Depuis les tragédies qui ont mené au suicide des adolescents, la prévention et la lutte contre le phénomène de harcèlement ont fait leur entrée dans les établissements scolaires. Plusieurs dispositifs sont mis en œuvre pour désamorcer, prévenir les situations de violence de l’école maternelle au lycée. La question du phénomène de groupe et de ses dynamiques est souvent placée au cœur des dispositifs qui impliquent toute la communauté éducative.
Des élèves « sentinelles » au collège
Le collège est un moment charnière dans la vie. Si la prévention et la lutte contre le harcèlement débute dès l’entrée à l’école, le temps de l’adolescence est souvent observé avec attention : construction de soi, relation à soi, à la famille, au groupe sont des préoccupations et étapes majeures de l’adolescent. Des collèges ont mis en place des élèves « sentinelles » pour veiller aux situations de violences entre jeunes, et prendre soin de la victime. Les référents sont des adultes de l’établissement. Dans le collège Saint Paul en Isère des Apprentis d’Auteuil, depuis 2020 le « harcèlement est une préoccupation commune » dit Mickael Gay. Depuis, il y a eu des formations chaque année menée par Mickael Gay, documentaliste et éducateur et une collègue professeure de Lettres. Désormais ce sont 30 élèves sentinelles et 16 référents adultes, parmi eux des professeurs, un parent d’élève, un agent d’entretien. L’idée de lancer ce dispositif est venue en faisant le constat que plusieurs élèves arrivaient dans le collège après des cas de harcèlement, « j’ai voulu savoir les accompagner, dans un cadre rassurant, savoir comment accueillir ces élèves au mieux ». L’idée principale de dispositif est « d’intervenir rapidement avant que ça dégénère, de mener un travail sur l’année, pas juste un jour » explique-t-il. Il poursuit : « on doit agir sur la durée avec la volonté qu’on parle tous les jours du harcèlement et pas qu’une journée ». Durant la formation, les élèves et adultes sont sensibilisés aux insultes, sont mis en situation, échangent sur les cas, expriment des émotions. « C’est une formation où on apprend à recevoir aussi les compliments, c’est un processus d’apprendre à prendre soin des autres, à recevoir des
compliments » dit Mickael Gay.
« Les élèves Sentinelles sont les yeux et les oreilles des adultes là où ne sommes pas présents : dans les vestiaires, les toilettes… », explique le coordinateur. « Nous ne leur demandons pas d’intervenir auprès du harceleur, mais uniquement auprès des victimes et témoins, et d’intervenir auprès des adultes référents. » Une fois par mois, les sentinelles se réunissent pour avoir des regards croisés sur la vie dans le collège et il y a une permanence pour les élèves pendant la pause méridienne. « On regarde dans la même direction, avec des élèves et adulte à égalité » conclut Mickael Gay. Léonie est une élève sentinelle depuis qu’elle est en 6ème : « tous les jours je regarde dans les couloirs, et durant la récré, si des gens sont tout seuls ». Les élèves sentinelles s’adressent au témoin, à la victime. Il y a deux volets essentiels pour Mickael Gay, la confiance et la prise de conscience : « on insiste sur les bons comportements et on les valorise. On ne doit pas banaliser les insultes. »
Une approche préventive dès l’école maternelle et primaire
La ligue de l’enseignement intervient dans des écoles maternelles et élementaires. Depuis 3 ans, elle déploie un programme national, diffusé progressivement sur le territoire « vivre ensemble, fri for mobberi ». Ce sont 250 écoles formées, également sur les temps et personnel du périscolaire. Ce programme est une « approche préventive qui s’adresse à toute la communauté éducative, elle porte sur les relations, pour développer l’attention sur les phénomènes de groupe » explique Julien Garbarg Chenon. Il précise, « il n’y a pas d’un côté un élève harceleur et de l’autre une victime, mais ce sont des phénomènes de dysfonctionnement de groupe. On travaille sur les relations au sein du groupe, développer la tolérance, la capacité de dire stop, de signaler, et développer des compétences émotionnelles pour que le groupe constitué fonctionne bien ». Cette approche vient du Danemark où elle est expérimentée depuis 15 ans, dans près de 75% des écoles où elle a été évaluée. Les outils danois ont été adaptés et retravaillés pour le programme de La Ligue de l’enseignement : il y a une formation et des outils pour mettre ce programme en œuvre. La séance s’ouvre avec l’ami ours, présent dans toutes les activités autour des quatres valeurs de respect, de bienveillance, de courage et de tolérance. Julien Garbarg Chenon présente les outils, un ours mascotte, des activités de coopération, des planches de discussion pour faire parler les enfants, des pratiques de massage pour sensibiliser au consentement et « porter attention aux limites de l’autre ». Pour lui, ce n’est « pas une méthode clé en main, tous les adultes s’interrogent sur leur posture et les enfants développent la conscience. Ils sont concernés, ce sont des séances qui apaisent, qui font du bien. »
Djéhanne Gani
Le programme Vivre ensemble Fri for moberri
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