« On alerte sur un mal-être systémique ». Mardi 17 septembre 2024, UNSA éducation a présenté les résultats du baromètre du métier dont elle prend la température depuis 2013. Cette année, l’angle choisi par le syndicat est celui du travail. Quelles analyses tirées du baromètre 2024 ? Deux points : d’une part, la pénurie des professeurs et le manque d’attractivité du métier ne sont que la partie visible de l’iceberg et d’autre part, les mandats du président Macron sont ceux d’une dégradation des conditions de travail. Le mal-être est bien plus profond et désormais installé. Il pose de manière urgente la question de la santé et de la qualité de vie au travail, mais aussi la question d’un mal-être systémique. Morgane Verviers, secrétaire générale de l’UNSA éducation, affirme la volonté du syndicat de mettre l’Etat, le premier employeur de France devant ses responsabilités.
Un diagnostic partagé sur le métier : un amour du métier
Avec plus de 49 000 répondants à l’enquête, le baromètre permet de prendre la température des personnels de l’Éducation nationale puisque l’ensemble des personnels ont répondu à l’enquête du syndicat sur tout le territoire et au-delà des cercles du syndicat. L’enquête correspond donc à un panel des personnels. Avec 73% de réponses de femmes, l’enquête est représentative des personnels.
Une constante stable malgré tout : 92% des personnes déclarent aimer leur métier. Pour Morgane Verviers, les personnels « sont empêchés » et vivent moins bien leur métier. Ils étaient en 2017 80% à aimer exercer leur métier, ils sont 73%, 7 ans après. Seuls 20% des répondants conseilleraient leur métier à un proche de leur entourage, c’est 16 points de moins depuis 2017.
… mais dont 36% des personnels souhaitent changer
Un tiers des répondants souhaite changer de métier : depuis 2017 c’est un chiffre stable et alarmant. Cette tendance représenterait 350 000 personnes et c’est une véritable alerte pour le syndicat. Morgane Verviers déclare : « on alerte sur un mal-être systémique ». La moitié des répondants disent avoir rêvé de ce métier, ce sont les conditions d’exercice du métier qui leur donnent envie de le quitter ou font mal vivre le travail. Par exemple, les « décisions parfois planantes » ont des effets sur les agents. A la question de se voir exercer le métier encore longtemps, 37% ont répondu par l’affirmative par manque de perspective.
La question essentielle des conditions de travail
« Pour répondre au défi de l’attractivité, il faut commencer par prendre soin de celles et ceux qui sont déjà là » déclare la secrétaire générale de l’Unsa éducation. Elle insiste sur la question des conditions de travail, dont fait partie la considération pour permettre « aux collègues d’aller mieux ». Depuis 2017, la défiance s’est installée. Pour Morgane Verviers, « les années Macron sur le champ de l’éducation vont laisser des traces ». En 2017, 24% des répondants étaient en accord avec les choix politiques, en 2024 ils sont 7%. 87% des répondants disent ne pas être en accord avec les choix politiques de leur secteur d’activités.
Quelles priorités ?
Selon l’enquête, le pouvoir d’achat est la première préoccupation des personnels, pour 58% des répondants. Faute de moyens, 57% disent avoir renoncé à des loisirs, 55% s’être privés de vacances, 27% privés d’un accès au soin, 18% de dépenses alimentaires. Morgane Verviers alerte : « les entrants dans le métier sont les plus touchés : 28% ont dit avoir renoncés a des dépenses alimentaires ». Pour elle, « il y a des efforts qui ont été faits pour leur rémunération, cela reste insuffisant ».
Ensuite la charge de travail est citée comme deuxième priorité, par la moitié des répondants, avec une hausse de 8 points depuis 2017. Le mal-être et l’épuisement professionnel est partagé à tous les étages, par tous les personnels, personnels de direction, personnels médico-sociaux, professeurs, IEN. La question des perspectives de carrière préoccupe également à 34% les répondants, juste avant celle de la santé.
La santé, l’angle mort de l’Éducation nationale
74% des répondants à avoir cité la santé comme priorité disent ne pas avoir accès à la médecine du travail. Le nombre de répondants ayant affirmé « mes conditions de travail ne sont pas satisfaisantes » a augmenté de 14 points. Pour 72% des répondants, les conditions de travail ne sont pas bonnes. Pour le syndicat, la dégradation au fil des années d’expérience doit alerter l’employeur : « plus on exerce, plus on pense que les conditions se sont dégradées ».
Une question de survie pour l’École publique
Le baromètre met en valeur la dégradation matérielle comme psychologique des répondants. Les personnels de l’Éducation nationale subissent les injonctions et des conditions dégradées de travail accentuées par la perte de sens. Si la dégradation relevée depuis 2017 doit alerter le premier employeur de France, ne doit-elle pas également lui faire changer de cap politique ? Cela est non seulement une question de santé des personnels, mais n’est-ce pas aussi une question de survie pour l’Ecole publique ?
Djéhanne Gani