Des Fables de La Fontaine à La Belle et la Bête de Beaumont
D’abord expérimenté dans quelques académies, le dispositif « Un livre pour les vacances » a été élargi à l’ensemble de celles-ci en 2018, et a permis d’offrir jusqu’en 2022 à chaque enfant une sélection des Fables de La Fontaine. En 2023, celles-ci sont remplacées par L’Odyssée d’Homère, adaptée par Murielle Szac et illustrée par Catel, et en 2024 par L’Homme qui plantait des arbres de Giono illustré par Pierre-Emmanuel Lyet.
Pour l’année 2025 le choix s’était porté sur La Belle et la Bête, célèbre conte, dans la version de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont publiée en 1756, illustré par Jul. Un choix exigeant (le texte n’est pas si simple) mais mettant à l’honneur une autrice de conte, genre dans lequel les femmes se sont souvent distinguées, et en promettait une relecture pleine de saveur par les illustrations du célèbre dessinateur notamment de Silex and the city.
Lecture moderne ou lecture inappropriée ?
La grande richesse d’un conte, dont l’origine se perd bien souvent dans la nuit des temps, tient à ce que, par essence même, son sens n’est jamais clos sur lui-même, ni sur une seule lecture. Chaque époque y puise de nouveaux éléments, une grille de compréhension nouvelle, chaque époque s’en empare pour en faire résonner l’actualité, la modernité.
Travail auquel s’est manifestement attelé Jul ; un peu trop semble-t-il du point de vue du Ministère de l’Education nationale qui vient de renoncer in extremis à la publication de l’ouvrage, expliquant que « les illustrations proposées abordaient des thématiques qui ne conviennent pas à des élèves de cet âge, telles que l’alcool, les réseaux sociaux ou encore des réalités sociales complexes (trafic de contrefaçons, contrôles policiers), qui auraient pu susciter des questions chez les élèves sans nécessairement trouver de réponse adaptée faute d’accompagnement pédagogique pendant les vacances d’été ».
Censure ou principe de précaution ?
Alors, « décision politique » comme s’en inquiète Jul, qui s’étonne de ce revirement tardif du Ministère et s’interroge sur les véritables raisons de cette mise à l’index ? Ou simple mesure de précaution d’une Ministre qui craint que le « degré d’ironie utilisé, difficilement compréhensible pour des élèves âgés de 10 à 11 ans » ne permette pas « à l’ouvrage d’être lu de manière autonome » ?
En juin 2024, au moment du lancement de l’opération « Un livre pour les vacances », un article publié sur le site Eduscol précisait qu’à « la remise du livre un temps de présentation de l’ouvrage est organisé pour susciter l’intérêt de chaque écolier et l’envie de lire ». Il invitait « en amont de la réception de l’ouvrage » les professeur·es « à faire découvrir à leurs élèves » le livre choisi « en prenant appui sur des ressources proposées », ressources également utilisables « dans le cadre de la liaison CM2/6è et en début d’année de 6ème ».
Une incitation identique, invitant explicitement les enseignant.es à un travail d’« accompagnement pédagogique » avant le départ en vacances n’aurait-elle pas réglé le problème et évité la « polémique » actuelle ? Expliquer un second niveau, les profs savent faire. A moins qu’il ne s’agisse pas seulement d’un problème de compréhension et de décryptage de « degré d’ironie » ?…
En attendant les élèves de CM2 passeront finalement leurs vacances en compagnie d’Ulysse…
Claire Berest
Opération « Un livre pour les vacances » édition 2024 sur le site Eduscol
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