En quelques mots, MathALÉA, c’est quoi ?
MathALÉA est un outil libre et gratuit, porté par l’association COOPMATHS, et développé et maintenu par un collectif d’enseignant·es de mathématiques. MathALÉA est d’abord une bibliothèque d’exercices de mathématiques qui couvrent une grande partie des programmes du CM1 jusqu’au Bac, il y a même une section pour la préparation au CRPE. La correction est, bien sûr, associée à chaque exercice. Mais ce n’est pas ce qui fait de MathALÉA un outil unique !
MathALÉA offre la possibilité de générer plusieurs versions différentes de la plupart des exercices. Il est possible d’obtenir une version PDF des exercices et de leur correction (avec une mise en page inclusive), ou bien une version html à projeter au tableau, ou bien encore une version interactive qui permettra aux élèves de répondre en ligne aux questions posées et de valider automatiquement leur réponse.
Si l’enseignant souhaite suivre la progression du travail de ses élèves et connaitre les scores qu’ils ont obtenus, il peut intégrer les exercices MathALÉA dans Capytale ou dans ÉLÉA, deux autres outils libres et gratuits, accessibles depuis les ENT académiques, qui assurent la parfaite protection des données des élèves.
Pouvez-vous donner des exemples de ce qu’on y trouve ?
Il est difficile de choisir parmi les quelques 2 000 exercices codés par les membres du collectif, mais il y a quand même des exercices qui présentent une grosse valeur ajoutée comme, par exemple, les exercices de constructions dont la correction animée aux instruments s’adapte aux données aléatoires de l’exercice ou encore, les exercices utilisant notre solution de géométrie interactive « maison » apiGeom.
On peut trouver aussi dans la partie réservée à la Course aux nombres (une épreuve nationale de calcul mental) plus de 700 exercices courts correspondants à ce type d’activité et constituer ainsi des séries à données aléatoires. Dans ce domaine, nous avons converti de nombreux sujets d’annales de l’épreuve en version aléatoire, et nous travaillons en étroite liaison avec les organisateurs de l’épreuve pour proposer une version en ligne interactive de la Course aux nombres depuis 2024.
Nous avons également un partenariat avec l’APMEP pour récupérer les sujets d’annales de DNB et Bac. La plus value de notre présentation de ces sujets sur MathALÉA, c’est qu’en plus des sujets classés par années, on peut retrouver les exercices individuellement par compétences. De même, des collègues peuvent facilement travailler en équipe, faire circuler entre eux par mail, des sélections d’exercices de DNB ou Bac, pour se mettre d’accord pour un sujet blanc. Il est ensuite facile de sortir le sujet choisi en pdf. Nous sommes en train d’isoler les exercices QCM des DNB et Bac, questions par questions.
Les collègues avaient avant à leur disposition un exercice QCM avec souvent 5 questions sur 5 thèmes. Nous ne les proposions pas en interactif il y a peu. Notre nouveau découpage permet d’utiliser individuellement chaque question d’un QCM et de constituer ainsi facilement ses propres QCM issus des sujets officiels. Il devient aussi possible de les proposer en interactif. Avec l’esprit MathALÉA, nous commençons même à rendre aléatoires des questions QCM des annales de Brevet et Bac. En conservant l’esprit de la question de l’examen, nous déclinons la même question avec d’autres valeurs. Cette banque d’exercices QCM, issus d’annales d’examens, est intéressante, car outre une préparation aux épreuves finales pour les élèves concernés, elle permet de construire facilement des questions flashs de début de cours, des tests de compréhension en cours d’apprentissage, des questions de réactivation sur des chapitres traités antérieurement …
Concrètement, quelles en sont les modalités d’usages possibles en classe ou hors la classe ?
Les retours des collègues sont nombreux et variés. Parmi les usages connus on peut citer :
- La projection de questions rapides en début d’heure pour travailler les automatismes à l’oral, à l’ardoise, avec un qr-code…
- La création de fiches d’exercices ou de plan de travail avec des niveaux de difficulté variés pour différencier.
