Dans « Relever le défi écologique à l’école », Jean-Michel Zakhartchouk fait le pari de l’École comme actrice de la transition écologique. L’auteur est enseignant et formateur. L’ouvrage comprend de nombreuses contributions d’acteurs engagés, de la maternelle à l’Université, regroupées dans un ouvrage coordonné par l’auteur. Il écrit dès le premier chapitre « L’écologie dans les programmes scolaires » « en progrès, mais peut mieux faire… La place des questions environnementales devient plus importante dans les programmes disciplinaires de l’enseignement. Mais on se cantonne souvent à une seule discipline, et à la problématique de l’éducation au développement durable ». Alors comment en sortir ? Le Café pédagogique pose quelques questions à Jean-Michel Zakhartchouk pour mieux saisir les enjeux écologiques dans l’École et mieux appréhender le rôle qu’elle peut jouer et comment.
Vous dressez un état des lieux de la place de l’écologie dans l’Ecole, qui ne doit pas être un « à côté » des savoirs disciplinaires enseignés. Alors quelle place pour l’écologie ?
Surtout, l’Ecole doit être à la hauteur des urgences actuelles. Former des éco-citoyens, conscients de leurs responsabilités dans une transformation indispensable pour que la Terre reste « humaine », cela ne fait-il pas partie des « fondamentaux » ? Car, au fond, que voudrait dire lire-écrire ou faire des mathématiques dans un monde où les températures dépasseraient le vivable et où les catastrophes naturelles se multiplieraient. Je ne crois pas, malheureusement, que les préoccupations écologiques soient actuellement autre chose qu’une des multiples « priorités » (le mot n’a plus beaucoup de sens), dans le style : « oui, c’est vrai, il ne faut pas oublier l’écologie… ». Pour certains, ce n’est pas vraiment dans les missions de l’école que de former à cette éco-citoyenneté, mais pour moi, c’est irresponsable de le penser. Bien sûr, l’Ecole doit apporter sa contribution en toute modestie, mais celle-ci peut être décisive pour les générations futures. J’ai voulu dans cette perspective solliciter pratiquement toutes les disciplines scolaires et il y a des contributions passionnantes de l’EPS, des Lettres, de la Physique. Ce ne doit en tout cas pas être la seule affaire des SVT, même si leur rôle est capital sur le sujet.
Vous parlez d’ « éco-citoyenneté ». Qu’est-ce que c’est ?
L’éco-citoyen est une dimension de la citoyenneté, l’intégration des préoccupations en matière de climat et de biodiversité dans le parcours citoyen global. On va plus loin que le développement durable, qui était un pas en avant, mais parait trop restrictif, comme l’explique à la fin du livre Aurélie Zwang dans un savoureux récit du parcours d’une élève fictive.
Pensez-vous que les éco-délégués sont une étape vers un mieux ?
Ce peut être une coquille vide et un moyen de ne mobiliser que les élèves déjà impliqués. Mais, comme le montre la belle expérience évoquée dans le livre du collège Courteline à Paris, ce peut être un levier puissant pour une implication de tous et non un alibi pour se donner bonne conscience.
Quels sont les freins pour faire de la place à l’écologie dans l’Ecole ?
Ils sont nombreux et mentionnés tout le long de l’ouvrage. Je voudrais citer simplement la tentation du déni ou de la résignation. Il est important de lutter contre les effets négatifs de l’éco-anxiété, en l’assumant comme étape, mais en la dépassant par la proposition d’actions, comme l’explique Simon Klein de Office for the climate.
Alors comment relever le défi écologique à l’école ? Vous esquissez une méthode et des pistes dans votre livre. Lesquelles ?
Je ne sais pas si c’est une méthode, mais en tout cas le recours à une pédagogie active, bien familière aux lecteurs du Café, à savoir l’utilisation de nombreux dispositifs de l’éducation nouvelle : travaux de groupes, débats organisés, recours à l’imagination créative (scénarios du futur, éco-science-fiction…), enquêtes… Même si les apports scientifiques restent indispensables, comme le souligne Jean Jouzel dans sa belle préface.
Vous évoquez des bonnes pratiques, avec des partenaires de l’Éducation nationale. Peut-être pourriez-vous en dire un mot et donner un exemple ?
Ce livre s’appuie sur mon expérience au sein des Cahiers pédagogiques (certains extraits d’articles déjà parus sont présents, mais l’essentiel du livre est inédit). Mais de nombreux partenaires ont été sollicités, tout particulièrement La Main à la pâte, mais aussi Canopé, Universciences, Office for the climate Education. Pour nuancer mes propos un peu pessimistes en réponse à la première question, je soulignerai à quel point il existe de nombreuses pratiques enthousiasmantes qui doivent être encouragées, mieux diffusées, mieux mises en avant. L’un des objectifs du livre est d’y contribuer.
Pour aller plus loin, je répondrai à d’autres questions en compagnie de certains enseignants contributeurs du livre dans un webinaire qui aura lieu le mercredi 18 septembre.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
Relever le défi écologique à l’école.
Jean-Michel Zakhartchouk. Esf, en partenariat avec les Cahiers pédagogiques, 2024.