« Il y a un ras-le-bol de la manière dont nous sommes traité.es, du mépris auquel nous devons faire face. Le métier s’est durci, la pression hiérarchique est plus forte, la relation avec les parents est plus complexe qu’auparavant, nous aurions besoin d’être soutenu.es » (Sylvie, professeure des Écoles à Marseille). La période ouverte par la chute du gouvernement Barnier n’a pas empêché le succès de la grève de la fonction publique, à l’appel de la majorité des organisations syndicales, bien au contraire. Elle peut être vécue comme une possibilité de créer un nouveau rapport de forces pour imposer une autre politique gouvernementale. Cette journée a marqué fortement les esprits dans la région marseillaise comme ailleurs dans tout le pays.
Les agents de l’éducation nationale étaient fortement représentés dans les manifestations
À Marseille c’est un cortège de 20 000 personnes (dont la moitié était formée par les personnels de l’Éducation Nationale) qui a défilé dans les rues de la ville jusqu’à la préfecture. C’est la plus forte mobilisation syndicale depuis l’action contre la réforme des retraites en 2023.
La tendance est la même dans les autres villes de l’académie (1500 à Avignon dont 700 personnels de l’Éducation, 800 manifestants à Digne dont 400 enseignants qui ont animé les rues de la préfecture des Alpes de Haute-Provence…).
Le refus du « plan de lutte contre l’absentéisme des fonctionnaires » qui compte imposer un délai de carence de trois jours en cas d’arrêt maladie était dans toutes les bouches, un sujet abordé dans toutes les assemblées générales ou heures d’information syndicale dans les établissements. Les inquiétudes sur la fonction publique (gel du point d’indice, suppression de postes…) se mêlaient aux préoccupations catégorielles : quel sens donner au métier d’enseignant ? Quel avenir pour l’école publique, pour le collège ou le lycée.
Micro-trottoir sur la Canebière : Khelifi Amine PLP au Lycée Professionnel Colbert :
« L’état d’esprit général de cette grève est un retour à l’envoyeur pour le (futur?) gouvernement concernant les mesures (récentes et passées) portées à notre encontre comme le gel du point d’indice et le bas niveau de nos salaires. En lieu et place d’une augmentation de nos traitements on nous propose des miettes, quelques missions par ci, par là pour bien nous faire comprendre que nous ne travaillerions pas assez et que nous ne mériterions pas notre salaire. Dans mon lycée aujourd’hui il y a 80 % de grévistes ce qui est rare et illustre bien le ras-le-bol ambiant dans la salle des profs. »
Dion Laurent PLP à la Section d’Enseignement Professionnel du lycée Artaud
« Il ressort une perte de repères pour nos métiers, les mesures libérales qui sont mené depuis Fillon vont à l’encontre de nos missions qui consistent à faire progresser nos élèves. Sur le terrain nous voyons bien que seules les attentes du patronat sont prises en compte au détriment des besoins de la société dans son ensemble. Les élèves n’ont plus la formation qui leur permettait de maîtriser leurs apprentissages et de s’émanciper par eux-mêmes. J’observe que toutes ces mesures néo-libérales agissent comme une œuvre de destruction plutôt que de construction de nos formations. Nous sommes entrés en résistance face à cela. »
Sylvie de l’école République-Moisson
« Nous sommes une très grosse école (23 classes), la moitié des collègues est en grève, nombre de non-grévistes sont d’accord avec nous, mais le niveau de nos salaires ne leur permet pas de participer à ce mouvement. Il y a un ras-le-bol de la manière dont nous sommes traité.es, du mépris auquel nous devons faire face. Le métier s’est durcit, la pression hiérarchique est plus forte, la relation avec les parents est plus complexe qu’auparavant, nous aurions besoin d’être soutenu.es.
Quand un.e PE tombe malade c’est dans la majorité des cas, de par l’exercice de ses fonctions. Nous avons parfois à faire à des élèves malades en classe et ces arrêts-maladie sont induits par l’exercice de notre métier. Trois jours de carence cela fait beaucoup, 300 euros de perte sur notre salaire mensuel, c’est difficile à avaler. Dans la plupart des cas dans le privé, c’est l’employeur qui prend en charge ce manque à gagner, et ce n’est pas vrai pour nous. »
Clara Hommage professeure d’anglais au lycée Artaud
« Ma principale motivation d’être ici c’est un ras-le-bol du traitement qui est fait à la fonction publique et aux professeurs, du manque de moyens mis à notre disposition aggravé par la suppression des postes. Le rajout des « jours de carence » illustre le mépris qui existe par rapport aux profs qui sont taxés de profiteurs, d’absentéistes sans que le fond du problème ne soit traité. Ma présence témoigne aussi de cette volonté d’agir en commun avec tous les fonctionnaires. »
Sébastien Fournier co-secrétaire départemental de la FSU-SNUIPP 13, école de la Busserine
« Sur le département c’est un tiers des écoles qui sont fermées, avec 70 % des grévistes dans le premier degré. La question qui revient tout le temps ce sont les jours de carence ce qui correspond à une attaque frontale contre les rémunérations. Il y a aussi les suppressions de postes et la sensation d’avoir un gouvernement qui ne défend pas les services publics, qui nous empêche de bien faire notre métier. »
Marion Chopinet co-secrétaire académique du SNES-FSU, professeure de Théâtre et d’Histoire-Géographie.
« Nous avons une très forte mobilisation aujourd’hui qui illustre la très forte colère dans les salles des profs et chez les personnels en général concernant le budget, le dénigrement de la fonction publique. La profession attendait cette journée, renforcée par les annonces récentes du Ministre de la Fonction publique. Comme partout ailleurs les trois jours de carence ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il y a un épuisement général de l’ensemble des personnels, c’est une évidence. »
Alain Barlatier
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