- L’évaluation formative par contrat de confiance (renouvelable à l’infini).
- L’entraide au sein de la classe (travail sur un même exercice avec une version différente par élève).
- La mémorisation espacée des notions du cours et des méthodes.
- Et même l’évaluation sommative avec des versions différentes par élèves.
Comment le projet MathALÉA est-il né et s’est-il développé ?
Tout vient d’un petit collectif d’enseignants qui voulaient se lancer dans les pratiques coopératives, en particulier après la lecture d’ouvrages du chercheur Sylvain Connac. Ils avaient besoin de versions multiples d’exercices pour mettre en place la boucle évaluative et la création de plans de travail. La motivation faisant, Rémi Angot a commencé à programmer quelques exercices. Il a mis le code sous licence libre ce qui a permis à des collègues toujours plus nombreux de l’étudier et de rejoindre le collectif pour l’améliorer. Le site internet n’a cessé de grandir grâce aux milliers d’heures de programmation et d’entraide d’une jolie équipe d’enseignants-développeurs passionnés et grâce aux outils de travail collaboratif mis à disposition sur la Forge des communs numériques éducatifs. Assez rapidement, la DNE, par le biais d’Alexis Kauffmann, chef de projet des ressources éducatives libres, est venue apporter son soutien au projet (invitations aux Journées du Libre Éducatif, conseils, mise à disposition d’outils…), suivi par la DRANE d’Occitanie et la DRANE de Normandie. Avec ce soutien et grâce à la reconnaissance acquise avec le prix Serge Hocquenghem, l’équipe a pu se structurer et créer l’association COOPMATHS.
MathALÉA est-il la « simple » continuation de la tradition scolaire de l’exercice ou vous semble-t-il porter d’autres valeurs pédagogiques ?
Comme tout outil, la valeur pédagogique ne dépend que de l’utilisation qui en est faite. La force de MathALÉA est de pouvoir générer des versions différentes d’un même exercice. Cet outil est donc approprié pour développer des automatismes et travailler la mémorisation de procédures. Il devra être associé à d’autres dispositifs, comme des tâches complexes, des projets d’élèves, qui permettront de transférer ces savoirs dans des situations nouvelles.
En amont de ces entraînements, une situation-problème, avec un rapide travail en groupe, peut être l’occasion de mettre à l’épreuve les représentations initiales et de créer le besoin d’expliciter les savoirs visés.
La tentation de l’individualisation nous semble alors un danger d’utilisation. En effet, proposer un exercice adapté aux besoins de chacun peut augmenter les écarts de résultats entre élèves, en particulier en laissant les élèves les plus fragiles sur des exercices moins exigeants. Aussi, il y a un risque de décrochage lorsqu’un élève se retrouve seul face à un obstacle, malgré la correction à disposition.
C’est pourquoi, MathALÉA peut être utilisé en s’appuyant sur les valeurs des pédagogies de la coopération. Face à un même obstacle, des élèves peuvent s’entraider. Il faudra alors être vigilant à savoir refaire seul, le bouton « nouvel énoncé » est là pour ça. Un élève peut également solliciter une aide ponctuelle, auprès d’un élève identifié. Ce dernier profitera de l’effet tuteur, il faudra alors être vigilant à ce que ne soit pas toujours les « bons élèves » en mathématiques qui aient accès à ce statut, en encourageant le tutoré à proposer son aide. Aussi, en association MathALÉA à l’utilisation d’un plan de travail, c’est l’occasion de développer l’autonomie et la responsabilité associée. Avec les corrections accessibles en ligne et la possibilité des les imprimer, l’erreur est un indicateur pour apprendre. L’élève pourra réessayer seul, en dehors du cours après un temps d’oubli par exemple, grâce aux possibilités offertes gratuitement par MathALÉA.
Bref, les utilisations sont multiples et dans un monde qui semble de plus en plus individualiste, où la privatisation de l’école se développe, faire le choix du logiciel libre et gratuit, de la solidarité, développer l’autonomie, mettre l’accent sur les progrès individuels durables plutôt que sur les performances notées, nous semblent des valeurs importantes, d’où le nom de l’association COOPMATHS qui est à l’origine de cet outil.
