Créativité pédagogique à l’école
Au Forum 2025, bien des enseignant·es mettent l’écriture au cœur de l’école. Au groupe scolaire des Prés-Verts à Saint-Paul-en-Aretz, Sophie Brunel amène ses élèves de maternelle à envoyer leurs « poèmes voyageurs » aux parents, aux habitant·es de la commune, aux résident·es de l’EHPAD, aux correspondant·es d’une autre école « pour faire naître sur les visages de beaux sourires ». A l’école maternelle Prévoyance à Paris, Mélanie Decoodt mène des ateliers variés et créatifs pour travailler la motricité fine de ses élèves âgés de 3 ans : « Je souhaitais que mes élèves acquièrent des gestes graphiques variés et les plus fluides possibles afin de qu’ils se préparent dès le plus jeune âge aux gestes de l’écriture et à la tenue d’outils scripteurs variés ». Dans les écoles parisiennes, Christophe Blanc déploie des « Chemins d’écriture » pour faciliter la compréhension et la production de textes narratifs « en soutenant particulièrement la mémoire et les processus rédactionnels en jeu (conception, planification, mise en texte, révision…) ». A Croissy-sur-Seine, Béatrice Poignonec veut mettre elle aussi l’écriture poétique au cœur de l’école tant grâce à elle l’élève devient acteur et actrice de ses mots, se révèle par sa créativité, se libère des angoisses qui le freinent dans ses apprentissages : « Pas un jour sans écriture poétique, le B.A.R. à Bonheur, ouvert sur les temps de récréation offre deux fois par semaine des messages poétiques. »
Quid des sciences à l’école ? Christophe Gilger, ERUN dans l’académie de Grenoble, présente M@ths en-vie, un projet collectif, riche de 230 membres, qui œuvre pour former et outiller les enseignant.es à l’enseignement des mathématiques et cherche à « donner du sens à cet enseignement ». Khalid Kharbouche est professeur en CP à l’école élémentaire Dulcie September d’Ivry sur Seine : il y utilise l’impression 3D pour « enrichir les pratiques éducatives, rendre les savoirs plus concrets et stimuler la créativité pédagogique. » A Auxerre, raconte Marie Bolle-Besançon, on intègre le jeu d’échecs dans de nombreuses classes, de la maternelle au collège : il s’agit de développer les compétences académiques, cognitives et psychosociales à travers des séances progressives et adaptées, avec un accent particulier mis sur la concentration, la gestion des émotions et la coopération : « Je souhaite montrer qu’il est tout à fait possible d’enseigner les échecs, même sans savoir jouer, et je proposerai de le démontrer aux enseignants à travers un court jeu, accessible et pratique ! »
Les projets présentés travaillent effectivement des compétences fort diverses. « Etre à l’aise dans l’eau », c’est le but de l’expérience collaborative menée en CE1 à l’école Albert Camus à Caen et du parcours de formation en ligne que présente Dominique Gallon, professeur d’EPS et formateur INSPE : « Partant des freins observés chez les enseignants quant à leur engagement dans l’enseignement de la natation, l’objectif a été fixé de démocratiser l’accès de tous les élèves à ce savoir fondamental et de tous les enseignants à la capacité de le dispenser. » Dans l’académie de Lyon, Jean-Luc Vidalenc, enseignant UPE2A, a lancé le projet « Plus d’une langue ! » : il s’agit d’un outil de médiation et de formation pour les enfants qui grandissent avec plusieurs langues. Depuis la Charente, Stéphan Brunie partage 13 chansons originales spécialement écrites pour les premiers cycles afin de contribuer à un enseignement de l’éducation musicale basé sur l’apprentissage, la mémorisation et l’interprétation. A l’école Henri Wallon de Gennevilliers, Valérie Bézard, professeure des écoles, et Philippe Bongrand, maître de conférences, ont conduit le programme de formation-recherche ERASMUS+ « Urban Education in Europe » : un groupe plurinational de 4 étudiant·es a réalisé en CM2 une « petite enquête de sociologie visuelle au sujet de l’éducation urbaine » via différentes activités (production de cartes, dessins ou photos, entretiens collectifs, bilans linguistiques, lectures, discussions plurilingues, parcours commentés…). Dans les écoles de Paris, Daniel Gostain, enseignant spécialisé, collabore avec Juliette Elissalde, comédienne, pour mener des interventions autour de problématiques psycho-sociales (le harcèlement, la peur de rater, le sentiment de nullité…) : un personnage, Lili, arrive dans la classe ; les élèves vont chercher à l’aider et dire avec quoi cette situation résonne en elles et en eux…
