Lorsque Britannicus meurt, en 55 ap. J.-C, assassiné sur ordre de Néron, sa mère Agrippine, comprend que ses jours sont comptés. Cet empoisonnement sonne pour elle comme « un coup de foudre » écrit Racine, dans la seconde préface de Britannicus en 1669, « ce crime lui en faisant craindre un plus grand encore : le sien ». Agrippine ne se trompait pas. Quelques années plus tard, au printemps 59, elle est assassinée. Et si sachant sa mort imminente, « persuadée que, dès qu’elle ne sera(it) plus de ce monde, son fils tentera(it) de salir sa mémoire », elle avait écrit une dernière lettre en forme de confession, dans l’espoir de faire connaitre à la postérité sa vérité ?
C’est cette missive que Marjolaine Renvoisé, professeure de lettres classiques, se faisant messagère d’Agrippine, imagine dans De Agrippinae confessione (La confession d’Agrippine), petit livre savoureux qui renoue avec la tradition littéraire latine des lettres fictives, tout en s’inspirant de faits historiques réels, relatés, en particulier par Tacite, dans les Annales.
L’ouvrage, est composé en deux parties – une partie bilingue latin/français, une partie unilingue en latin seul – ce qui permet d’en adapter l’utilisation au niveau d’expertise des élèves, plutôt des lycéen·nes, et d’en varier les modes d’exploitation en classe. La lecture est accompagnée de prolongements très variés (étymologie, mythologie, histoire, civilisation, littérature …), dans lesquels on pourra picorer à loisir, et qui tous partent du texte pour l’éclairer, et susciter la curiosité. Quant à la partie unilingue, elle est riche de notes de vocabulaire, de mises en relation du latin et du français, ou de zooms grammaticaux, à exploiter en fonction du niveau des classes et de la progression choisie.
Mais la grande réussite de cette confession, hormis tout cet appareillage pédagogique et la qualité du texte, tient au point de vue adopté par l’autrice. Mère de Néron, veuve de Claude, Agrippine fait traditionnellement figure de mère dévorante, pleine d’ « orgueil et de férocité » disait Racine, qui ne voit en son fils qu’une créature lui permettant d’accéder au pouvoir. L’écriture inventive de Marjolaine Renvoisé propose de faire un pas de côté pour interroger cette version qui a toujours adopté le récit « que son fils parricide a bien voulu que l’on transmette à la postérité », et un regard masculin. « Et si pour une fois on laissait la parole à une femme ? » : que raconterait alors Agrippine ? Quelle a été sa vie : une famille dévastée ? des mariages ratés ? un fils ingrat ? des trahisons de toutes parts ?…
« J’espère seulement qu’après ma mort cette lettre pourra permettre à la vérité d’éclater. Adieu. », conclut-elle, avant de confier à une fidèle servante sa missive, à remettre à Pallas… Elle est enfin arrivée à destination.
Claire Berest
De Agrippinae confessione (La confession d’Agrippine), Marjolaine Renvoisé. Illustrations Djhor. Editions Les Belles Lettres – Collection La Vie des Classiques – Les Petits Latins.
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