Comment expliquer concrètement le génie d’Alan Turing en classe ? Marc Raynaud, ancien enseignant de mathématiques, est le concepteur d’un prototype qui fait le tour des classes. Les lycéens donnent des instructions à la machine pour effectuer des calculs. « Avant le niveau, c’est la liberté d’esprit qui donne les meilleurs résultat », remarque le passionné auprès des élèves. Le programme d’enseignement scientifique en terminale évoque que « Turing a été le premier à proposer le concept de machine universelle qui a été matérialisé dix ans plus tard avec les premiers ordinateurs ».
Quel regard avez-vous à propos des élèves devant lesquels vous intervenez ?
Avec la phrase « Bienvenue dans le monde de la machine de Turing » je prépare les lycéens à l’idée qu’ils vont entrer dans un monde tout à fait nouveau pour eux et que je compte sur leur imagination pour trouver des solutions aux algorithmes que je leur propose de résoudre. La suite d’instructions à donner à la machine pour obtenir un résultat est relativement originale et la démarche est souvent tout à fait nouvelle pour les lycéens.
J’ai organisé des séances en recherche algorithmique sur la machine de Turing à des niveaux d’études très divers plus précisément de la classe de troisième, en passant par toutes les classes du lycée, puis aux étudiants d’université jusqu’à Normal Sup’ et l’école Polytechnique. Avant le niveau, c’est la liberté d’esprit qui donne les meilleurs résultats, il se trouve que des élèves dits moyens réussissent quelques fois très bien.
Que leur présentez-vous avec votre machine de Turing ?
Pour introduire la machine de Turing auprès des lycéens, je fais un rapide rappel sur l’histoire des machines à calculer. Ensuite je donne un aperçu des problèmes de mathématiques de l’époque, notamment en citant David Hilbert, Bertrand Russel, Emile Borel et le maître de thèse de Turing : Alonzo Church.
C’est un prototype de la machine imaginée par Alan Turing pour modéliser le concept d’algorithme, il est directement issu de la description qu’il a donnée dans son article publié en 1937 intitulé : On computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblem. Cette machine est en fait le modèle le plus simple que l’on puisse concevoir pour approfondir la notion de fonctions calculables.
Selon Alan Turing : » A tout instant, le comportement de la machine est déterminé par la m-configuration et le symbole lu« . Je montre aux lycéens les feuilles à perforer qui vont servir à donner des instructions à la machine en leur précisant que chaque ligne correspond à un état de la machine (m-configuration) suivi du résultat de la dernière lecture (symbole lu). Je complète ces explications en mettant le prototype en fonctionnement sur quelques exemples très simples qui permettent d’entrer dans l’univers de la machine de Turing.
Quelles autres modélisations avez-vous déjà construites ?
La mise en place de la feuille de programmation dans le prototype, la saisie des données et le temps de fonctionnement prennent environ 5 minutes. Donc si l’on souhaite que 5 groupes de 3 élèves fassent chacun 2 à 3 tests sur la machine, il faut environ une heure pour une demi-classe.
En raison du nombre important de demandes pour des TP en recherche algorithmique, j’ai été amené à construire une deuxième machine pour faire un TD avec une classe entière.
Avez-vous des conseils pour des enseignants qui souhaiteraient concevoir ce prototype avec des élèves ?
J’ai construit le premier prototype avec l’idée bien ancrée que j’allais l’utiliser puis que je la ferais fonctionner par des jeunes. Le côté utilisable est vite devenu prioritaire et m’a guidé dans les choix pour la réalisation.
Le ruban de turing est présenté comme un ruban rectiligne sur lequel se déplace une tête de lecture/écriture, cela donne un ensemble difficilement transportable et délicat à mettre au point. Pour avoir un ensemble compact et transportable, j’ai finalement opté pour un ruban circulaire sous la forme d’un disque et au lieu de déplacer la tête de lecture/écriture il me suffit de faire tourner le disque, c’est beaucoup plus simple et plus solide.
A noter aussi, l’aspect ludique du prototype est un facteur important qui motive les jeunes à vouloir réussir, j’obtiens facilement l’adhésion de toute la classe.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Le site de la machine de Turing
Dans le Café
Marc Raynaud : Il a réalisé une machine de Turing