Créativité pédagogique au collège
Et la créativité se déploie aussi à l’intérieur des disciplines. A Saint-Amand-les-Eaux, au collège Marie Curie, Peggy Bernadat, professeure de lettres, invite ses 4èmes à faire vivre des « Mémoires de Femmes » : en partenariat avec l’EHPAD de la commune, il s’agit par la photographie et l’écriture de tisser des liens entre générations, de mettre en lumière l’évolution de la condition féminine, de réfléchir sur l’âgisme. Depuis le collège Henri Sellier, à Bondy, Alix Callies, enseignante de français, et Thomas Ricart, développeur, ont lancé « Écrivor », un site qui permet de travailler l’écriture en utilisant l’Intelligence Artificielle : « le seul outil partant des productions des élèves et permettant à l’élève de développer sa réflexivité et d’acquérir des automatismes dans le travail de l’écriture grâce à des retours en direct et personnalisés. » Depuis le collège Jean Rostand à Neuville-de-Poitou, Bénédicte Marcireau invente « Philodéfi Lettres », un jeu de cartes qui a pour ambition de faire entrer les élèves dans l’univers de 12 écrivains, d’Homère à Rimbaud. A Vitré, au collège Gérard de Nerval, Guillaume Sarcel, enseignant d’histoire et géographie, repense l’organisation des séquences selon la démarche du « cours noyau » qui permet de tisser les savoirs dans le temps et de s’adapter davantage aux besoins des élèves. A Paris, Nicolas Fontenit, professeur d’histoire-géographie, cherche à apprendre à ses 4èmes à « travailler en groupe en autonomie et sans bruit », par exemple à travers un parcours cartographique à l’aide de Google Earth. « Mon cahier de Révisions actives pour le DNB » : tel est le projet présenté par Charlotte Mongkhonhsinh, professeure de physique-chimie au collège Josette et Maurice Audin à Vitry sur Seine, qui y intègre des leçons à manipuler et des fiches de mémorisation active. Au collège les Fontainettes à Saint-Aubin-en-Bray, les enseignants de sciences-physiques Stéphane Lamblot et Michel Hubert développent et utilisent « Phybox », une application qui simplifie l’usage des tablettes, centralise les activités proposées aux élèves depuis l’ordinateur de l’enseignant, facilite l’échange de documents dans les deux sens, propose des outils pédagogiques.
Parfois, c’est même l’organisation du collège qui se métamorphose. A Anse, au collège Asa Paulini, se déploie ainsi le projet collectif « O-xygène » que présentent Elodie Kaminski, professeure de sciences-physiques, et Clémence Ferret, professeure d’histoire-géographie, autour de plusieurs enjeux : modifier la grille horaire pour mettre en place des ateliers et des temps de concertation, impliquer davantage les élèves et leurs parents dans le suivi et la réussite de la scolarité, aménager de nouveaux espaces pédagogiques.
Créativité pédagogique au lycée
Au lycée aussi, le travail collectif vient redonner de la vigueur aux enseignements, repenser la forme scolaire et faire vivre des enjeux citoyens. Au lycée polyvalent Maximilien Perret d’Alfortville, racontent Françoise Cahen, Julie Meynier et Marianne Zerah, les enseignant·es expérimentent à partir de l’installation de 4 nouvelles salles « flexibles », coopèrent pour revitaliser leurs pratiques, développent des pédagogies actives et des projets interdisciplinaires : « un travail d’équipe stimulant, qui est une manière empirique de développer une culture professionnelle commune ». Enseignant d’histoire-géographie, Mickaël Bertrand, présente le projet pluridisciplinaire mis en œuvre en 2nde au lycée international Charles de Gaulle à Dijon : un enseignement exploratoire autour des Intelligences Artificielles Génératives, une démarche progressive et engageante pour développer une culture de l’IA et renforcer l’esprit critique des élèves « afin qu’ils puissent interagir intelligemment avec ces technologies plutôt que de les subir passivement. »
