« Trop d’élèves devant les profs et pas assez de profs devant les élèves : ça suffit ! » Six lycées des banlieues populaires de l’Est lyonnais étaient en grève jeudi 26 septembre 2024. Ils réclament des moyens à la hauteur des besoins de leurs élèves. Suite à l’agression d’un professeur par un élève mardi 24 septembre au lycée Faÿs à Villeurbanne, 74% des personnels étaient en grève. Ils dénoncent un manque de moyens et la dégradation du climat scolaire comme des conditions de travail et d’apprentissage.
Des lycées de banlieue en souffrance
Les lycées Jacques Brel, Marcel Sembat de Vénissieux, Robert Doisneau à Vaulx-en-Velin, les lycées Brossolette et Faÿs de Villerbanne et Camus-Sermenaz (Rillieux) étaient en grève jeudi 26 septembre. Tous ces lycées se situent dans la banlieue de Lyon et la plupart ont des IPS entre 83,7% et 90,7 et l’un atteint 96,9%. Tous sont sous la moyenne nationale et rejoignent les IPS de collège REP, ou de lycée professionnel. Les collèges de secteur sont d’ailleurs en éducation prioritaire. Les indicateurs des lycées sont dans la continuité sociologique des collèges mais n’ont plus de statut « éducation prioritaire » depuis dix ans. En 2014, lors de la refonte de la carte de l’éducation prioritaire, la carte des lycées n’a pas été publiée, les excluant de fait de l’éducation prioritaire.
« Pour assurer nos missions d’éducation correctement et lutter contre les inégalités, il faut des moyens humains » déclare Margot Béal, professeure d’histoire-géographie dans un des lycées. Elle rapporte qu’une délégation des six lycées en grève a bien été reçue par le rectorat, le directeur académique adjoint M. Seguin et Madame Mayot, secrétaire générale adjointe de l’académie de Lyon. Elle rapporte leur échange brièvement, devoir faire avec enveloppe contrainte et ne pas faire de lien entre incidents graves et manque de moyens. Les professeurs interrogés regrettent que l’allocation progressive de moyen diminue depuis quelques années. Et la professeure est encore sous le choc de la nouvelle du jour : « on a appris que certains établissements privés en bénéficient », ces « moyens, des heures supplémentaires pour tutorat, du soutien ont été supprimés cette année, ce sont 4500 heures sur les 6 lycées ».
Des difficultés dès la rentrée : un climat scolaire qui se dégrade
Un mois après la rentrée, les professeurs soulignent les difficultés : des conseils de disciplines sont déjà prévus, les dispositifs pédagogiques sont insuffisants pour apporter l’aide nécessaire. Les moyens manquent. A cette rentrée, les lycées ont perdu toutes leurs heures du dispositif « je réussis au lycée », des moyens alloués aux établissements qui leur permettaient d’assurer des heures d’accompagnement, des dispositifs « SOS maths » ou « SOS français ». Les lycées ont aussi perdu les heures qui leur permettaient de préparer les oraux du baccalauréat ou d’accompagner à l’épreuve Parcoursup.
Des difficultés : manque de professeurs et désert médical
Les personnels médico-sociaux ou d’accompagnement, comme des professeurs manquent à la rentrée comme dans beaucoup d’établissement. Pour la professeure : « Nos 1300 élèves sont dans un désert médical » alors qu’ « on manque de médecins et de structures médicales à Vénissieux ». La professeure poursuit : « Certains cours ne sont pas assurés, particulièrement dans les filières technologiques. Il y a un manque de professeurs de sciences de l’ingénieur et turn over, des longues maladies surtout dans la voie pro et techno où les arrêts sont surreprésentés parce que c’est dur ».
Des effectifs qui explosent
Les classes des lycées explosent. Les effectifs sont soit stables soit en hausse, avec des moyens en baisse. Ils peuvent atteindre 36 élèves en Première générale au lycée Faÿs, 35 en filière technologique au lycée Doisneau ou Sembat.
La professeure dénonce la situation : « Rien n’est prévu pour les élèves qui redoublent, donc on arrive à ces effectifs absurdes, évidemment des élèves redoublent, et plus dans nos établissements que dans le centre-ville. A Doisneau, ils sont 37 élèves en Terminale. » Les professeurs précisent que le lycée Faÿs accueille 1400 élèves à la rentrée 2024 quant ils étaient 900 il y a une dizaine d’années, et ce à moyens constants ni postes supplémentaires. Ils déplorent que l’ouverture de l’internat en 2022 se soit effectuée sans création de poste, ni de personnels de direction, d’encadrement ou médico-social. Les équipes réclament des moyens humains pour pouvoir assurer leur mission correctement.
Comment accueillir les lycéens des quartiers populaires correctement sans moyens ? se demandent les professeurs en grève.
Djéhanne Gani