Le prix Vendredi est le premier grand prix national de littérature adolescente en langue française qui a pour vocation de valoriser le dynamisme et la qualité de création de la littérature jeunesse contemporaine. Il récompense, chaque année, un ouvrage francophone destiné aux plus de 13 ans, désigné par un jury de professionnels. Le Café pédagogique a rencontré Simon Roguet, libraire et un des membre du jury.
Pouvez-vous nous présenter le prix Vendredi et ce qui, selon vous, en fait son intérêt et sa spécificité ?
Le prix vendredi est un prix national autour de la littérature pour ados. C’est le premier prix créé pour cette littérature, par la partie jeunesse du Syndicat National des Editeurs pour mettre en avant la diversité et la qualité des publications francophones. Le nom de Vendredi est un hommage à Michel Tournier. Il est décerné par un jury de professionnels qui ont un intérêt fort pour cette littérature. Essentiellement composé au départ de journalistes et spécialistes du domaine, il s’est peu à peu diversifié en ouvrant par exemple ses portes aux libraires (que je représente) ou à un blogueur, Tom Lévêque, qui, même s’il a de multiples casquettes, apporte notamment un nouveau regard plus « numérique ». En font partie aussi des auteurs, dont Marie Desplechin et le lauréat de l’année précédente, donc pour cette année Claudine Desmarteau dont le livre « Au nom de Chris » a été primé l’an dernier. Le prix s’est également affermi avec une sélection qui tend vers le public « jeune adulte ». Chacun des éditeurs du SNE peut proposer un ouvrage, chaque membre du jury peut également proposer un titre. De cette première sélection qui représente environ 30 à 40 livres, une liste de 10 ouvrages reste en lice. En novembre, le jury se réunira pour voter afin de choisir le lauréat de 2024. Depuis l’an dernier, le Pass Culture s’est associé pour créer un prix des jeunes, délivré par des lecteurs ados : il offre un regard décalé avec une couleur intéressante des lecteurs concernés eux-mêmes. Ajoutons que ce prix a acquis la confiance et la reconnaissance des professionnels comme les libraires, les bibliothécaires, les documentalistes qui participent au rayonnement des livres.
Comment définissez-vous la littérature ado ?
Pour moi, c’est une littérature vivifiante, moderne, intense. On a des personnages qui sont des ados, et l’adolescence est souvent définie par l’intensité des émotions, qu’elles soient positives ou négatives, comme par l’action. Cela permet une littérature très vivante. Les auteurs ont une grande liberté et vont travailler la langue tout autant que dans la littérature adulte. Ce n’est pas une sous-littérature ! On a des livres extrêmement bien écrits, bien pensés, bien construits : avoir un public « adressé », avoir des contraintes, ne limite pas la créativité. On a moins d’élitisme sans doute qu’avec les prix de littérature adulte : les auteurs, comme les éditeurs, se laissent la possibilité d’avoir des genres littéraires différents, parfois même de la poésie avec des vers libres.
Quels sont les éléments qui retiennent votre attention en tant que jury ?
Clairement le plus important est l’écriture ! Elle dépasse tous les autres critères : un livre ne peut pas seulement être bien construit et agréable à lire. Il faut d’abord ressentir quelque chose dans l’écriture, sans œillères par rapport à l’histoire, qui viendra dans un deuxième temps. Je suis sensible à l’originalité de l’écriture, son aspect parfois particulier, la faculté de l’auteur à créer de la tension. Finalement, les histoires qu’on raconte depuis l’invention de l’écriture sont toujours les mêmes ! Et les thématiques que l’on traite particulièrement pour cet âge sont souvent centrées sur les préoccupations des ados : l’amour, les problématiques familiales… Ce n’est redondant que si c’est mal fait ! C’est donc la manière d’exprimer qui fait la différence. Cette année, on s’est surpris à avoir, dans la sélection, plusieurs romans avec des contextes historiques, alors que ce genre n’est pas fréquent en littérature ado. Je suis très heureux de participer à cette aventure, à cette littérature-là : c’est passionnant de confronter son avis avec les représentants de différents métiers, de croiser nos regards qui sont tous différents.
Propos recueillis par Marianne Baby
Voici la sélection officielle 2024, rendez-vous le mardi 5 novembre 2024 pour la proclamation des prix !
- Charbon bleu, Anne Loyer, Éditions D’eux
- Des Jours comme des nuits, Sébastien Joanniez, Le Rouergue
- Deux mois chez Andréa, Julien Dufresne-Lamy, Nathan
- Infiltré, Laurent Petitmangin, Actes Sud Jeunesse
- La Cabane, Ludovic Lecomte, L’école des Loisirs
- La Chasse, Maureen Desmailles, Thierry Magnier
- La Louve, Antonin Sabot, Talents Hauts
- Les Coquillages ne s’ouvrent qu’en été, Clara Héraut, Hachette Romans
- Reine de l’Ouest, H. Lenoir, Sarbacane
- Vindicte, Gildas Guyot, Faction
Le jury du Prix Vendredi 2024 est composé de :
Raphaële Botte, journaliste à Télérama
Philippe-Jean Catinchi, rédacteur culture au Monde
Françoise Dargent, rédactrice en chef Culture au Figaro et autrice
Claudine Desmarteau, autrice lauréate du Prix Vendredi 2023
Marie Desplechin, journaliste et autrice de livres jeunesse et adulte
Nathalie Riché, critique en littérature de jeunesse, elle anime le blog Allon Z’Enfants
Simon Roguet, libraire à la librairie M’Lire, Laval
Cécile Ribault-Caillol, journaliste littéraire
Tom Levêque, auteur et spécialiste de la littérature adolescente
Jury des jeunes
Depuis 2023, la collaboration du Prix Vendredi avec le pass Culture a permis la création du « Prix Vendredi – Jury des jeunes pass Culture » décerné par sept jeunes lecteurs et lectrices, âgés de 15 à 20 ans et issus de différentes régions, sélectionnés suite à un appel à participations diffusé durant l’été. En 2023, ce Prix a été décerné à Arnaud Cathrine pour son roman « Octave » (Robert Laffont, 2023).
Archives
Vous pouvez retrouver la rencontre avec Claudine Desmarteau, lauréate 2023 pour son ouvrage « Au nom de Chris » dans l’Expresso du 15 novembre 2023.