Des projets créatifs viennent favoriser l’engagement citoyen des élèves. Au lycée Raphaël Elizé à Sablé-sur-Sarthe, Alice L’Arvor, professeure de lettres, œuvre avec les professeures-documentalistes Larissa Allard et Valérie Caniard à la déconstruction des stéréotypes de genre dans la littérature jeunesse : le travail d’analyse débouche sur la création par les élèves d’un journal, l’approche vivante et engageante de la littérature permet ainsi de développer des compétences en EMI et en EMC. A Offranville, au lycée des métiers Jean Rostand, Marie Quesnel, infirmière, et Nathalie Dragee, professeure-documentaliste, organisent le forum sur l’éducation à la sexualité « Sex’prime toi ». Résultats : diminution du nombre de passages à l’infirmerie pour la contraception d’urgence, augmentation du nombre de demandes de préservatifs, diminution du nombre de grossesses, libération de la parole. Pauline Blanchet, professeure d’allemand au lycée Maurice Utrillo à Stains, a collaboré avec Claire Latxague, autrice et réalisatrice, pour produire le documentaire en 6 épisodes « Mémoires de Buchenwald » : on y entend les élèves partir sur les traces des descendants de survivants des camps et « documenter, à hauteur d’adolescent, leur propre cheminement, la découverte d’une histoire qu’ils pensaient très éloignée de la leur et qui va pourtant se révéler si proche. »
Au lycée aussi, l’inventivité se déploie dans les enseignements disciplinaires. A Tours, au lycée Jacques de Vaucanson, Claire Tastet, professeure de lettres, déploie des activités d’appropriation d’un roman québécois, Kukum de Michel Jean, « en dehors de la lecture analytique traditionnelle » : livre augmenté, musée virtuel, abécédaire, rencontre avec l’auteur. A Poitiers, au lycée Aliénor d’Aquitaine, Jordi Colomer, professeur d’histoire-géographie, cherche à intégrer les « technologies immersives » dans la classe pour aborder certaines notions d’une autre manière, explorer des situations ou des lieux impossibles à visualiser en temps normal : « Je produis la plupart des ressources et certaines sont même produites par les élèves. Mon objectif est de montrer que l’on peut intégrer cette technologie avec des moyens limités, en situation de classe réelle pour en faire profiter le maximum d’élèves. » Au lycée Blaise Pascal à Orsay, Ludovic Chouleur, enseignant d’histoire-géographie, tente de « traiter différemment la question de la résistance en France pendant la seconde guerre mondiale au travers d’un jeu de cartes/de rôle. » Au lycée Claude de France à Romorantin, Valérie Rambaud amène ses 2ndes à utiliser une IA pour raconter une histoire en utilisant le vocabulaire et les notions de SVT sur l’organisation du vivant et le fonctionnement des cellules : les élèves comprennent combien « l’IA a besoin de leur intelligence pour répondre à une demande complexe ».
Au lycée professionnel aussi s’épanouit la créativité enseignante. Saîda Temam, professeure de lettres-histoire, présente un travail d’équipe réalisé au lycée Nicolas-Joseph Cugnot à Neuilly-sur-Marne : les élèves ont eu pour mission de définir toute la procédure pour réaliser une fresque et une sculpture en acier autour de 3 acteurs emblématiques de la résistance à l’esclavage (Solomon Northup, Victor Schoelcher, Toussaint Louverture) ; le projet valorise « des élèves du professionnel qui démontrent qu’ils peuvent mettre au service d’un projet culturel, leur compétences techniques mais aussi théoriques. » A Saint-Martin-d’Hères, Mustapha Nour, PLP génie électrique au lycée Pablo Neruda, mène en collaboration le projet eTwinning « Save Electrical Energy Together (S2ET) » qui implique 3 établissements en France et en Roumanie : il s’agit de sensibiliser les futur·es électricien·nes à l’importance des économies d’énergie et de les former aux technologies EcoPower. Au lycée professionnel Jean Caillaud à Ruelle-sur-Touvre, Bruno Boixiere, PLP de Génie électrique, veut enseigner les notions de l’électricité de façon ludique : les élèves ont adapté à leur futur métier des jeux de plateau comme le Jeu de l’oie, le Monopoly ou le Trivial Pursuit.
Créativité pédagogique partout
Plusieurs projets du Forum abattent bien des murs que le système éducatif tend à bâtir et élargissent le territoire de la créativité.
