Avec la nomination d’Elisabeth Borne, 6e ministre de l’Éducation nationale en deux ans, les choses pourraient-elles changer ? Probablement pas. Pire que la colère, c’est presque l’indifférence qui gagne ces nominations tant tout espoir de changement n’est pas attendu ni rendu possible par le président Macron. Quant à la politique éducative, après 6 ministres en 7 ans, et le maintien de cap contre vents et marée, le pilotage élyséen ne laisse que peu de doute sur ce qu’il a fait de son « domaine réservé ». Mais l’éducation n’est-elle pas l’affaire de toutes et tous, de toute une société ?
Le temps est aux urgences et à la mise en place de mesures qui pourraient être immédiates. La baisse des effectifs dans les classes et l’augmentation des salaires auraient des effets immédiats d’améliorations des conditions de travail des personnels et d’apprentissage des élèves. Mais le temps est aussi à la transformation du modèle scolaire, pour une école plus épanouissante où chacun.e trouve sa place. Et ce ne peut être l’école du séparatisme social ou scolaire, celle du choc des savoirs et groupes de niveau ou celle de lycéen.nes de seconde zone. Et si 2025 était l’année d’un sursaut citoyen massif pour faire entendre une autre voix, celle d’une école plus solidaire, fraternelle et égalitaire. Peut-être une voix majoritaire dans une démocratie qui ne veut pas sombrer dans les ténèbres.
L’année 2025 pourrait-elle être l’année de l’école publique ?
En 2024, les écoles privées ont été à la Une : affaire « Stanislas », polémique « Oudéa-Castéra ». 40 ans après le projet du ministre Savary d’un service public laïc et unifié de l’Éducation nationale, l’éphémère ministre aura réussi l’exploit de remettre sous les feux des projecteurs la question des écoles privées en France.
Les rapports de la Cour des comptes, des parlementaires, les données de la recherche comme du ministère sont incontestables et unanimes. Elles montrent que les écoles privées sous contrat -subventionnées à ¾ d’argent public – sont doublement favorisées : elles accueillent ou plutôt sélectionnent majoritairement un public privilégié, sans contreparties en termes de mixité sociale ou scolaire, ni réel contrôle financier ou pédagogique. Les données soulignent que les écarts se creusent depuis 20 ans comme la tendance à la ségrégation sociale.
Le séparatisme social fabrique du ressentiment et le sentiment d’humiliation représente un véritable poison pour la démocratie. Les dernières élections confirment ce qu’un rapport du Cnesco prédisait en 1995, il y a 20 ans, alertant sur les effets de l’absence de mixité à l’école qu’il qualifiait de « bombe à retardement ». Nous y sommes. Et si nous faisions collectivement de 2025 l’année du sursaut pour l’école publique et pour la démocratie ?
Un vœu : L’école publique comme priorité en 2025
La question budgétaire a mené au vote de censure du Parlement et à la formation d’un nouveau gouvernement. Au Royaume-Uni, le gouvernement travailliste a décidé de mettre fin à l’exonération de taxe au bénéfice des écoles publiques à partir du 1er janvier 2025. Donner la priorité aux services publics est bel et bien une question de choix politique. En France, on assiste à la privatisation croissante de l’éducation, ce qui se passe dans le supérieur est une alerte majeure, l’affaiblissement de l’université au profit des écoles privées. En 2019, la loi Blanquer n’a fait que favoriser les écoles maternelles privées sous contrat puisqu’elle a permis une prise en charge financière de l’État. En 2024, un ministre de la Fonction publique tenait des discours contre les fonctionnaires en proposant d’étendre à trois jours le jour de carence, en s’alignant sur le privé tout en ignorant la prise en charge par l’entreprise dans la majorité des cas.
Djéhanne Gani