En quoi MathALÉA vous semble-t-il aussi porter la culture des communs éducatifs et numériques ?
MathALÉA est à la fois un logiciel, et une banque de ressources pédagogiques. Le code du logiciel est publié sous licence libre et les contenus pédagogiques sont disponibles sous licence creative commons. Chacun est libre de les utiliser, de les copier, de les distribuer, de les adapter à ses besoins ou à ceux des ses élèves (pour aller vers une accessibilité universelle). Cet ensemble est développé et maintenu par une communauté d’enseignant·es, utilisateur⋅ices, parfois codeur·euses, qui s’est dotée de règles de gouvernance, en particulier en se structurant en association loi 1901. MathALÉA, techniquement, coche donc toutes les cases du commun numérique éducatif : liberté (de la licence), communauté (pour développer et soutenir) et gouvernance (règles et décisions partagées).
Mais MathALÉA est aussi conçu pour faciliter la mise en place de pédagogies coopératives, de la différenciation, de la boucle évaluative, des évaluations par contrat de confiance… des pédagogies où l’on responsabilise les élèves, on les place dans des contextes favorables à l’entraide et à la collaboration, des pédagogies où l’évaluation n’est pas une sanction mais une étape nécessaire aux apprentissages et aux progrès. Des pédagogies, enfin où chacun a sa place dans le groupe classe, car chacun a des compétences et un rôle dans le groupe reconnus par ses pairs. Seul, on va plus vite, mais avec MathALÉA, on travaille ensemble, et on va, toutes et tous, plus loin.
En quoi cette culture des communs vous semble-t-elle devoir être diffusée dans l’Ecole ? Par quels moyens ?
Il faudrait probablement un exemplaire de 300 pages du Café pédagogique pour résumer pourquoi les communs devraient être, depuis longtemps, la norme et le socle de notre système éducatif ! Les valeurs de partage, de collaboration, de libre accès aux connaissances, portées par les communs, sont au cœur des préoccupations de notre école. D’autre part, comment enseigner, par exemple, la programmation si le professeur et les élèves ne peuvent lire le code d’une application pour le comprendre ? Comment enseigner, si le professeur ne peut distribuer librement une fiche d’exercices qu’il a conçue en sélectionnant, dans plusieurs ouvrages, ceux qui lui paraissaient pertinents ? Ce serait aussi vain que d’apprendre la cuisine sans pouvoir lire des recettes, les tester, puis s’en inspirer pour créer ses propres plats !
Enseigner et apprendre avec les communs est donc, pour nous, une nécessité, mais cela ne saurait suffire. Il faut aussi « enseigner et apprendre les communs » pour former les citoyens de demain : contribuer aux communs, en les faisant connaître, en signalant aux communautés qui les portent, une erreur, un bug, une suggestion, un remerciement ou bien encore en mettant à disposition ses propres améliorations ! Tout cela s’apprend et contribue au développement de compétences indispensables aux générations qui auront à relever les défis que nous leurs auront légués. Et c’est bien le moins que l’on puisse leur offrir.
Réponses collectives (évidemment !) de :
- Rémi ANGOT, collège Théodore Monod de Clarensac (30 – Académie de Montpellier)
- Matthieu DEVILLERS, collège Coat Mez de Daoulas (29 – Académie de Rennes)
- Aude DUVOID, collège Camille Claudel de Montreux-Château (90 – Académie de Besançon)
- Stéphane GUILLON, Lycée Bellevue d’Alès (30 – Académie de Montpellier)
- Cyril LASCASSIES, lycée Théophile Gautier de Tarbes (65 – Académie de Toulouse)
- Liouba LEROUX, Lycée Jules Guesde de Montpellier (34 – Académie de Montpellier)
- Jean-Claude LHÔTE, Collège les cuvelles de Vaucouleurs (55 – Académie de Nancy-Metz)
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
La Forge des communs numériques éducatifs
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