Jérôme Bouchain est référent Education nationale du quartier mineur du centre pénitentiaire de Liancourt : pour travailler l’apprentissage de la Shoah avec de jeunes détenus dont certains sont dans un processus de radicalisation, le projet articule recherche historique sur l’histoire de la famille Malmed et réalisation d’une « valise pédagogique » à destination de CM2. Enseignante à l’école Decour à Nanterre, Virginie Costa présente le projet collectif « Haïkudo » qui touche près de 800 élèves : un partage, via le réseau Mastodon, d’écrits poétiques sous forme de haïkus qui sont produits à partir de supports variés (tableau, photo, son, odeur ou toucher). A l’école de La Ferté-sous-Jouarre, Nicolas Ponchon participe au projet collectif de radio des Twittclasses que porte « SCollectif » et auquel 43 classes se sont déjà inscrites : dans le cadre de l’Éducation aux Médias et à l’Information, il s’agit de faire découvrir aux élèves les modes d’écriture et les techniques de production d’une émission de radio, de développer des compétences orales, de favoriser la communication entre les classes à travers le réseau social libre et sécurisé Mastodon. Guillaume Garçon, enseignant de Français Langue Etrangère, présente le projet JADE « Jouons A Distance Ensemble », une expérimentation qui a débuté pendant le confinement en 2020 et veut continuer à accroître la « motivation des apprenants à suivre des cours à distance ».
Ce qu’illustre enfin le Forum 2025, en partenariat avec la Mission Laïque Française (MLF), c’est combien l’innovation est sans frontières. Au Liban, à Tripoli, Rima Mobayed, professeure de Lettres au lycée franco-libanais Alphonse de Lamartine se confronte pédagogiquement au déferlement des intelligences artificielles : « J’ai cherché à explorer de quelle manière l’intégration des outils de l’IA pouvait contribuer à développer les compétences métacognitives des élèves et, surtout, à les former à un usage éclairé de l’IA. Mon projet a pour ambition de faire face, voire résister, à la montée d’une pseudo-utopie qui salue l’émergence des IA génératives comme une occasion de déléguer les tâches d’écriture à des robots de plus en plus performants avec, pour arme, des gestes didactiques réfléchis et adaptés aux défis du XXIe siècle. » En Egypte, au Lycée Français d’Alexandrie, Jean-Michel Schaetzel, professeur d’histoire-géographie mène le projet interdisciplinaire « Les bobines alexandrines » : ses lycéen.nes constituent un jury au festival annuel de cinéma d’Alexandrie pour un intense travail d’analyse, de débat, d’animation, de communication. En Côte d’Ivoire, au Lycée international Jean Mermoz d’Abidjan, Akanni Samson, professeur de technologie conduit un projet de programmation et d’initiation aux métiers de l’aéronautique : les élèves apprennent le fonctionnement et le pilotage d’un aéronef sans pilote, le drone Tello, jusqu’à prendre photos et vidéos lors des « Foulées de Mermoz », projet phare de l’établissement. Au Maroc, au Lycée Français International de Casablanca, Mohamed Amine Mouhout déploie la « Tech Académy » qui veut intégrer la robotique et la programmation dans l’enseignement du primaire autour d’ateliers progressifs adaptés à chaque cycle : « Son objectif est de développer les compétences numériques des élèves tout en favorisant la pensée critique, la créativité et la collaboration. » A Madrid, au Lycée français Molière, Aurélie Delaporte et Pauline Riou, professeures des écoles, déploient du primaire au secondaire « un programme d’Education émotionnelle » : « Notre objectif est d’aider chaque enfant puis adolescent durant son parcours scolaire à développer des compétences psychosociales afin d’être en harmonie avec lui-même pour ensuite développer des relations apaisées avec les autres. C’est une des actions préventives de notre lycée contre le harcèlement et tout type de discrimination ».
Comment clore ce tour d’horizon ? Jean-François Malavielle, professeur de SVT au collège-lycée Montaigne à Paris, et Hassan Miguil, enseignant de philosophie au lycée d’Etat de Djibouti, se sont rencontrés au Forum du Café pédagogique 2023 à Poitiers : de leurs échanges a germé le projet « Jeux Coopératifs 2030 » qui amène plus de 7000 élèves de 9 pays différents à présenter les richesses biologiques de leurs territoires respectifs, leurs enjeux et les solutions portées localement. « La dernière édition du Café Pédagogique nous a permis de nous rencontrer. L’édition 2025 sera l’occasion de valider l’intelligence collective que vous permettez. »
Puisse le Forum 2025 du Café pédagogique donner naissance à de nouveaux projets ! Que la fête de la créativité commence !
Jean-Michel Le Baut
Les précédents Forums du Café pédagogique
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