide francilienne qui prenait en charge 80 % du coût d’une formation hors métiers en tension en Île-de-France est interrompue. Les conséquences pour de nombreuses structures de formation sont également quasi-immédiates. Les deux tiers des formations de l’école des métiers de l’information étaient financées par le dispositif Aire. En juin 2024, les effectifs de l’école sont divisés par deux. En septembre 2024, l’école est placée en redressement judiciaire et son bail a été repris par une entreprise d’insertion, à qui l’école sous-loue une partie de ses anciens locaux.
C’est tout un écosystème de la formation professionnelle qui se voit donc percuté par une décision politique prise de manière opportune à l’occasion d’une découverte d’un système de fraudes du à un manque de contrôle. La suppression définitive du dispositif est entérinée en 2025 malgré une mission d’enquête et d’information (MIE) demandée par l’opposition régionale de gauche et présidée par Cécile Dumas, conseillère régionale communiste, qui a mis en lumière la volonté de la droite régionale de profiter de cette circonstance pour mettre fin à des dispositifs jugés « inutiles ». Dans le budget régional pour 2025, ce sont 760 millions d’euros qui sont coupés alors que la baisse des recettes étaient de 161 millions d’euros soit cinq fois plus de dépenses rabotées que de baisses des dotations de l’État. En Île-de-France, le comité de la hache, maintes fois défendu par Valérie Pécresse dans les médias, a déjà commencé ses basses œuvres. L’épée de Damoclès qui pèse sur l’école des métiers de l’information est donc un des dégâts de la hache de Pécresse.
Sauver l’EMI c’est agir pour l’indépendance et le pluralisme de la presse
L’école ainsi que les générations de journalistes qui ont été formés entre ses murs ont fait connaître les dommages directs d’une suppression du dispositif régional notamment par le biais d’une pétition qu’il est toujours possible de signer[1]. Ces alertes relayées par la gauche régionale n’ont reçu aucune réponse de la part de l’exécutif régional qui reste sourd et aveugle face aux conséquences de ses décisions politiques. Pourtant les inquiétudes quant à un renforcement de la main-mise du monde industrialo-financier sur la formation des journalistes et quant à l’emprise de l’extrême-droite sur les médias sont vives. La création en 2018 de l’Institut libre de journalisme avec le soutien des réseaux d’extrême-droite Bolloré et Stérin ou le rachat par un consortium où figure Bolloré ou encore Arnault de l’école supérieure de journalisme (ESJ) de Paris en novembre 2024 (et qui dans la foulée s’est vue réattribuer la reconnaissance par l’État de sa licence) alertent plus encore sur la transformation qui s’opère dans les écoles de journalisme. Ce secteur de formation est en train de basculer vers un modèle d’école privée à but lucratif avec des grands groupes privés financeurs. L’indépendance journalistique y est donc subordonnée à des intérêts économiques et idéologiques. Acquérir des écoles pour y former ses propres journalistes s’intègre dans le cadre d’un projet politique global qui est de porter l’extrême-droite à la tête du pays. Défendre l’école des métiers de l’information est donc un combat essentiel pour toutes les citoyennes et tous les citoyens attachés à la liberté et à l’indépendance de la presse.
Lundi 31 mars, une conférence de presse a permis à l’école de porter sa vision exigeante, déontologique et critique du journalisme mais aussi, avec des élu.es en soutien, d’appeler des investisseurs, progressistes et attachés à une presse libre indispensable à la vie démocratique, à l’accompagner dans un projet de relance ambitieux et garantissant son indépendance.
Céline Malaisé
[1]https://www.emi.coop/sauvons-lecole-des-metiers-de-linformation-pour-defendre-lindependance-des-medias/
