Vous rêvez d’une fable poétique et instructive, poussant petits et grands à s’engager pour une cause juste, la préservation d’une nature vitale pour l’humanité, une forêt tropicale ancestrale par exemple ? Sauvages, le nouveau film d’animation en ‘stop-motion’ de Claude Barras vous attend. Et c’est un enchantement.
Bijou de création collective, artisanale et inventive
Près de huit ans après la réussite partout fêtée de Ma vie de courgette, épopée émancipatrice d’un petit orphelin intrépide, galvanisé par l’amour retrouvé d’une famille d’adoption, Claude Barras, conjugue à nouveau ici ses talents pluridisciplinaires (formation à l’illustration, à l’anthropologie et aux images numériques, à l’infographie 3D et à l’animation) pour donner formes, mouvements, couleurs et sons à l’odyssée mouvementée de la petite Kéria et de ses compagnons en pleine forêt transfrontalière. Des héros (petites marionnettes, grands yeux expressifs, tenues chamarrées, déplacées à la main image par image) dans des décors forestiers luxuriants aux lumières changeantes (décors peints en relief à la taille des figurines). Appuyé sur un script subtil, écrit avec la scénariste Catherine Paillé, accompagné par plusieurs équipes de techniciens-experts et de graphistes ou d‘inventeurs sonores, le résultat de ce travail collectif au long cours fait des étincelles.
Et nous suivons pas à pas l’expérience inouïe de Kéria, la petite fille pénétrant dans la jungle de Bornéo jusqu’à la révélation de ses origines et la nécessité de la lutte du peuple penan contre les fossoyeurs de sa culture et de son espace nourricier.
Exploration d’un passé intime, révélation culturelle
A l’orée de l’épaisse forêt d’où s’entendent des bruissements divers, mélange insolite et envoutant de chants d’oiseaux, de signes de présence animale ou de froissements de branches, Kéria recueille un petit orang-outang apeuré qui a besoin de soin et d’attention d’autant qu’il vient de perdre sa mère. Pour l’heure, elle vit là seule avec son père qui travaille dans la plantation de palmiers à huile. Elle ne le sait pas encore mais ce jour-là son existence de ‘citadine’ de Bornéo change de cours. Son petit cousin, Selaï, se réfugie chez eux pour se mettre à l’abri du conflit opposant sa famille nomade (du peuple penan) aux compagnies en train d’exploiter la forêt au risque de la faire disparaître totalement et d’acculer ses habitants à renoncer à leur culture ancestrale.
Kéria est en colère et reçoit froidement le petit réfugié avec qui elle n’a guère envie de partager une chambre et un lit assez grand pour y réchauffer dans ses bras l’enfant orang-outang si vulnérable.
Et pourtant, un concours de circonstances, en particulier la nécessité de soigner le bébé singe et, pour ce faire, d’entrer dans la jungle, à la fois source de dangers effrayants et riche de ressources bénéfiques, conduit la fillette et son cousin à travers les méandres d’un territoire, inconnu pour l’une, familier pour l’autre…
Nous ne dévoilerons pas les rebondissements d’une aventure immense, pleine d’épreuves périlleuses et de découvertes bouleversantes. De fait, nos deux jeunes héros et leur enfant à préserver (celui que Kéria couvre de caresses régulièrement comme le ferait une petite humaine privée de la tendresse d’une mère disparue) avancent l’une et l’autre vers une nouvelle connaissance de leurs origines familiales communes, de la culture du peuple penan, qui est aussi la leur, à la faveur de rencontres avec des anciens et des figures emblématiques de la communauté menacée.
Kéria et ses compagnons aux avant-postes du combat écologique
De quelle étrange manière au sortir d’une grotte où s’attarde un vieux sage détenteur de savoirs à décrypter Kéria se rapproche-t-elle de la vérité sur ses origines ? Comment les chasseurs de gibier penans utilisent-ils le tajem (arbre à poison) pour impressionner, en brandissant leurs sarbacanes à fléchettes, les spéculateurs munis de billets de banque, de tronçonneuses, de camions géants et d’armes prêtes à l’usage ? Par quelle puissance sidérante la Bilung ou panthère nébuleuse – un des animaux mythologiques selon la tradition Penan – transforme-t-elle d’un bond une attaque en caresse apte à faire revivre un petit garçon allongé comme mort dans le lit d’une rivière ?
Pour initier la lutte collective quelles voies empruntent donc Kéria et tous ceux qui appellent la résistance, banderole déployée (sans négliger les fans du portable, les usagers des réseaux sociaux et autres relais jusqu’aux médias audiovisuels dominants) ?
Et si le fondement du combat écologique provenait de la beauté d’un monde à sauver du désastre ?
Sauvages de Claude Barras répond à ces questions avec grâce et intelligence en nous offrant le foisonnement splendide de la forêt primitive, les cieux déclinant la lumière et découpant les paysages du lever du soleil au clair-obscur jusqu’aux ténèbres d’un noir profond aux reflets bleutés, et la richesse culturelle et la complexité humaine du peuple qui y demeure attaché.
Le rêve de soulèvement et d’engagement concret cher à Claude Barras peut devenir réalité. Sauvages nous incite à le partager, toutes générations confondues.
Samra Bonvoisin
Sauvages, film de Claude Barras-sortie le 16 octobre 2024 ;
Sélection officielle, séance spéciale, Festival Cannes 2024 ; compétition officielle, festival Annecy 2024
Dossier pédagogique cycles 2 & 3 (en téléchargement sur le site du distributeur : www.hautetcourt.com)
Le Film de la semaine du Café pédagogique du 16 octobre 2016 :
Le film de la semaine : « Ma vie de courgette » de Claude Barras