A la veille des vacances de la Toussaint, entre 200 et 300 élèves n’avaient pas fait la rentrée dans l’Essonne selon la FCPE. L’absence de places nécessaires à la scolarisation des élèves mène à leur non-affectation, à une orientation contrainte, ou encore à leur inscription dans un lycée privé. Depuis plusieurs rentrées, des lycéens ne sont pas affectés en Essonne . Ils étaient 3402 élèves non affectés le jour de la proclamation des résultats d’Affelnet fin juin 2024 et près de 700 élèves sans lycée deux semaines après la rentrée. Alors que le budget sous le signe de la rigueur est au cœur des débats parlementaires, n’est-il pas nécessaire d’interroger les besoins réels et les conséquences de la pénurie, notamment quand le service public doit recourir aux services… du privé !
L’Essonne, un cas d’école ?
Depuis 2016, il y a eu 5950 élèves supplémentaires dans les lycées publics pour 2800 places créées. Alors que l’État et les collectivités, donc la Région Ile-de-France subventionnent de nombreux établissements privés sous contrat, l’investissement pour les lycées publics n’est pas à la hauteur des besoins ce qui favorise le marché, déjà florissant du privé -subventionné par l’argent public-. Ce cas concret de l’Essonne montre que des créations de postes sont nécessaires, à l’heure on l’on parle de suppressions de postes. Plus de postes mais aussi de nouveaux établissements sont nécessaires pour répondre non seulement aux besoins, mais un pilotage à long terme est nécessaire pour penser les filières, le bâti scolaire, la pression démographique afin d’accueillir tous les élèves. Comme le Val d’Oise, l’Essonne connait une hausse démographique. L’École publique ne peut plus assurer sa mission de service public. Face au choix budgétaire, le non-investissement et l’absence de vision à long terme, aujourd’hui, en Essonne l’école publique ne fait pas face aux besoins des élèves et de leurs familles.
Dès lors, c’est le recours à la sélection et à des solutions court-termistes pour les académies comme les familles : surbooking, redoublement, recours au privé, à l’apprentissage… Le SNES-FSU 91dénonce la situation « des élèves non-affectés placés dans le privé aux frais de l’Education Nationale ! » Pour eux, « le service public utilise maintenant le privé pour combler ses défaillances », en témoigne le cas d’« élèves non-affecté.es du collège Louise Michel à Corbeil Essonnes (qui) se sont vus proposer une place en MRC (Métiers de la Relation Client) dans le lycée privé Saint Léon ». La CGT 91 déclare que « tout élève qui fait le choix de l’Ecole publique doit avoir une place dans un lycée public ». Elle dénonce le bricolage et le « surbooking » du rectorat qui propose des redoublements à des élèves ayant eu des avis favorables au passage en 2nde ou sature des classes à 32 élèves par classe en 2nde bac Pro tertiaire ou à 36 en 1ère STMG. Pour elle, « la région n’assume pas ses responsabilités de financement des lycées publics ».
Un manque de places dans les lycées pour les élèves de 2nde et les redoublants
Depuis plusieurs rentrées, des milliers et des centaines d’élèves essonniens et leurs familles sont confrontés au manque de places dans les lycées de leur académie. Et ils ne sont pas les seuls en France. La FCPE 91 exige « tout simplement que chaque élève ait une place à la rentrée ». En octobre, « plus de 200 élèves qui n’ont pas eu un jour cours depuis la rentrée » dit Samir Alioua, président de la FCPE91, précisant que ce chiffre n’a pas été contesté par le rectorat lors de leur audience. La FCPE décrit une situation de stress et d’angoisse pour ces élèves. « Les familles sont perdues », dit le président de la FCPE départemental, évoquant le témoignage d’une mère de famille qui se « serre la ceinture pour scolariser » leur enfant dans le privé. La FCPE juge cette situation inacceptable.
Le privé pallie les manques de places et les insuffisances
Pour éviter l’attente, certaines familles se tournent vers les établissements privés de l’académie. Une mère de famille témoigne de ce choix pour Le Café pédagogique, expliquant que par « peur de ne rien avoir », elle avait suivi le conseil qui lui avait été donné d’inscrire sa fille dans un lycée privé « qui accepte de la prendre ». Elle conclut « en tant que parents, l’angoisse est que son enfant ne soit pas scolarisé dans de bonnes conditions ou ne soit pas scolarisé du tout ». Et elle raconte « avoir eu de la chance d’avoir été bien conseillée », car sa fille n’a, effectivement pas été affectée au mois de juin… Une autre mère raconte que son fils a eu une place mi-octobre dans un lycée privé, ce n’était pas son choix premier. Elle déplorait de voir son fils trainer à la maison, « il n’y a pas de prix pour mon enfant » dit-elle, « ce n’est pas moi qui décide, sinon il va rester à la maison ». Selon la CGT éduc’action, dans ce cas de figure, « le coût de cette scolarisation dans le privé est entièrement pris en charge par le rectorat ». Le SNES-FSU comme la CCHT éduc’action dénoncent que des élèves du public en attente d’affectation soient inscrits dans le privé.
Où sont les élèves ? « nos enfants sont pris en otage »
Le président de la section locale de la FCPE de l’Essonne, Samir Alioua dénonce « une situation scandaleuse » et regrette l’absence de données chiffrées de la DSDEN. Il reproche aux services rectoraux d’avoir « incité des centaines d’élèves à redoubler » . Il dénonce également « des élèves affectés par dépit » en fonction des places vacantes dans les établissements depuis trois ans. Cette situation va à l’encontre du droit à la scolarisation et elle s’oppose au droit à l’éducation choisie pour Samir Alioua. L’orientation est dès lors réduite à un choix pragmatique sans être un projet construit et défini. Est-ce qu’il peut être durable ? Pour la FCPE, les « enfants sont pris en otage », ils ne choisissent pas la filière ni leur affectation ce qui peut avoir des effets dans l’engagement dans leur scolarité.
Il y a une rupture d’égalité qui interroge un modèle d’école dont tire profit l’école privée sous contrat : qui profite de financement public comme de l’insuffisance de l’offre de l’école publique.
Djéhanne Gani
Droit à l’éducation : des lycéens toujours privés de lycée