Entre 2005 et 2025, le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés dans un établissement scolaire a quadruplé : il est passé de 100 000 en 2006 à plus de 400 000 en 2022. La loi de 2005 stipule que « tout enfant ou adolescent en situation de handicap doit être inscrit dans l’école ou l’établissement le plus proche de son domicile, lequel constitue son établissement de référence » avec un dispositif d’accompagnement si nécessaire, pour lui permettre de suivre sa scolarité dans les meilleures conditions. Les AESH sont devenus le deuxième métier de l’Éducation nationale, avec 78 816 agents (en équivalents temps plein) en 2023, en hausse de 90 % depuis 2013. Les défis et difficultés comme les souffrances restent nombreuses dans l’école. Un état des lieux.
« Dans beaucoup d’écoles, c’est une situation de maltraitance »
« Cet anniversaire aurait pu être l’occasion de célébrer une avancée majeure pour notre système éducatif mais la réalité est toute autre : faute de moyens, l’inclusion reste un vœu pieux bien loin des ambitions affichées. Elle est synonyme de souffrance pour les élèves et de difficultés pour les personnels » regrette Guislaine David, la secrétaire générale du Snuipp-FSU. Pour elle, comme pour de nombreux professeur.es, « dans beaucoup d’écoles, c’est une situation de maltraitance qui s’est installée. À rebours de ce qui se fait, il est nécessaire de donner à l’école inclusive les moyens de fonctionner, il faut : plus de personnels Aesh, des effectifs allégés, des personnels spécialisés et des places en établissements spécialisés ».
Les témoignages de professeur.es qui craquent sont nombreux, comme celui de l’équipe d’une école dans l’Essonne que le Café pédagogique a publié « je suis une enseignante fatiguée et en colère ».
Plus d’enfants en situation de handicap à l’école
Entre 2005 et 2025, le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisé dans un établissement scolaire a quadruplé : il est passé de 100 000 en 2006 à plus de 400 000 en 2022. A la rentrée 2025, la ministre démissionnaire Nicole Belloubet lors de sa conférence de presse du 27 août a évoqué les 24 000 enfants accueillis dans des établissements scolaires faute de places en IME (institut médico-éducatif). En 2023, une étude menée par l’Unapei montre que, sur un échantillon de plus de 2 000 enfants accompagnés, 23 % n’avaient aucune heure de scolarisation, que 28 % bénéficiaient de moins de 6 heures hebdomadaires, 27 % avaient accès à une scolarisation de plus de 12 heures par semaine. L’accessibilité de l’environnement (de la pédagogie, du matériel, du bâti, etc.) et les accompagnements humains garantissent des droits à la scolarisation pour l’Unapei qui demande une augmentation du nombre d’enseignants et de professionnels formés, l’accès de tous les élèves aux activités périscolaires, à une pédagogie adaptée et à des informations accessibles. Elle souhaite aussi un renforcement de la coopération entre les professionnels du médico-social, les établissements scolaires, les services paramédicaux et les collectivités.
Des moyens insuffisants
Claire Hédon, la Défenseure des droits dénonçait déjà en 2022 un « nombre grandissant » d’enfants handicapés avec des besoins « très largement non ou mal couverts ». L’autorité indépendante pointait notamment des AESH pas suffisamment formés, insuffisamment payés, parfois peu intégrés aux équipes pédagogiques et avec des missions insuffisamment définies.
Dans un rapport de septembre 2024, la Cour des comptes dénonçait le manque de places dans les Maisons départementales des personnes handicapées qui conduit les familles à scolariser des enfants dans des écoles, collèges ou lycées « face auxquels les intervenants éducatifs se sentent souvent démunis pour diversifier leur action pédagogique en raison de nombreux facteurs : des effectifs d’élèves par classe qu’ils jugent trop nombreux et qui limitent les possibilités d’individualiser leurs enseignements, l’absence de supports pédagogiques adaptés et les délais généralement trop longs pour disposer des équipements nécessaires ».
Interroger le système éducatif et le modèle d’accompagnement des élèves
Dans son rapport d’information, le sénateur de Savoie Cédric Vial pointe un problème d’organisation de l’école inclusive : « Le recours à l’AESH est devenu la seule alternative au problème du handicap. Or, il existe d’autres solutions : en matière d’adaptation pédagogique, d’accessibilité des apprentissages, où l’aide humaine vient en complément ». Pour lui, « la massification de l’accompagnement humain […] a atteint ses limites, et nuit désormais à une politique qualitative et efficiente d’inclusion scolaire ». Il a un avis réservé quant à l’annonce des « PAS », qui vont être généralisés mais déjà expérimentés dans quatre départements : « on crée une nouvelle structure alors que c’est toute la chaîne qu’il faut revoir » regrette-il. Il rappelle que les « Pôles inclusifs d’accompagnement localisés » (PIAL) existent depuis 2019 et qu’ils « ont vite été débordés et ont dû gérer la pénurie ».
Les AESH sont devenus le deuxième métier de l’Éducation nationale, avec 78 816 agents (en équivalents temps plein) en 2023, en hausse de 90 % depuis 2013. La Cour des comptes a questionné le recours massif d’AESH tout comme l’insuffisance de la formation : « Les enseignants et les accompagnants d’élèves en situation de handicap estiment ne pas être suffisamment outillés et préparés, que ce soit en termes de formation initiale ou continue, pour faire face à des situations qui, selon eux, dépassent parfois leurs compétences et leurs moyens. » Elle souligne également l’absence de données et d’études sur les effets de la scolarisation pour les élèves, en termes de réussite scolaire ou éducative. « Il en résulte qu’il n’est guère possible de se prononcer sur les performances du modèle français d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, et encore moins de comparer celui-ci avec d’autres pays ».
Rendez-vous dans vingt ans…
Djéhanne Gani