Même si la table ronde n’a pas réuni les foules des grands jours au salon Educatech, elle demeure une source d’information et de ressources utilisables en classe. « Les communs numériques figurent pour la première fois dans le document cadre de la DNE », rappelle Alexis Kauffmann, chef de projet logiciels et ressources éducatives libres au ministère. « Il est question d’une offre d’outils souverains, libres, sécurisés et communautaires ». Rien que ça ! Dans les faits, les communs ont du mal à se faire une place dans l’écosystème. L’expert de la DNE affirme avoir le soutien de sa hiérarchie sur les communs numériques. « Le principe : c’est le commun numérique par défaut en ouvrant le code et les contenu ».
Un appel à commun sera d’ailleurs lancé par le ministère pour « soutenir et faire passer à l’échelle des projets de La Forge et faire appel du pied secteur privé. On a beaucoup investi en EdTech, maintenant comment on peut nouer des partenariats avec ces expertises ». Un retour sur investissement est-il possible ? Lors de sa conférence, Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’Éducation nationale, a rappelé le milliard d’euros investi à l’époque dans le numérique éducatif.
Le modèle Wikipédia mis en avant
Emma Ghariani, cheffe du pôle Open Source et communs numériques à la DINUM (direction interministérielle du numérique) se montre incollable sur le sujet. Elle compare la forêt, l’air et l’eau qui sont des communs avec le code ou la donnée qui sont aussi des communs. « Ce code et cette donnée sont ouvertes. La deuxième condition est d’avoir une communauté qui entretient cette ressource ». L’experte prend l’exemple d’enseignants qui créent « des communautés d’intérêts. Enfin, il faut que cette communauté s’organise ». Wikipédia est pris en exemple avec ses règles de fonctionnement qui permettent la régulation. « Wikipédia est un projet cathédral et très symbolique de ce que peuvent être les communs numériques à l’échelle mondiale organisés en chapitres locaux ». La socialisation des communs est mise en avant.
« Dans le milieu économique, le commun est une troisième voie entre les ressources privées et la ressource totalement publique. Les communs numériques sont non rivaux et non exclusifs ». Alexis Kauffmann prolonge avec les exemples de Linux et d’Openstreet map (OpenStreetMap est une carte du monde libre d’utilisation sous licence libre). « On a tendance à se focaliser sur la ressource et le service et avec les communs on s’intéresse tout autant avec la communauté ». Cette dernière est indispensable pour la longévité des ressources.
« De l’argent public pour financer des codes publics »
« Quand il y a du code qui est financé et acheté, on utilise donc les impôts », explique Emma Ghariani. « Il peut être intéressant d’utiliser la notion de public money = public code ». L’experte ajoute que « les logiciels propriétaires avec des codes fermés renforcent les barrières à l’innovation. Il n’est pas possible d’enrichir ces codes de manière collective ». La valeur finale réside alors dans le service fourni.
« La communauté crée de la résilience et permet la souveraineté »
Emma Ghariani souligne le biais du grand public qui consiste à penser que « les données sont ouvertes donc ce n’est pas sécurisée ». Elle compare le libre avec une maison en verre où l’on voit tout à travers. « Il faut se dire qu’il y a une communauté qui est attentive à la vérification. Quand les communautés sont fortes, elles sont en capacité à patcher et à améliorer les ressources ». Encore faut-il avoir une communauté. « Une communauté ne se décrète pas. Les acteurs publics ont tout intérêt à soutenir ces communautés ».
Face aux méthodes des industriels privés, l’experte met en garde contre les augmentations tarifaires impromptues des entreprises privées « parfois à la fin d’un marché ou entre les deux. On a ainsi des difficultés à assurer la continuité de service ». Cet exemple parlera aux enseignants qui doivent souvent naviguer entre les nombreuses plateformes ou supports disparus voire devenus soudainement payants.
Alexis Kauffman concède qu’ « on a parfois offert des services aux enseignants qui étaient sur des marchés publics classiques de 3 ans ou 5 ans. Des enseignants se sont impliqués et après parfois la lumière a pu être fermée de façon brutale pendant l’été. Est-ce que l’on a vraiment capitalisé tout ce que l’on a investi dans le numérique éducatif ? ».
Des outils pérennes pour les profs
Un logiciel libre PrimTux qui tourne sous Linux est aussi présenté. Il s’agit d’un système d’exploitation libre dérivé spécialement adapté aux enfants de 3 à 10 ans. « Vous pouvez le faire tourner sur un tout petit ordinateur, même un Windows 95 ! ». Enfin, Emma Ghariani souligne « la capacité de contribution monumentale des enseignants en France. On pourrait regrouper des exercices d’enseignants au niveau national ».
L’idée est séduisante mais n’est pas neuve. D’aucuns se souviendront des nombreux sites disciplinaires académiques riches en séquences, exercices et projets pédagogiques. Depuis quelques années, la réduction de voilure est de plus en plus visible. Certains portails disciplinaires ne fonctionnent actuellement même plus, au grand désespoir des enseignants.
Julien Cabioch
La forge des communs numériques
Primtux dans Le café pédagogique
https://cafepedagogique.net/2024/11/17/soutenez-nous-a-partir-de-5-euros/
