Enseignement subi, pas de travaux-pratiques, turn-over des équipes enseignantes : rien ne va pour l’enseignement scientifique en France qui concerne pourtant 771 959 élèves. Les nouveaux programmes de 2023 ne changent rien à l’affaire. Le nombre d’heures allouées reste trop faible. Les effectifs sont rarement inférieurs à 24 pour mettre correctement en œuvre une démarche expérimentale.
« Mettre en œuvre la semestrialisation des enseignements »
Le rapport de l’inspection générale sur les enseignements pluridisciplinaires au lycée ne fait pas dans la demi-mesure concernant l’enseignement scientifique. Cette nouvelle discipline mise en place à la suite de la réforme du lycée ne plait finalement ni aux élèves, ni aux enseignants et ni à l’inspection générale. « La mission a rencontré des équipes pédagogiques ayant instauré un « roulement » par année et par niveau, notamment en ce qui concerne l’enseignement scientifique », peut-on lire dans le rapport. C’est dire si l’enseignement scientifique attire les foules !
Ce rapport de décembre 2024 fait même des recommandations particulières pour cette discipline qui convoque essentiellement les enseignants de physique-chimie et de SVT. Il est question de « réorganiser les contenus des programmes » mais aussi « d’introduire de la souplesse dans le choix des thèmes ou des objets d’étude abordés en classe » et surtout « mettre en œuvre la semestrialisation des enseignements de façon à atteindre, pour les élèves et les professeurs, une masse critique d’enseignement hebdomadaire ».
Il faut entendre par réduit un nombre de 24 élèves maximum par groupe.
Ces recommandations et observations ne sont pas nouvelles. Déjà en 2023, plusieurs rapports indiquaient les carences de cet enseignement. Il faut dire que le faible taux horaires (deux heures par semaine pour les élèves mais seulement une par enseignant) permet de survoler les chapitres souvent denses, engage peu les lycéens et complique la mise en place d’expérimentation. Avant la dernière réforme du lycée, l’enseignement des sciences proposé aux séries ES et L apportait une certaine satisfaction qualitative, tant sur le programme que sur les possibilités d’expérimentation. A l’époque, la dissection de l’œil de bœuf, l’étude du sol ou encore la comparaison du contenu des eaux minérales étaient sources de questionnements et de temps de réflexion des lycéens.
D’ailleurs, le rapport note que le programme d’enseignement scientifique lui-même précise dans son préambule que : « Si des études documentaires, des expériences de pensée ou la résolution d’exercices permettent la mise en œuvre d’une démarche scientifique, la pratique expérimentale des élèves est essentielle. En particulier, il est bienvenu, chaque fois que possible, de créer les conditions permettant un travail de laboratoire fondé sur diverses formes de manipulations et d’observations. » Les inspecteurs complètent que « la pratique expérimentale nécessite des locaux appropriés et est beaucoup plus facile dans des groupes d’effectifs réduits ». Il faut entendre par réduit un nombre de 24 élèves maximum par groupe.
« Plus de la moitié des établissements ne proposent jamais d’enseignement scientifique en effectifs réduits (53 % en classe de première et 59 % en classe de terminale). Ils ne sont qu’environ 17 % à proposer l’intégralité des cours en effectifs réduits ». Il n’y a pas d’heures fléchées pour la discipline qui est dans le tronc commun et pèse peu face aux spécialités. Lors de la répartition, les heures de marge des classes vont rarement à cette discipline devenue le parent pauvre des sciences.
« Les élèves ont alors du mal à percevoir l’intérêt de l’enseignement scientifique »
Le rapport indique que les enseignants de sciences abordent l’enseignement scientifique avec des méthodes qui lui sont familières. « Les élèves ont alors du mal à percevoir l’intérêt de l’enseignement scientifique ». Beaucoup de lycéens profitent aussi de ce moment pour retrouver les membres de leur classe disloquée une partie de la semaine. Ce cours devient alors magistral en classe entière.
« L’idéal transdisciplinaire » cité dans le rapport n’est pas perceptible dans les 149 établissements sondés. « Il est rare qu’une dynamique collective existe dans la mise en œuvre de l’enseignement scientifique. De façon révélatrice, le sondage montre que, dans près de trois établissements sur quatre, les professeurs de SVT et de physique-chimie intervenant en enseignement scientifique n’organisent jamais de devoirs communs. Lorsque ces devoirs existent, rarement fondés sur une problématique commune et des notions transversales, on observe que dans trois quarts des cas chaque copie est corrigée séparément par chaque enseignant qui ne s’occupe que des questions relevant de sa discipline. Les situations où chaque enseignant prend en charge la totalité de la copie ne représentent qu’1 % des réponses. L’ambition interdisciplinaire de l’enseignement scientifique est donc encore loin d’être atteinte ».
Enfin, l’IGESR encourage la mise en place de cointervention et de temps de concertation formalisés pour la préparation des séances. « Plus les recommandations sont précises quant à la nature de la pluridisciplinarité et aux disciplines convoquées, plus les pratiques d’enseignement sont homogènes entre établissements et entre équipes ».
Julien Cabioch